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DCLXXXI

Rémission accordée à Jean Roy, demeurant à Brillac, paroisse de Saint-Etienne de Chaix, pour le meurtre d’Etienne Giraudeau.

  • B AN JJ. 126, n° 82, fol. 52 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 250-252
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir été exposé de la partie de Jehan Roy1, povre laboureur demourant à Brialhac en la parroisse de Saint Estienne de Chay en Poitou, disant que comme, un an a ou environ, Estienne Giraudeau se print au corps de Mery Roy, clerc, de l’aage de xvi. ans ou environ, filz du dit exposant, et le frappa en lui donnant coups et collées, pour laquelle bateure ledit Giraudeau fu mis en procès par devant l’official de Maillezois, et finalement parties oyes sur ce, ledit Giraudeau fu declairié excommunié et condempné en amende et aux despens de partie, dont le dit Giraudeau fu grandement jugié contre le dit exposant et son dit filz, et leur dit par pluseurs foiz qui s’en vengeroit bien une foiz d’eulz, et de jour en jour les menaçoit, disant que, s’il les povoit trouver à son gré, il s’en vengeroit bien et que jamaiz il ne cesseroit jusques à ce qu’il feust desdommagiés de la dicte amende. Lequel Giraudeau en procedent de paroles à fait, le samedi au soir veille de la festé [p. 251] saint Vincent derrenierement passée2, environ jour couchant, ainsi comme le dit exposant se appareilloit pour soy couchier, un de ses voisins lui vint dire qu’il avoit veu le dit Giraudeau et sa femme en certain lieu où estoit la buche dudit exposant, et que d’icelle buche ilz emplissoient un vaisseau ou bateau, lequel exposant pour ce parti de son hosté et se mist en un sien bateau ou vaisseau, pour aller par eaue au lieu ou sa dicte buche estoit ; et quant il fu aus près d’icellui lieu, il vit et apperçut [les] diz Giraudeau et sa femme qui emplissoient leur bateau ou vaisseau de la dicte buche du dit exposant, qui leur dit que ce n’estoit pas bien fait de prendre sa buche ; lesquelx Giraudeau et sa femme, meuz de mauvais propos, commancerent tantost à eulz approuchier leur bateau contre ledit exposant, et quant il furent assez près de lui, le dit Giraudeau qui estoit premier en la teste de son vaisseau, s’efforça de ferir d’un grant baston qu’il avoit le dit exposant et aussi s’efforça d’entrer ou vaisseau du dit exposant pour le tuer et occirre, ou pour le faire cheoir en l’eaue où il peust estre noiez. Le quel exposant qui estoit seul et se sentoit fleibles, considerans les dictes menaces, le peril où il estoit et la grant doubte et paour de mort qu’il ot, se mist pour ce en deffense, à ce que les diz Giraudeau et sa femme n’entrassent en son vaisseau, en les repellant d’un fourchie dont il menoit son dit vaisseau, et en ce faisant, frappa un cop ou deux sur la teste du dit Giraudeau, de quoy mort s’en ensuy en la personne du dit Giraudeau. Pour lequel fait le dit exposant s’est absenté ou latité, pour doubte de rigueur de justice, si comme il dit, requerant humblement que, consideré ce que dit est et que ledit exposant a tousjours esté en autres cas homme de bonne vie et honneste conversacion, sans estre attaint ne convaincu d’aucun autre mauvais cas, et que il est chargié de femme et de six [p. 252] enfans, qui sont jeunes et petiz, et que ledit fait est advenu par cas de male fortune, et mesmement que le dit exposant ne se parti pas de sa dicte maison en entencion de occire ledit Giraudeau, maiz en entencion de garder que le dit Giraudeau ne lui emblast sa dicte buche, si comme il dit, nous vueillons avoir de lui compassion et lui impartir sur ce nostre grace. Nous adecertes, attendu les choses dessus dictes, voulans rigueur de justice estre temperée et moderée par pitié et misericorde, avons au dit exposant ou cas dessus dit, de nostre plaine puissance, auctorité royaul, le fait dessus dit quictié, remis et pardonné, et par ces presentes remettons, quictons et pardonnons, avec toute paine, offense et amende corporele, criminele et civile qu’il peut avoir encouru en ce, et le restituons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisqués, et imposons sur ce silence perpetuel à nostre procureur et à touz autres à qui il peut appartenir, satisfaction faicte à partie civilement tant seulement, premierement et avant toute euvre. Et donnons en mandement par ces presentes au gouverneur de la Roichelle et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement le dit exposant, sanz l’empeschier ne molester, ne souffrir estre empeschié ne molesté en corps ni en biens, à present ne pour le temps avenir, aucunement au contraire, Et s’aucuns de ses biens estoient pour ce pris, saisiz ou arrestez pour la cause dessus dicte, qu’ilz lui mettent ou facent mettre sans delay à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel [à ces presentes]. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou mois de fevrier l’an de grace mil ccc. iiiixx et quatre, et de nostre regne le quint.

Es requestes de l’ostel. P. Houdoyer. — Barreau.


1 Un Jean Roy était commandeur de la Villedieu pour le grand prieur d’Aquitaine, le 8 juillet 1373, et soutenait alors un procès contre Herbert Pouvreau, valet, appelant du sénéchal de Poitou pour le prince de Galles, suivant des lettres de procuration de cette date. (X1a 23, fol. 345.)

2 Le 21 janvier 1385 n.s.