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DCLVII

Rémission accordée à Amelin Du Fresne, écuyer, complice des excès commis dans un but de vengeance au préjudice de Pierre Barriou, curé d’Asnières.

  • B AN JJ. 121, n° 112, fol. 62
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 196-198
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Amelin Du Fresne, escuier, et Jehanne Beaujeue, sa femme, que comme la dicte Jehanne Beaujeue et Pierre Barriou, prestre, curé d’Asnieres1, eussent eu paroles contencieuses [p. 197] et debat ensamble, lors absent le dit Amelin du païz, il advint que, après ce que le dit Amelin fut retourné, sa dicte femme se complaint à lui des injures et debat que le dit curé lui avoit fait, et dist icelle femme au dit son mary que le dit prestre s’estoit efforcié de lui faire vilenie de son corps et qu’il l’en vengast ; du quel fait le dit Amelin fu moult dolent et courrouciez, et cuidoit le dit Amelin qu’il y eust pis, pour ce que le dit prestre est homs de vie dissolue et deshoneste et qui a mauvaise renommée au païs. Et avant que le dit Amelin peust sur ce remedier, il chey au lit malades, où il fu par longtemps ; durant la quele maladie vindrent à son hostel pour le visiter aucuns ses amis qui avoient oy nouvelles du dit fait et auxquelz, ou aucuns d’eulz, le dit prestre avoit autrefoiz meffait ; lesquelz amis du dit Amelin, tant pour eulz vangier des maulz que le dit prestre leur avoit fait, ou aucuns d’eulz, comme dit est, comme du fait et injure devant diz, se armerent du harnoiz du dit Amelin et autre qu’il avoit en son hostel et alerent par nuit en l’ostel du dit curé, et par violence rompirent les huys de la maison du dit curé, et entrerent par dedens le dit hostel ; et pour ce que ilz ne trouverent pas le dit prestre, ilz mirent ou feu ses lettres et les firent ardoir, et emmenerent un cheval et une jument qui estoient par dedens le dit hostel et qui estoient du dit prestre, et son breviaire, iiii. linceulz et ii. couvertes, et d’ilecques s’en alerent là où bon leur sambla. Et depuis de toutes ces choses a esté faicte restitucion et satisfacion entierement au dit curé ; en nous humblement suppliant que, consideré les injures devant dictes et la mauvaise renommée du dit prestre, et que les diz Amelin et sa dicte femme sont nobles [p. 198] et de noble lignée, et qui touz jours ont vesqu sanz aucun autre vilain blasme ou reprouche, et aussi que le dit Amelin a servi nous et noz predecesseurs en noz guerres, et fait de jour en jour, et exposé son corps et toute sa chevance ou la plus grant partie d’icelle, et que lui et sa dicte femme sont et ont esté touzjours de bonne fame, et leur desplait moult du fait dessus dit, et que il n’y ot mort, mutilacíon ne mehaing, et aussi que restitucion et satisfacion a esté faicte deuement, comme dit est, nous leur veuillons faire sur ce et impartir nostre grace et remission du dit cas. Nous adecertes, attendu ce que dit est, voulens misericorde preferer à rigueur de justice, le fait dessus dit, s’il est ainsi, et toute peine et offense corporele, criminele et civile, que iceulz conjoins ont et pevent avoir pour ce commiz et encouru ou cas dessus dit envers nous, et satisfait à partie premierement, se satisfacion n’est faicte, aux diz conjoins et chascun d’eulz avons quictié, remiz et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, de nostre auctorité royal et grace especial, par ces presentes, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur et à touz noz autres officiers. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, et chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent et laissent les dessus diz exposans, et chascun d’eulz, joir et user paisiblement, sanz les contraindre ne souffrir estre contrains, molestez ne empeschez au contraire aucunement, en corps ne en biens, mais tout ce qui fait seroit au contraire, mettent ou facent mettre tantost et sanz delay au premier estat et deu. Et pour ce que ce soit chose ferme et estable à touzjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou mois d’aoust l’an de grace mil ccc iiiixx et deux, et de nostre regne le second.

Par le conseil. G. Niczon. — Filleul.


1 L’adresse de ces lettres au gouverneur de la Rochelle, alors qu’il n’y a point d’Asnières dans l’Aunis, peut être invoquée comme preuve, à défaut d’autre, qu’il s’agit d’une localité du Poitou. S’il était question du curé d’Asnières en Saintonge, c’est au sénéchal de Saintonge, alors officier royal, que commission serait donnée pour l’exécution de la présente grâce. Tant que le Poitou resta comme apanage détaché du domaine de la couronne, les actes du pouvoir souverain concernant cette province ne furent point adressés au sénéchal, qui était officier du comte, mais aux officiers royaux des pays les plus rapprochés, particulièrement au gouverneur de la Rochelle, comme il est facile de le constater par les pièces qui précèdent et qui suivent.