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DCXCVI

Rémission accordée à Jean et à Pierre Chapereau, de Corps au diocèse de Luçon, sergents et familiers de Jean du Plessis, chevalier, pour le meurtre de Pierre Suire, qu’ils avaient trouvé coupant des ajoncs sur la terre de leur maître et se disposant à les emporter. Il avait répondu par des injures et des coups aux ordres que lui donnaient les deux sergents, de les suivre avec le corps du délit.

  • B AN JJ. 128, n° 130, fol. 75 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 286-290
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Jehan et Pierre Chapereauz, de la parroisse de Corp ou diocese de Luçon, que ainsi comme les diz exposans, sergenz et familliers de Jehan du Plesseys1, chevalier, le jour de feste saint [p. 287] Marc l’ewangeliste derrenierement passée, aloient de la Rooliere au dit lieu de Corp, eulz en leur chemin trouverent Pierre Surre2 en la terre du dit chevalier, c’est assavoir ou fief de la Chaume appartenant au dit chevalier à cause de Jehanne Guinere, sa femme, pour raison du doaire d’elle, et pour ce que le dit Pierre Surre, sanz congié ou consentement du dit chevalier, en ycelle terre et fief avoit cueilli et emblé certains biens et choses du dit chevalier, [p. 288] appellez ajoons, selon le langage du pays, — ajons sont defenduz de cuillir et prendre sanz licence de cellui à qui il appartient, — et yceulz ajons avoit mis sur une jument et sur une mule qui d’icellui Pierre Surre estoient, pour les porter ou mener en son hostel, assiz aux Motes en la parroisse de Buigné, en commettant3 roberie et larrecin, en grant offense ou prejudice du dit chevalier, ou dit nom, et de sa justice. Et pour ce les diz exposans, en usant du droit dudit chevalier, ou dit nom, firent commandement au dit Pierre Surre que il au lieu de la Forestiere4, duquel estoit et est mouvant le dit fief de la Chaume, rendist son corps et ycelles deux bestes ainsi chargées d’iceulz ajons ; mais le dit Pierre Surre moult arrogamment respondi que riens n’en feroit, et que au dit commandement ne obbeyroit, ainçois dist que, en despit d’iceulz exposans, il en son dit hostel menroit yceulz ajons et bestes. Lesquelx exposanz firent commandement, de par le dit chevalier, au dit Pierre Surre que il baillast gaige en signe dudit meffait, pour en ester à jugement en la court du dit chevalier, et en recevoir telle paine ou punicion comme au cas appartendroit ; ce que ne volt faire le dit Pierre, qui respondi moult fierement que jà ilz n’en auroient gaige et que il n’obbeyroit point à la court dudit chevalier ; et de ce non content, s’adreça vers le dit Pierre Chapereau et de felon couraige, sanz cause, lui couru sus, et en lui disant ces paroles ou semblables : « Puis que tu demandes gaige, tu l’auraz », le dit Pierre Surre d’une fourche de boys de deux denz, qu’il tenoit, feri en la teste le dit Pierre Chapereau, à plaie et à [p. 289] effusion de sanc, et telement que à pou que le dit Pierre Chapereau ne chey à terre. Et pour ce que le dit Pierre Surre perseveroit en la dicte voye de fait, le dit Jehan Chapereau, doubtant que par les mains du dit Pierre Surre ycellui Pierre Chapereau, son frere, ne feust mis à mort ou corporelment dommaigiez, se mist près du dit Pierre Surre, et pour eschever le peril là où il mettoit le dit Pierre Chapereau, osta au dit Pierre la dicte fourche et, pour la douleur et couroux qu’il avoit de la bature et navreure ainsi sanz cause faicte à son dit frere, il meu d’amour fraternel et de chaude cole, fery un seul cop sur la teste le dit Pierre Surre, qui de ce cop ne chey pas. Et après ce les diz exposans, en usant de leurs offices et si comme faire pooient, prindrent ycelles deux bestes, chargiées comme dit est, et les menerent ou envoierent au dit lieu de la Forestiere, et en y faisant leur chemin, le dit Surre les suy bien longuement, et en les suyant, ycellui Pierre chey à terre, si comme l’en dit, et illeuc demoura toute la nuyt, en laquelle fist grant froit, et landemain environ heure de tierce, le dit Surre ala de vie à trespassement. Pour occasion des quelles choses, l’en a voulu proceder contre eulz criminelment, pour ce que l’en maintient qu’il ont esté en cause et occasion de la mort dudit Surre, combien que autre bature ou injure de fait n’y ait esté par eulz faicte que dessus ont confessé et confessent, c’est assavoir d’avoir feru un seul cop le dit Surre, par la maniere que dit est ; de et sur lequel fait avenu sanz fait appensé et sanz hayne precedent de la partie de diz exposans, ilz sont en bonne paix et acord avec partie bleciée, qui s’est tenue et tient pour contente des diz exposans, qui en touz leurs autres faiz ont esté et sont de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté convaincuz, condempnez ne actains d’autre meffait, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant sur ce eslargir nostre grace. Nous adecertes, pour consideracion [p. 290] de ce que dit est, aux diz exposans ou cas dessus dit, avons remis, quictié et pardonné de grace especial, remettons, quictons et pardonnons le dit fait, avec toute paine, amende et offence corporele, criminele et civile, que pour ce ilz pevent avoir encouru envers nous, et satisfait premierement et avant toute euvre à partie bleciée, se fait n’est, les restituons au pays, à leur bonne renommée et à leurs biens. Si donnons en mandement au seneschal de Xantonge, gouverneur de la Rochelle, et à touz noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que les diz exposans facent joir et user paisiblement de nostre presente grace, sanz les molester au contraire, en corps ne en biens. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre à ces presentes nostre seel ordonné en l’absence du grant. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou moys de mars l’an de grace mil ccc. iiiixx et cinq, et de nostre regne le siziesme.

