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DCCXIII

Rémission octroyée à Jehan Moigneron et à Thomas Forestier, de Triou, paroisse de Mougon, pour le meurtue de Jean Bonin qu’ils avaient surpris en train de faire violence à la femme dudit Moigneron.

  • B AN JJ. 131, n° 161, fol. 99
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 337-339
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Jehan Moingneron, dit Vignier, de Triou, de la parroisse de Saint Jehan de Mougon, en la chastellenie et ressort de Niort, et de Thomas Forestier, de la dicte ville, compere et voisin du dit Jehan Moigneron, povres laboureurs, chargiez de femmes et d’enfans, contenant comme le dit Moigneron eust et ait esposé une bonne preude femme de l’aage de vint ans ou environ, la quelle a esté tout son temps de bonne et honneste conversacion, et y soit ainsi que Jehan Bonin, de la dicte ville de Triou, en son vivant homme pillart et de mauvaise renommée, la poursuy bien par l’espace de un an ou environ, pour d’icelle avoir ses voulentez et cognoistre charnelment, à quoy elle ne se voult oncques consentir, mais dist par pluseurs foiz à son dit mary qu’il voulsist en ce mettre remede, afin qu’elle ne feust deshonnorée de son corps, et le dit Jehan son mary dist, supplia et requist au dit Jehan Bonin que il se cessast et deportast de plus poursuir et requerre sa dicte femme de vilenie, et aussi que plus en sa maison ne venist ne conversast, ou autrement il lui en desplairoit ; et mesmement lui en fu faicte defense par les officiers de nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poitou, seigneur de la dicte ville. Neantmoins le dit Bonin ne se voult depourter de ce faire, mais poursui la dicte femme plus fort que devant, et vint en perseverant son mauvais propos, armez et à force d’armes en la maison [p. 338] du dit Moingneron, lui rompi sa porte, entra dedens la court de sa maison et tua un chien, en lui efforsant tousjours de ravir la dicte femme et de tuer son dit mari, s’il les eust trouvez, et tant poursui en son mauvais propos que, environ la feste du Saint Sacrement derrenierement passé, à heure de midi ou environ, il s’embat en la maison du dit Moingneron, en la quelle il trouva sa dicte femme toute seule, fors de un enfant d’un an ou environ, la quelle par sa force et maugré elle, il prist à plains braz, la rua à la terre et s’efforça de tout son povoir de la cognoistre charnelment, mais elle s’escria si hautement, en requerant aide, que son dit mari et le dit Thomas, son compere, l’entendirent, au quel cri et en aide à icelle ilz vindrent le plus tost qu’ilz pourent, et virent le dit Bonin1 qui de tout son povoir s’efforçoit de la violer. Et lors le dit mari, ce veant et le grant efforcement que le dit Bonin lui porchassoit, meu de chaleur, trouva un baston de quoy on faisoit le lit de son dit hostel, et icellui print en venant contre le dit Bonin, qui avoit jà tiré sa dague pour venir contre lui pour le tuer, s’il eust peu, et d’icellui baston feri le dit Bonin sur la teste, telement que mort s’en ensuy en sa personne. Pour occasion du quel fait, les diz Moingneron et Thomas, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays et sont en aventure que jamais n’i osent retourner et de cheoir en mandicité, eulx, leurs femmes et enfans, se sur ce ne leur est impartie nostre grace et misericorde, si comme iceulx amis charnelz dient. Si nous ont humblement supplié iceulz amis charnelz que, pour consideracion aus choses dessus dictes et à ce que les diz Moingneron et Thomas ont esté toute leur vie hommes de bonne et honneste conversacion, fame et renommée, qu’ilz ne furent oncques mais reprins d’aucun autre mauvais vice, blasme ou reprouche, que d’iceulz nous vueillions avoir pitié et [p. 339] compassion. Nous adecertes, ces choses considerées, voulans mísericorde estre preferée à rigueur de justice, de nostre grace especial, puissance et auctorité royal, aux dessus diz Jehan Moingneron et Thomas Forestier, ou cas dessus dit, avons remis, quictié et pardonné, quictons, remettons et pardonnons par ces presentes tout le fait et cas dessus dit, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile, qu’ilz ont ou puent avoir encouru envers nous et justice, pour le fait et occasion dessus dit, et les avons remis et remettons à leurs bonnes fames et renommées, au pays et à leurs biens non confisquez, satisfacion faicte à partie premiers et avant toute euvre, se faicte n’est, civilement tant seulement, et imposons sur ce à nostre procureur silence perpetuel. Si donnons en mandement par ces presentes au gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent joir et user plainnement et paisiblement les diz Jehan Moingneron et Thomas Forestier, sans les contraindre, molester, traveillier ou aucunement empeschier au contraire ; mais se leurs corps ou aucuns de leurs biens non confisquez estoient pour ce prins, saisiz, levez, arrestez ou empeschiez, si les leur mettent ou facent mettre à plainne delivrance. Et pour ce que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Beauvais, ou moys d’octobre l’an de grace mil ccc. iiiixx et sept, et le viiie de nostre regne.

Es requestes de l’ostel. G. Budé. — Fresnel.


1 Le texte porte en cet endroit « Wonin » ou « Wouin », au lieu de Bonin.