[p. 298]

DCCI

Rémission, sauf amende et emprisonnement d’un mois, et pèlerinage à Notre-Dame du Puy, accordée à Hardouin de la Porte, écuyer, qui avait escaladé les murs du prieuré de Tourtenay, en avait enlevé et violé la clavière, nommée Guillemette Chrétien, et avait commis d’autres méfaits de même nature.

  • B AN JJ. 129, n° 20, fol. 12 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 298-301
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelz de Hardoyn de la Porte, escuier de la terre et seigneurie de Monstereul Bellay, que le dit Hardoyn de l’aage de xx. ans ou environ, acompaignié d’aucunes personnes, environ la feste de Noel derrenierement passée, se transporta devant le priouré de Tourtenay prez du dit Monstereul, et par dessus les murs d’icellui priouré entra en icellui et ala jusques à l’entrée dela chambre du prieur d’icellui priouré, en intencion d’avoir Guillemette Chrestianne, clavierre en ycellui priouré, la quelle Guillemette yssy hors de la dicte chambre d’icellui prieur et monta en un degré ; et si tost comme le dit Hardoyn oy marchier la dicte Guillemette, ycellui Hardoyn la poursuy le plus tost qu’il pot, et en faisant ceste poursuite, le dit Hardoyn par ycellui prieur et par un sien compaignon, ou autre homme avec lui, fu pris et jecté à terre, et lesquelz prieur et son compaignon ou homme osterent en ce moment au dit Hardoyn s’espée et sa dague, et ce fait le dit prieur fist fermer une porte qui estoit devant la grant sale du dit priouré, afin que ceulz de la compaignie du dit Hardoyn, ne survenissent illec pour ycellui Hardoyn secourre, mais ceulz de la compaignie du dit Hardoin alerent à la dicte porte et en partie [p. 299] ycelle rompirent et firent tant que par force ilz entrerent dedans, et la dicte Guillemette par force prindrent et avec eulz menerent icelle Guillemette, laquelle ycellui Hardoyn tint avec soy par l’espace de trois jours, et icelle par force congnut charnellement. Et pour ce que le dit prieur detenoit ycelles espée et dague du dit Hardoyn, ycellui Hardoyn et ceulx de sa dicte compaignie prindrent un mantel, deux barrettes, un goufort1, une paire d’esperons et trois connilz du dit prieur, lesquelz ilz rendirent si tost comme les dictes espée et dague leur furent restituées. Et oultre ce, environ la feste de la Chandelleur derreniere passée, et Caresme prenant après ensuivant, le dit Hardoyn et aucuns de sa compaignie alerent en la parroisse de Nueil sur Passavant, en l’ostel de feu Jehan Charrier, entrerent ou dit hostel et y prindrent Thomasse, femme de Aimery Chaillou, fille de la deguerpie du dit Charrier, pour icelle par force (sic) et mener avec eulz, et pour ce que elles le contredirent, ilz leur donnerent pluseurs bufes de paulmes et un cop de baston, et par force emmenerent avec eulz la dicte Thomasse et la congnurent charnelment. Lesquelles Guillemette et Thomasse, diffamées et abandonnées à pluseurs hommes, en tant que leurs maris pour ce, longtemps paravant ce, les avoient laissiées pour cause des mauvaiz precedens faiz d’elles, ont esté depuis ce devant les juges et officiers au dit Monstereul, pour nostre amé et feal cousin et chambellain Guillaume, viconte de Meleun2 et seigneur du dit Monstereul, et en jugement ont dit et [p. 300] declairié que aucune chose pour les diz cas criminelment, civilement ou autrement, ne vouloient ne ne veulent demander au dit Hardoyn, adonc et à present detenu ès prisons de nostre dit cousin et chambellain, et en ont esté jugiés par les diz juges ou officiers sanz appel ou reclam ; ès quelles prisons longuement à grant povreté et misere a esté detenu le dit Hardoyn, qui ces cas ou crimes pluz par jeunesce que autrement a commiz, et loyalment nous a servi en noz guerres, ès parties de Poitou et de Xaintonge, en la compaignie du seigneur de Tors3, et aussi a il servy ès parties d’Ytalie nostre oncle le roy de Jherusalem et de Sezille derrenierement trespassé4, si comme il dit, en nous humblement suppliant, comme le dit Hardoyn, qui est noble et bien enlignagiez, ait [esté] et soit en ses autres faiz de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté convaincu, condempnez ne actaint d’autre meffait, nous sur ce lui veillions eslargir nostre grace. Nous adecertes, pour consideracion de ce que dit est, au dit Hardoyn ou cas dessus dit, toute peine, amende et offense corporelle et criminelle, que pour cause et occasion des faiz et cas dessus diz, il puet avoir envers nous encouru, avons mué de grace especial et muons en paine et amende civile, et satisfait premierement et avant tout euvre à partie bleciée, se faicte n’est, le restituons au païs, à sa bonne renommée et à ses biens, ycelle peine et amende premierement sur ce prise, parmi ce que le dit Hardoyn sera detenu prisonnier au pain et à l’eaue par l’espace d’un moys continuel. Et après ce que miz sera hors de prison, tenuz sera [p. 301] aler et yra en pelerinage à l’eglise de Nostre Dame du Puy en Auvergne, et de ce sera tenu rapporter et rapportera certifficacion à cellui de noz juges ou son lieutenant, qui congnoistre devra de la verification et execucion de ces presentes. Si donnons en mandement au gouverneur du bailliage de Touraine, et à touz noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que le dit Hardoyn facent et seuffrent joir de nostre presente grace, sanz le molester ne souffrir estre molestez au contraire, et son corps et ses biens pour ce pris, saisiz ou empeschiés, lui mettent ou facent mettre à plaine delivrance, soubz la condicion dessus dicte. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys de juing l’an de grace mil ccc. iiiixx et six, et de nostre regne le siziesme.

Pour le roy, à la relation du conseil. Henry.


1 Gouffourt ou plus ordinairement coufort, bâton ferré, javeline.

2 Guillaume IV comte de Tancarville, vicomte de Melun, seigneur de Montreuil-Bellay, fils de Jean II, mort en 1382. Il fut premier chambellan du roi Charles VI, connétable et chambellan héréditaire de Normandie, grand bouteiller de France, etc. Par contrat du 21 janvier 1390, il épousa Jeanne de Parthenay, dame de Semblançay, fille de Guillaume VII Larchevêque, seigneur de Parthenay, et de Jeanne de Mathefelon, dont il n’eut qu’une fille, mariée à Jacques d’Harcourt, baron de Montgommery. Il fut tué à la bataille d’Azincourt (1415). (Voy. le P. Anselme, Hist. généal., t. V, p. 227, et t. VIII, p. 553).

3 Renaud de Vivonne sire de Tors, sénéchal de Poitou, prit part aux expéditions du duc de Bourbon en 1385 et du maréchal de Sancerre en 1386-1387 en Saintonge, Angoumois et Limousin. (Voy. ci-dessus, p. 266 note.)

4 Louis Ier de France, comte de Provence, duc d’Anjou et du Maine, roi de Sicile et de Jérusalem, né à Vincennes, le 23 juillet 1339, mort à Biseglia près Bari, au royaume de Naples, le 20 septembre 1384.