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DCCXIX

Rémission accordée à Jean Pillat, de Romans, pour le meurtre de Mathé Aubereau.

  • B AN JJ. 132, n° 112, fol. 62 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 354-356
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie de Jehan Pillat, povre homme, laboureur de bras, demourant à Romans en Poitou, que comme, le vendredi xxiiiie jour de janvier derrenierement passé, le dit exposant et un appellé Mathé Aubereau, dit Paris, labourassent ou fouyssent ès vignes du prieur du dit lieu de Romans, avec pluseurs autres laboureurs, du quel prioré1 qui est membre de l’abbaye [p. 355] de Saint Maixant en Poitou, laquelle est de fondacion royal et nostre subjecte sanz moien, tant en chief comme en membres, le dit exposant est subget, et les diz laboureurs estans est dictes vignes et labourans en ycelles, debat se feust meu entre le dit exposant et le dit Mathé Aubereau, et eussent dit l’un à l’autre pluseurs paroles injurieuses, et de cest debat et de parler injurieusement l’un à l’autre les autres laboureurs qui avec eulz estoient les eussent fait cessier et deporter ; toutevoies, quant ilz eurent fait leur journée et que chascun se departoit pour aler à son hostel, le dit Mathé Aubereau qui encores estoit mal meuz et courrouciez contre le dit exposant, en demonstrant son ire et son courroux, dist à ycellui exposant qu’il estoit ribaut, coux, avec pluseurs autres injures qu’il avoit par pluseurs foiz dictes devant. Et lors, le dit exposant lui respondi qu’il mentoit mauvaisement, comme larron qu’il estoit, et comme courrouciez, du premier mouvement qui n’est pas en la puissance de homme, gecta contre le dit Mathé Aubereau sa besoche ou besche, de la quelle il avoit ouvré la journée, et en frappa le dit Aubereau par derriere en sa jambe auprès du genoil et telement qu’il lui en fist sanc et playe ; et combien que plus il ne le ferist de la dicte besche ne d’autre chose en aucune maniere, neantmains du dit cop mort s’en est ensuye en la personne du dit Aubereau, si comme l’en dit. Suppliant que, consideré ce que dit est et que en l’eure il fu mal meuz et courrouciez de ce que le dit Mathé Aubereau lui disoit villennie et le appelloit coux en la presence de pluseurs, et par ce avoit juste doleur, et que le cas avint merveilleusement et par grant fortune, sanz malvais propos, aguet ou volenté qu’il eust contre le dit Mathé Aubereau, le quel estoit renommez d’estre larron et de très mauvaise et deshonneste vie, et que le dit suppliant tout le temps de sa vie a esté homme de bonne vie et renommée et d’onneste conversacion, non repris d’aucun autre [p. 356] vilain cas, nous lui vueillons sur ce extendre nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, voulans preferer misericorde à rigueur de justice, à ycellui exposant ou cas dessuz dit avons quictié, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, par la teneur de ces presentes, de nostre auctorité royal et grace especial, le dit fait, avec toute peine et amende corporele, criminele et civile, en quoy il est encouru envers nous, pour occasion de ce que dit est, et le restituons et remettons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens pour ce non confisquez, satisfaction faicte à partie premierement et avant toute euvre, civilement tant seulement. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et seneschal de Xanctonge, au gouverneur du bailliage de Touraine, et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que le dit exposant il facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace et remission, sanz le molester ou traveillier, faire ou souffrir molester ou traveillier pour occasion de ce que dit est, en corps ou en biens, au contraire, mais se son corps ou ses biens estoient pour ce pris, arrestez, detenuz ou empeschiez en aucune maniere, qu’il les lui delivrent, rendent et restituent, et mettent ou facent mettre à plaine delivrance. Et afin que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois de fevrier l’an de grace mil ccc. iiiixx et vii, et de nostre regne le viiime.

Par le conseil. G. Niczon. — Corbie.


1 Prieuré sous le vocable de Saint-Symphorien.