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DCCXXV

Rémission accordée à Aimery Caresmeau et à ses deux frères, pour le meurtre de Perrot Ayraud qui avait forcé le domicile dudit Aimery et voulu faire violence à sa femme, Bienvenue Faudrier.

  • B AN JJ. 133, n° 135, fol. 82
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 368-371
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelz de Aymery, Jehan et Jehannin Caresmeaux, freres, et de Bienvenue Faudriere, femme du dit Aymery, povres gens laboureurs, demourans ou pays de Poitou, que comme Perrot Ayraud, meu de mauvaise voulenté, se feust pieça et par pluseurs foiz efforcié d’avoir compaignie charnelle à la dicte femme, et à pluseurs lieux et à diverses personnes eust dit et se feust venté par maintes foiz que, voulsist la dicte femme ou non, malgré et en despit de son dit mari, de touz ses amis et d’autres ses parens, il auroit compaignie charnelle et qu’il ne l’oseroit contredire, et en ycelle voulenté avoit il perseveré par long temps, et pour celle cause et aussi pour ce qu’il estoit renommé ou pays, en pluseurs lieux, qu’il vouloit avoir compaignie charnelle aus femmes, voulsissent ou non, la dicte femme qui est et a esté tout le temps de sa vie tenue pour bonne et preude femme, et de bonne conversacion et issue de bon lien et honneste, n’osoit aler en ses besongnes où elle avoit afaire hors de son hostel, sanz estre bien acompaignée de gens, [p. 369] et ce eust dit et notifié à son dit mari, comme bonne femme doit faire ; et depuis le dit mari eust eu en propos, à un certain jour, d’aler en pelerinage à Saint Antoine de la Beneste, assez près de son domicille, et appella avec lui les diz Jehan et Jehannin, ses freres, pour li tenir compaignie, et assez tost après eust entendu de certain que le dit Perrot devoit en celle nuit venir en son hostel, pour faire sa voulenté de sa dicte femme, cuidant le dit Perrot que le dit mari n’y feust pas, maiz feust alé à son dit pelerinage, où il ne ala pas pour la dicte cause, maiz se tint environ son hostel, avec lui ses diz freres, tant qui fu nuyt, pensant que le dit Perrot n’y vendroit pas seul, maiz acompaignié d’aucuns de son amitié, car aussi estoit il plus puissant et fort de corps et d’amis que ycellui Aimery. A la quele nuit, ycelli Perrot, continuant sa male voulenté, vint armé de pluseurs armeures invasibles à l’ostel du dit Aymery, frappa et hurta moult fort à l’uis du dit hostel, et tant que par force et violence il rompi la fermeure du dit huys et entra ou dit hostel, et tantost ala au lit où estoit couchée la dicte femme et aucuns de ses enfans, se print tantost à la dicte femme, pour en faire sa voulenté et la deshonnorer ; la quele femme se perforça tant qu’elle pot, et commença à crier haro, au quel cry vindrent et saillirent avec pluseurs autres tantost le dit Aimery et ses diz freres, courrurent suz au dit Perrot qui tenoit et perforçoit la dicte femme, pour en faire sa voulenté, le batirent et ferirent par tele maniere que mort s’en ensuy après tantost ; le dit Aimery cuidant que le dit Perrot ne feust pas mort, car il estoit nuit et n’avoit point de lumiere ou dit hostel, ala parler à un sergent qui demouroit assez près d’illec, en lui priant et requerant qu’il alast avec li en son dit hostel, pour mettre hors un mauvais homs qui y estoit venu et entré par force, pour villener sa dicte femme ; lesquelz Aimery et sergent venuz ou dit hostel, trouverent mort le dit Perrot, dont le dit Aimery fu moult esbahi. Et adonc le dit sergent [p. 370] print le dit Aimery et sa dicte femme et les envoia ou chastel de Commiquiers, qui lors estoit à Guy de la Forest1, chevalier, où ilz furent mis en arrest ; maiz pour doubte de rigueur de justice, et aussi qu’ilz n’estoient pas en prison fermée, se partirent du dit chastel, sanz faire infraction ou briseure aucune, et se sont absentez ; et aussi semblablement se sont absentez les diz freres du dit Aymeri. Suppliant que, eue consideracion aus choses devant dictes, mesmement que paix et accord sont faiz aus amis du dit feu Perrot, nous leur veuillons en ceste partie faire impartir nostre grace. Nous, attendu et consideré ce que dessus est dit, aus diz Aimery, sa femme et ses diz freres le fait de la mort du dit Perrot, et aussi au dit Aymeri et à sa dicte femme, et à chascun d’eulz, le departement du dit chastel et touz bans et appeaulx, s’aucuns s’en sont ensuiz, avec toute peine et punicion corporele, criminele et civile, que pour ce les dessus diz et chascun d’eulx pourroient estre encouruz envers nous, avons à yceulx et à chascun d’eulx, ou cas dessus dit, remis, quictié et pardonné, remettons, quictons et pardonnons, [de nostre auctorité royal] et grace especial, en les restituant à leurs [p. 371] bonnes fames et renommées, au païs et à leurs biens non confisquez, par la teneur de ces presentes, satisfacion faicte à partie, se faicte n’est, sur ce civilement. Mandons à touz noz justiciers, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que les diz freres et femme, et chacun d’eulx, ilz souffrent, facent et lessent joir et user de nostre presente grace et remission, sanz les empeschier, molester ou traveillier sur les cas dessus diz ou aucun d’iceulx, contre la teneur de ces presentes, en corps ou en biens, ores ne ou temps avenir, en aucune maniere. Et quant à ce, nous imposons à nostre procureur silence perpetuel. Et que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois d’octobre l’an de grace mil ccc. iiiixx et huit, et de nostre regne le ixe.

Par le roy, à la relacion du conseil. G. Houssaie.


1 Plusieurs membres de la famille de La Forêt en Bas-Poitou sont mentionnés dans nos précédents volumes. Guy de La Forêt, particulièrement, a été l’objet de notes dans les tomes III, p. 54, 381, et IV, p. 125. Il avait épousé Marguerite de Machecoul, dont il n’eut point d’enfants, et il était mort depuis quelques années. On le trouve encore mentionné, comme vivant, dans un accord du 30 septembre 1383. (Arch. nat., X1c 47.) Dans des lettres de Charles VI données à Vernon, le 30 juillet 1387, pour mettre fin à des différends très graves survenus entre le duc de Berry et le connétable de Clisson, celui-ci s’opposant à la levée des aides dans ses terres de Poitou, on lit parmi les griefs invoqués contre lui : « Item que après la mort de feu Guy de La Forest, chevalier, seigneur du chastel, terre et appartenances de Commequiers et de certaines autres terres estans en la conté de Poitou, Regnier Josseaume, chevalier, heritier d’icelui Guy », voulut se mettre en possession et saisine de cette succession. Mais Olivier de Clisson, « de son autorité et par force de gens d’armes », fit occuper le château de Commequiers et les autres terres de Guy de La Forêt, qui étaient tenus et mouvant du vicomte de Thouars, et commit beaucoup d’autres excès au préjudice du seigneur et des habitants. (Arch. nat., J. 186a, n° 69.)