DCXXXIV
Lettres de rémission accordées à Gervais d’Izé et à ses deux fils, Guillaume et Huguet d’Izé, écuyers, familiers du sire de Parthenay, pour le meurtre de Jean d’Aiglix, commis à la suite d’une rixe, où celui-ci était soutenu des trois frères Louis, Renaud et Aimery de Marconnay.
- B AN JJ. 116, n° 208, fol. 122
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 130-137
Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, que, oye l’umble supplicacion des amis charnelz de Guillaume et Huguet d’Izé, escuiers du païs de Poictou, enfans de Gervais d’Izé1, contenant que, comme pour ce que [p. 131] le dit Gervais d’Izé n’avoit voulu delaissier à Jehan [p. 132] Guy2, escuier du païs d’Anjou, certains heritages, terres et possessions assis en Anjou, que le dit Gervais avoit et tenoit dès lonc temps à bon et juste tiltre, et avoient esté, si comme l’en disoit, à feu Jehan Guy et à sa mere, des quelx le dit Gervais avoit joy x. ans paisiblement ou environ, du quel defunct le dict Jehan Guy estoit frere, ycellui Jehan Guy, feu Jehan d’Aiglix3, ou temps qu’il vivoit, Loys, Regnaut et Aimery de Marconnay4, freres, cousins [p. 133] et parens du dit Jehan Guy, eussent conceu contre raison très grant hayne à l’encontre du dit Gervais d’Izé et ses enfanz, et par pluseurs foys eust dit ou fait dire le dit d’Aiglix au dit Gervais et à ses enfans, que ilz delaissassent les diz heritages, terres et possessions au dit Guy, ou autrement ilz en seroient dommagiez en corps et en biens. Et en mettant à effect leur mauvais propos, yceulx de Marconnay à certain jour ensuivant coururent sus, les espées traictes, contre Pierre d’Izé, frere des diz Guillaume et Huguet, qui aucune chose ne leur meffaisoit, et convint que pour doubte de mort il se muçast en une cave, où les diz de Marconnay vindrent et pousserent des glaives contre lui. Et pour ce que par voie de justice le dit Pierre les poursuy sur les diz excès, par devant nostre bailli des Exempcions de Poitou, à son siege de Luçon, les diz de Marconnay, Jehan d’Aiglix et autres leurs amis furent plus indignez que devant contre le dit Gervais d’Izé et ses diz enfans, et [p. 134] en hayne d’eulx batirent et vilenerent aucuns de leurs serviteurs et moitoiers. Et oultre, le dit Jehan Guy mist en cause le dit Gervais, sa femme et le dit Pierre d’Izé, leur filz, qui sont demourans en Poitou, par devant les juges de Saumur pour nostre très chier et très amé frere le duc d’Anjou, où ilz procederent par aucun temps pour raison des choses dessus dictes, pendenz les quelx procès les dessus nommez menaçoient touzjours les diz pere et enfanz de leur porter dommage et injure en corps et en biens. Et à certain jour nagaires passé, les diz Gervais d’Izé, Guillaume et Huguet, ses enfans, estans à Partennay, où ilz demeurent, ainsi comme les diz Guillaume et Huguet qui estoient armez de cotes de fer pour la seurté, tuicion et defense de leurs corps, s’en vouloient aler par le commandement à eulx sur ce fait par nostre amé et feal le sire de Partennay, avec Pierre Berjaut5, seneschal du dit lieu, pour lui tenir compaignie, pour doubte des ennemis qui courent sur le païs chascun jour, à aler juques à la ville de Vouvent, [p. 135] où il a de Partenay viii. lieues, pour les besoignes du dit seigneur de Partennay, on vint dire aux diz Huguet et Guillaume que entre le dit Gervais, leur pere, d’une part, et le dit d’Aiglix, Jehan Guy, Loys de Marconnay et pluseurs leurs complices, d’autre, avoit eu certaines paroles injurieuses, et que les diz d’Aiglix, Loys de Marconnay et autres avoient fait ou dit vilenie à leur dit pere et le vouloient tuer, et avoient procedé à fait en tirant leurs cousteaulx. Pour la quele cause les diz Guillaume et Huguet, meuz d’affection naturele, alerent au lieu assez près et en la dicte ville