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DCCVIII

Rémission accordée à Jean Cosson, de Nieul-le-Dolent, qui, dans une rixe, avait porté un coup de couteau à la cuisse de Jean Bastard, curé dudit lieu, son beau-frère, lequel était mort quatre jours après.

  • B AN JJ. 130, n° 157, fol. 84 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 325-327
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Jehan Cosson, povre homme ancien de l’aage de lx. ans ou environ, chargié de femme grosse et d’un petit enfant, demourant à Nyoil le Doulant en Poictou, disanz que le dimainche devant la my Quaresme derrenierement passé au soir, Jehan Bastard, prestre, curé du dit lieu, Michiau Naudon, prestre, son chappellain, le dit Jehan et sa femme, suer du dit curé et autres souppoyent et buvoyent ensemble, en l’ostel du dit Jehan Cosson, qui lors tenoit vin à taverne. Et avint lors que riote de paroles se meurent entre le dit Michiau Naudon et le dit Jehan Cosson, le quel Cosson pour ycelle riote eschiver et la compaignie du dit Michiau qui moult estoit esmeu, se parti d’illecques et s’en ala en sa chambre pour soy couchier, et en soy voulant couchier, ycellui Jehan Bastart, curé, voulant porter et soustenir son dit chappellain contre le dit Jehan Cosson, frere du dit curé à cause de sa femme, et sanz ce qu’il lui eust riens meffait, se leva impetueusement de la table et comme moult esmeu et eschauffé, si comme il sembloit par ses mouvemens, ala assaillir de certain propos le dit Jehan Cosson en sa chambre, où il se couchoit, comme dit est. Et de fait par felon courage, ycellui curé se print au corps du dit Cosson, en soy efforçant de le jecter à terre, en disant qu’il le comparroit du corps. Et pour ce que le dit curé le tenoit à grant destrece à deux braz parmy le col et la teste, et telement qu’il ne se povoit [p. 326] despescher ne delivrer de lui, et ne le vouloit laissier en paix, ycellui Cosson moult esmeu et eschauffé de ce que lui faisoit et efforçoit de faire le dit curé, qui ainsi le tenoit durement, comme dit est, saicha un petit coustel à trancher pain qu’il portoit, et d’icellui fery le dit curé parmi la cuisse un coup. Et combien que ycellui curé, qui quatre jours ou environ après le dit coup, ala de vie à trespassement, ait recongneu et affermé au lit de la mort, par serement ou autrement, et de son propre mouvement, que pour le dit coup il ne mouroit pas, mais estoit pour la maladie qu’il avoit portée en son corps un an et plus, et autressi ait pardonné de bon cuer le dit coup au dit Jehan Cosson, comme non coulpable en riens de sa mort, ycellui Cosson, pour doubte de rigueur de justice, s’est absentez hors du pays, et a laissié sa dicte femme et enfant, et est en voye que jamais n’ose retourner au pays, se nostre grace et misericorde ne lui est sur ce impartie, en nous humblement suppliant que, comme icellui Jehan Cosson ait esté en tous autres cas, tout le temps de sa vie, homme de bonne fame, vie, renommée et honneste conversacion, sanz estre attaint, ne convaincu d’aucun autre villain cas, nous sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, considerées ces choses, le fait dessus dit, avec toute peine, offense et amende corporelle, criminele et civile, que le dit Jehan Cosson a et peut avoir pour ce commis et encoru envers nous, satisfacion faicte à partie premierement et avant toute euvre, se faicte n’est, à icellui Jehan Cosson, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, et par ces presentes, de nostre auctorité royal et grace especial, quictons, remettons et pardonnons, et le restituons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens quelconques, qui par ban ne seroient confisqués, en imposant sur ce silence perpetuelle à nostre procureur et à tous autres officiers, parmi ce toutesvoies que le dit Jehan Cosson paiera une foiz seulement un marc d’argent [p. 327] ou la valeur, pour convertir en la fabrique de l’eglise du dit lieu de Nyoil, et fera par trois jours solennez la procession tout entour de la dicte eglise, tenant en sa main un cierge de une livre de cire. Si donnons en mandement, par ces meismes presentes, au seneschal de Xantonge, gouverneur de la Rochelle, et à tous les autres justiciers et officiers de nostre royaume, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, sueffrent et laissent le dit Jehan Cosson joir et user paisiblement et perpetuelement, et contre la teneur d’icelle ne le molestent ou empeschent, ne ne sueffrent estre molesté ou empesché, en corps ou en biens, en aucune maniere au contraire ; mais se son corps ou ses diz biens non confisqués par ban, comme dit est, estoient pour ce pris, saisiz, detenus ou empeschez, lui mettent et facent mettre senz delai à plaine delivrance. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois de mars l’an de grace mil ccc. iiiixx et six, et de nostre regne le septiesme.

Par le roy, à la relacion du conseil. Guichart.