Par le conseil. Henry. — Cornet.


1 Si ce personnage se rattache à la famille du Plessis, ce ne peut être que par une branche ignorée des généalogistes. Le troisième fils de Guillaume III, seigneur du Plessis, des Breux, de la Vervolière, etc., se nommait à la vérité Jean et est mentionné dans le testament de son père, daté du 20 avril 1373 ; mais il ne reparaît plus dans l’acte de partage de la succession paternelle qui fut fait le 18 février 1389. Il était par conséquent mort à cette époque, et sans laisser d’enfants. (A. Du Chesne, Hist. généal. de la maison du Plessis-Richelieu, in-fol., p. 22 et 138.) Or le Jean du Plessis, mentionné dans ces lettres de rémission, vivait encore en 1402. Un autre Jean du Plessis, le chef de la famille, échanson de Charles VI en 1404, vivait à la date de nos lettres : c’était le fils de Pierre III et le petit-fils de Guillaume III ; mais il était bien jeune en 1386, et pas encore marié. D’ailleurs il n’eut point d’autre femme que Catherine Frétart et vécut jusqu’en 1446. (Id. ibid., p. 87 et 139.)

En 1376, notre Jean du Plessis, qualifié déjà de chevalier, disputait à Renaud du Plessis, sans doute son parent, on ne sait à quel degré, la terre de Brillouet provenant de la succession de feu André Joubert, écuyer. L’affaire vint au Parlement, en appel de l’auditoire du sénéchal de Poitou, et, le 26 juin 1376, la cour manda au sénéchal de mettre sous la main du roi la terre litigieuse, jusqu’à sentence définitive. Jean de la Chaussée fut commis à l’administration de Brillouet et à la recette des revenus. Pierre Joubert, l’ancien possesseur, avait grevé sa terre d’une rente annuelle de 100 sous au profit de Catherine, fille de Jean Alonneau, pour aider à la marier. Jean de la Chaussée refusant de lui payer cette somme, le Parlement chargea le bailli des Exemptions de lui faire avoir satisfaction, le 18 mars 1377 n.s. (Arch. nat., X1a 25 ; fol. 225 ; X1a 26, fol. 41). Les registres de Parlement ne donnent plus rien, après cette date, sur cette affaire, ce qui fait penser que les parties la réglèrent à l’amiable.

Jean du Plessis demeurait à la Forestière (note de la page suivante), et avait un hôtel à Thiré, près Sainte-Hermine. Cela résulte d’un procès dont nous allons dire quelques mots. Feu Pierre Tabary avait vendu à Jean Guynier, père de Jeanne Guynier, dont elle était fille unique et seule héritière, quatre setiers et un quart de froment de rente, à la mesure de Sainte-Hermine, et cent sous de rente, « rendables chaque année à Tiré en l’ostel Jehan du Plesseys. » Cette redevance n’étant pas payée, l’hébergement du Temple, appartenant audit Tabary, avait été saisi et mis en la main du roi, et Jean du Plessis assigna Colette Tabary, fille et héritière de Pierre, et le mari de celle-ci, Jean Baritaut, devant le bailli des Exemptions de Poitou, Touraine et Anjou, à son siège de Chinon. Au cours de l’instance, le mari et la femme moururent, laissant un fils, Mathurin Tabary, mineur. Celui-ci décéda à son tour. Jean Griffier, son héritier, n’accepta la succession que sous bénéfice d’inventaire. Le litige en faisait partie, et le Parlement fut appelé à se prononcer en appel. Les parties convinrent alors de régler le différend, sans attendre l’arrêt définitif. Les arrérages s’élevant à une somme assez ronde, Griffier jugea de son intérêt d’abandonner tous ses droits à la succession à Jean du Plessis et à sa femme, qui en échange lui donnèrent quittance de ce qu’ils prétendaient leur être dû. Cet accord fut homologué au Parlement, le 9 décembre 1396 (X1c 72).

Dans un aveu rendu, le 10 janvier 1402, au duc de Berry, comte de Poitou, par Jean Brechou, de sa terre du Puiset, relevant du château et de la châtellenie de Fontenay-le-Comte, on trouve que Jean du Plessis, à cause de sa femme « Jeanne Guynere », tenait en fief dudit Brechou diverses terres, terrages, complants, prés, bois, cens et autres droits, d’une valeur de trente livres de rente annuelle environ. (Copie du Grand-Gauthier aux Arch. nat., R1* 2172, p. 1074.)

2 Ou Suire. Il est nommé Pierre Suyre dans de nouvelles lettres de rémission que Pierre Chapereau obtint pour ce meurtre, au mois de janvier 1396 n.s. (JJ. 149, n° 39, fol. 15 v°), ce qui donne à supposer que les présentes ne furent pas entérinées.

3 Le texte porte par erreur « en commençant ».

4 La Forestière ou la Foresterie était, suivant les lettres de janvier 1396, la résidence ordinaire de Jean du Plessis. On ne trouve point dans ces parages de localité ainsi nommée, ni sur la carte de Cassini, ni sur celle de l’État-major. Il semble, d’après la situation des autres lieux cités dans cet acte, qu’elle devait exister entre Corps et Sainte-Gemme-la-Plaine, près de la forêt de Sainte-Gemme.