DCLV
Rémission accordée à Jean Moreau, dit Forget, de Fontenay-le-Comte, qui, chargé de la garde d’une porte de la ville, alors menacée par les gens d’armes de la compagnie de Robert de Beaumanoir, en s’opposant à trois valets armés de ladite compagnie qui voulaient forcer le passage, avait tué l’un d’eux d’un coup de hache.
- B AN JJ. 120, n° 304, fol. 148 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 189-193
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie de Jehan Morea1, dit Forget, demourant en la ville de Fontenay le Conte, à nous avoir esté exposé que comme, la veille de saincte Katherine derreniere passée, il eust esté [p. 190] establi et ordené à garder et defendre la porte de Saint Michiel de la dicte ville de Fontenay, de par le capitaine et les habitans d’icelle ville, pour doubte des gens d’armes et autres de la compaignie Robert de Beaumenoir, chevalier, lors estans ou païs de Poitou2, et qui de jour en jour s’efforçoient, comme ennemis du dit païs, de prendre d’assault et per force les forteresses d’icellui, et par especial la forteresse de Luçon, la ville de Marant et la forteresse de Mousuyl, qui estoient et sont assez prouchaines de la dicte ville de Fontenay, dont tout le pays estoit en grant doubte et effroy, mesmement les habitans d’icelle ville de Fontenay, qui chascun jour cuidoient estre assailliz des diz ennemis ou estre pris par trayson, pour ce que le jour de la dicte feste de saincte Katherine troiz varlès et autres leurs [p. 191] complices qui estoient de la compaignie d’iceulz ennemis, estoient venuz ès barrieres de la dicte ville, et avoient blecié et navré d’une espée le compaignon portier du dit exposant, et aussi avoient fait et dit pluseurs autres oultrages par quoy la dicte ville estoit en grant paour et mouvement. Et depuis, c’est assavoir le lendemain veille de saincte Katherine dessus nommée, les diz troiz varlès feussent revenuz, armez d’espées et de dagues, et leurs visages estoupez et muciez de leurs chaperons, au long d’une douve et fossé tenant au bail3 de la dicte ville jusques à la dicte porte de Sainct Michiel, à la quele le dit exposant estoit lors portier et faisoit le gueit par l’ordenance et volenté des diz capitaine et habitans, et après par force et violence feussent volu entrer en la dicte ville, oultre la volenté et licence du [p. 192] dit exposant qui estoit portier. Et en entrant en la dicte porte de Saint Michiel, icellui exposant se mist au devant de eulz et leur dist que ilz n’y entreroient point, pour ce que le dit capitaine lui avoit defendu que eulz ne aucun autre de la dicte compaignie d’icelles gens d’armes ne entrast en la dicte ville, sans son congié et licence ; lesquelz varlès incontinent, meuz de male volenté, l’appellerent vilain chien, et qui pis est, trairent leurs dagues et espées et courirent sur lui pour le murtrir et tuer mauvaisement, se ilz eussent peu. Et lors icellui exposant, pour soy defendre et garder de mort, et que iceulz varlès ne entrassent en la dicte vile, fery un seul coup d’une haiche qu’il tenoit l’un d’iceulz trois varlès, appellé Jehan Digaret, du quel coup mort s’en ensuy ; dont pluseurs d’iceulz gens d’armes et autres de la dicte compaignie vouldrent qu’il leur fust amendé. Pour la quelle amende paier et afin qu’il ne feissent pis, les diz habitans, saichans le dit exposant avoir fait loisiblement le dit cas, en soy defendant de mort, et pour garder la dicte ville, leur baillerent xl. frans ou environ, c’est assavoir à l’un deulz, à l’autre troiz, à l’autre quatre, et ainsi des autres jusques à la dicte somme. Non obstans les queles choses, le dit exposant se doubte qu’il n’en soit ores ou ou temps avenir poursuiz par justice et en peril de perdre son corps et ses biens, se de lui n’avons pitié et compassion, suppliant que sur ce lui vueillions impartir nostre grace et misericorde. Et nous, eue consideracion et regart aus choses dessus dictes, au dit exposant, ou cas dessus dit, avons quictié, remis et pardonné et par ces presentes de grace especial, plaine puissance et auctorité roial, quictons, remettons et pardonnons le dit fait, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile qu’il peut, pour le fait et cas devant dit, avoir esté et est encouru envers nous et justice, et le restituons à sa bonne fame, renommée, au païs et à ses biens, reservé le droit de partie à poursuir civilement, se aucune en y a qui ait cause raisonnable de l’en poursuir. Si donnons en mandement [p. 193] par ces presentes au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, ou à leurs lieutenans, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement, sans le molester, travaillier ou empeschier, ne souffrir molester, traveillier ou empeschier en corps ou en biens dores en avant, en aucune maniere au contraire, maiz se son corps ou aucuns de ses biens estoient pour ce pris, emprisonnez, saisis ou arrestez, lui mettent ou facent mettre sans contredit à plaine delivrance. Et [pour que] ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre à ces presentes lettres nostre seel ordené en l’absence du grant. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, l’an de grace mil ccc. quatre vins et deux, et le secont de nostre regne, ou mois de juing.
Par le conseil. J. de Coiffy.