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DCCXXI

Rémission accordée à Jean Le Faure, de Bienavant, pour un homicide commis sur la personne de Marcel de Champeville, à la suite d’une querelle de jeu.

  • B AN JJ. 132, n° 200, fol. 107 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 360-363
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, [p. 361] nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan le Faure, de Benavent de Puy Vausery, en la terre et chastellenie de Bredes, du ressort de Montmorillon, de la seneschaucée de Poictou1, contenant que comme, le jour de la saincte Agate2 derrenierement passé, le dit suppliant, Jehan Thomas, Pierre de Saint Germain et Marcel de Champeville feussent en une taverne en l’ostel de Petit Pierre en la maison appellé Berault, où ilz buvoient ensemble, et après ce qu’ilz eurent beu amiablement, sanz ce que aucun d’eulz eust hayne l’un contre l’autre, le dit Marcel ala dire s’il estoit nul qui vousist jouer contre lui aux dez un blanc, qu’il joueroit, à quoy se consentirent les diz suppliant et Jehan Thomas, et ainsi qu’ilz jouoient, le dit Marcel eust volu mesconter la chance du dit suppliant, mais le dit Jehan Thomas s’apperçut de ce, qui dist au dit Marcel que ce n’estoit pas raison de mesconter ne retenir l’argent que le dit suppliant avoit gaignié ; sur quoy debat se mut illec et tant que finablement le dit Marcel si jecta par courroux pluseurs blans dedens le feu, dont le dit suppliant en y avoit un, qu’il ala querir. Et lors le dit Marcel s’adreça à lui et lui dist qu’il jetast ou dit feu le diz dez, et il lui respondi que non feroit ; et pour ce le dit Marcel eust sachié un coustel et le hauça pour en cuidier donner au dit suppliant, quant ycellui suppliant qui n’avoit aucun harnois pour lui defendre, le prist par les deux bras et tant qu’il ne lui fist aucun mal…3, par les gens qui là estoient qui les departirent. Et ce fait, se [p. 362] departirent de la dicte taverne les diz suppliant et autres dessus nommez, qui s’en aloient chascun à son hostel, quant le dit Marcel survint, armé de jaques et autres harnoys, sur yceulz qui s’en aloient leur chemin ; lequel s’adreça au dit suppliant qui n’avoit de quoy lui defendre, et pour doubte de son corps, veant que le dit Marcel s’adreçoit à lui, pour lui vouloir mettre à mort, afin de obvier à sa male volenté, se parti du chemin, et lors trouva un sien filz menant une sienne jument, sur la quele il monta, afin de soy en aler plus hastivement en son hostel et eschiver le peril de son corps. Et il soit ainsi que, quant le dit suppliant fu arrivé en son hostel, doubtant que le dit Marcel ne meist à mort son dit filz, qui estoit demouré derriere, prist en son dit hostel une lance, et aussi Pierre, son frere, une espée, et vindrent aux champs au devant du dit filz qui estoit prez du dit Marcel. Lequel Marcel, incontinent qu’il apperçut les diz suppliant et son frere, s’adreça moult hastivement et par especial au dit suppliant en lui courant sus, et jecta à lui pluseurs cops, et pour ce qu’il ne le pot aucunement attaindre, s’adreça au dit Pierre, en lui jetant un estoc d’un grant coustel qu’il avoit. Le dit Pierre, pour ce esmeu et pour eschiver le peril de la mort, en repellant force par force, donna un cop de taille seulement de son espée au dit Marcel parmi la teste, dont un moys après ou environ, aprez ce que ycellui Marcel ot fait pluseurs excez de boire, mengier, labourer et travaillier en pluseurs manieres, ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait, le dit suppliant s’est absenté du païs, doubtant rigueur de justice ; et pendant son absence a esté appellé aux droiz du seigneur du dit lieu de Bredes, et est en adventure que ne soit banny et d’avoir pour ce grieve punicion, si comme il dit, requerant que, comme il soit homme de bonne vie, fame, renommée et de honeste conversacion, sanz ce qu’il feust onques repriz ne convaincu d’aucun autre villain cas, crisme ou [p. 363] malefice, et que l’en dit lui avoir fait paix et satisfaction à partie, nous lui vueillons sur ce eslargir nostre grace et misericorde. Nous adecertes, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à ycellui suppliant ou cas dessus dit toute peine, amende et offense criminele, corporele et civile, qu’il a ou peut avoir encouru envers nous pour le fait dessus dit, ensemble les appeaux et ban, s’aucun s’en est ensuy pour ceste cause, avons quictié, remiz et pardonné, et par ces presentes, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, quictons, remettons et pardonnons, et le restituons à sa bonne fame, renommée, au païs et à ses biens non confisquez, satisfaction faicte à partie premierement et avant toute euvre, se faicte n’est, et imposons sur ce silence perpetuel à nostre procureur, present et avenir. Si donnons en mandement au seneschal de Lymosin et à touz noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et à venir, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent le dit suppliant joir et user plainement et paisiblement, sanz le molester, ne empeschier, ou souffrir estre molesté ne empeschié en corps ne en biens, ores ne pour le temps avenir, en aucune maniere au contraire ; mais se son corps ou aucuns de ses biens, non confisquez par ban, estoient pour ce prinz, saisiz, levez, arrestez ou empeschiez, si les mettent ou facent mettre sanz delay à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Orliens, ou moys d’avril l’an de grace mil trois cens iiiixx et huit, et le huitiesme de nostre regne.

Par le roy, à la relacion du conseil. N. de Voisines.


1 La châtellenie de Brèdes. Ce nom de lieu doit être identifié avec Bridiers, tout près duquel Cassini marque Breth, ville ruinée. Dans les limites de cette châtellenie, plus tard vicomté de Bridiers, se trouve le Peux-Vosserie (cf. avec le Puy-Vausery des présentes lettres), commune de Saint-Germain-Beaupré, Creuse. Il n’est pas sans intérêt de montrer jusqu’où s’étendait la sénéchaussée de Poitou, à la fin du xive siècle. C’est dans ce but surtout que nous publions ce document, quelque peu étranger à notre province proprement dite.

2 C’est-à-dire le 5 février.

3 Mots sautés par le scribe.