où l’en leur avoit dit que la dicte noise estoit, en quel lieu ilz trouverent les diz d’Aiglix et de Marconnay et autres dessus diz assemblez, et ne virent point leur dit pere, dont ilz furent moult courrouciez et esmeuz, cuidanz que les dessus nommez l’eussent tué ou [à] lui fait grans injures. Et quant le dit Huguet les vit ainsi assemblez, il tira un badelaire que il avoit acoustumé de porter, en disant au dit d’Aiglix : « Tu as cuidié tuer ou vilener mon pere ! » Auquel le dit d’Aiglix respondi : « Tu dis voir, si feray je bien toy. » Et tirerent les diz d’Aiglix et Marconnay leurs cousteaux, et aussi tira son coustel le dit Guillaume, frere du dit Huguet. Auquel Huguet le dit de Marconnay dist moult arrogamment que il le tueroit tout froit, s’il faisoit semblant de riens faire. Et adonc commencierent paroles rioteuses entre eulx, et des paroles procederent à fait les diz Huguet et d’Aiglix l’un contre l’autre, et frapperent l’un l’autre, et ne scet on de certain le quel premier. Et entre les autres cops, frappa le dit d’Aiglix d’un coutel ou badelaire le dit Huguet sur la teste, telement que du cop il trencha un chappel de bievre6 qu’il avoit sur sa teste et le bleça en l’oreille et en la teste, et aussi le bleça en l’une de ses mains très enormement. Et le dit Huguet frappa [p. 136] aussi un cop ou deux de son dit badelaire le dit Jehan d’Aiglix sur la teste, et aussi le bleça en un de ses braz, et atant se departirent les diz Huguet et Guillaume, le quel Guillaume fut presens à ce faire. Et aussi y survint le dit Gervais, leur pere ; mais il, ne le dit Guillaume, ne frapperent point ledit d’Aiglix, en la personne du quel mort s’ensuy ii. ou iii. jours après. Pour doubte duquel fait, les diz pere et enfans sont en voie d’eulx absenter du païs et delaissier leurs femmes et enfans, se sur ce ne leur est pourveu de nostre grace. Et pour ce, nous ont requis leurs diz amis que, consideré ce que dit est et que ilz sont et ont esté touzjours de bonne renommée, et aussi que le dit fait est avenu par chaleur, et furent les diz enfanz meuz d’affection naturele d’aler veoir en quel estat estoit leur dit pere, et n’y alerent fors pour entencion de lui secourir, si comme ilz dient, nous leur vueillons sur ce estre piteables et misericors. Nous, inclinanz à leur supplicacion, considerans les choses dessus dictes, et pour contemplacion du dit sire de Partenay, du quel ilz sont familiers, à yceulx Huguet et Guillaume et à leur dit pere, pour tant que mestier lui est, le fait dessus dit avec toute peine, offense et amende corporele, criminele et civile, en quoy ilz pourroient estre encouruz pour occasion des choses dessus dictes, leur avons remis, quictié et pardonné, et par ces presentes, de grace especial et auctorité royal, remettons, quictons et pardonnons, et eulx et chascun d’eulx restituons et remettons à leur bonne fame et renommée, au païs et à leurs biens. Et quant à ce nous imposons silence perpetuel à nostre procureur et à touz autres à qui il appartient, satisfacion faicte à partie civilement tant seulement. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli des Exempcions de Touraine, d’Anjou, du Maenne et de Poitou, et à touz noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que les diz Hugues [p. 137] et Guillaume et leur dit pere facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace et remission, et contre la teneur d’icelle ne les molestent, contraignent ou empeschent, ou sueffrent estre molestez, contrains ou empeschiez en corps ou en biens, de present ou pour le temps avenir, en aucune maniere. Et que ce soit ferme chose et estable à touzjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys d’avril l’an de grace mil ccc. iiiixx, et le XVIIe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Mauloue.