[p. 395]

DCCXXXIV

Rémission accordée à Martin du Queroy, de Luchapt, menacé [p. 396] de poursuites pour avoir trafiqué avec les Anglais des garnisons de Jumillac et de Courbefy.

  • B AN JJ. 136, n° 175, fol. 94
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 395-398
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Martin du Queroy, de la parroisse de Luchac en Poictou, que comme ou temps que les Angloiz, ennemis de nous et du royaume, tenoient et occupoient le port (sic, lisez fort) de Jumillac en Lymosin, pour racheter un povre sien voisin nostre subget, prisonnier, appellé Jehan Gailadras, des prisons de noz diz ennemiz, le dit exposant eschangast avec un de noz diz ennemiz de la dicte garnison de Jumillac un petit cheval roncin sien avec un autre, dont le dit de Jumillac lui deut rettourner la somme de viii. frans, que le dit exposant remist et delessa aux diz ennemis, en rabat et deduction de la finance du dit prisonnier ; et aussi vendi et bailla, en rabat et deduction de la finance du patiz ou souffrance que les bonnes gens demourans et habitans en la dicte parroisse de Luchac et de Moustel en Poitou devoient aus Anglois et ennemis de la garnison de Corbaffin, un autre cheval du pris de viii. frans ou environ. Et pour cause ou occasion de ce, à l’instigacion ou pourchaz d’aucuns ses malveillans, nos genz et officiers ou de nostre mareschal de Sancerre1, le aient trait ou veuillent traire en cause et [p. 397] proces, le dit suppliant, doubtant rigueur de justice et lequel est en voie d’estre povres et desers à tousjours, si nostre grace ne lui est sur ce faicte et impartie, en nous humblement suppliant que, consideré ce que dit est et que les diz change et vente faiz par le dit exposant avec les diz de Jumillac et de Corbafin ont esté faiz pour traire ou mettre hors des prisons de noz diz ennemis de Jumillac son dit povre voisin, nostre subget, et aussi pour obvier plus grant dommage que les diz ennemis de Corbaffin eussent fait ou donné aux dictes bonnes gens et habitans de Luchac et de Moustel, pour deffaute de paiement de la dicte finance, et que tousjours le dit suppliant a esté de [p. 398] bonne vie et honneste conversacion, senz estre reprinz d’aucun autre villain cas ou delit, si comme il dit, il nous plaise lui impartir nostre dicte grace. Nous, attendu ce que dit est, voulans en ceste partie grace estre preferée à rigueur de justice vers le dit suppliant, à icellui ou cas dessus dit avons, de nostre grace especial et auctorité royal, quicté, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons les diz faiz, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile, que pour ce peut avoir encouru envers nous ; et le restituons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisquiez, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur. Si donnons en mandement au seneschal de Lymosin et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent et laissent joir et user le dit suppliant, senz le molester, contraindre ne empeschier, ne souffrir estre molesté, contraint ou empeschié aucunement au contraire ; maiz se son corps et ses diz biens qui pour ce seroient prinz, saisiz, arrestez ou empeschiez, lui mettent ou facent mettre, tantost et senz delay, à plaine delivrance. Et que ce soit, etc. Sauf, etc. Donné à Paris, l’an de grace mil ccc. iiiixx et ix, et de nostre regne le xe, ou mois de septembre2.

Par le conseil. Niczon. — Auneel.


1 Cette intervention des officiers du maréchal de Sancerre exige quelques mots d’explication. Louis de Sancerre était lieutenant du roi en Guyenne, avec des pouvoirs très étendus sur les pays situés au nord de la Dordogne et de la Garonne. Le 15 août 1386, il était à Poitiers, où fut passée la montre de sa compagnie, comprenant 37 chevaliers bacheliers et 162 écuyers, queux, trompette et maréchal de son hôtel. (Original, Bibl. nat., ms. Clairambault 234, n° 9). C’est à cette époque qu’il fit le siège de Bouteville, dont il a été parlé ci-dessus, p. 380. Durant les quatre années qui suivirent, il dirigea dans ces parages d’autres expéditions plus heureuses, que Froissart a négligé de relater, mais dont on trouve la trace ailleurs, particulièrement dans les actes du Trésor des Chartes, où l’on voit qu’il reprit la suite des opérations du duc de Bourbon, interrompues au mois de novembre 1385 (ci-dessus, p. 392, note), en Saintonge, en Angoumois et en Limousin. Par acte daté de Paris, le 17 mai 1386, Charles VI confia spécialement à Louis de Sancerre la garde des châteaux de Cognac, Merpins et Châteauneuf-sur-Charente. (Le P. Anselme, t. VI, p. 760.) L’an 1387, lit-on dans des lettres données en faveur des habitants de Cognac, le maréchal vint en Saintonge et y conquit Jarnac-sur-Charente et plusieurs autres forteresses. Il fit démolir le château et les fortifications de Jarnac et la tour de Bourg-Charente, que le duc de Bourbon avait laissée debout, parce qu’il jugeait ces forts trop difficiles à garder. Alors il fit commandement aux habitants de Cognac, « pour la seureté et tuicion du païs d’environ et pour eschever les grans maulx, inconvéniens et dommages qui à cause d’iceulx lieu de Jarnac et tour de Bourc peussent estre ensuiz aus dix habitants et au païs d’environ, s’il advenoit qu’ilz eussent autresfoiz esté oriz par noz diz ennemiz qui lors detenoient et encores detiennent ou dit païs pluseurs lieux et forteresses », de prêter aide à la démolition susdite. Ce qu’ils firent. Mais depuis, ceux qui prétendaient droit sur Jarnac et Bourg-Charente menacèrent les habitants de Cognac de les poursuivre en dommages-intérêts et les requirent de remettre lesdits lieux en état. Ceux-ci se pourvurent auprès du roi, qui déclara que, du moment qu’ils avaient agi sur l’ordre de son lieutenant, ils étaient à couvert, et interdit tout procès qui pourrait leur être intenté à ce sujet. (Acte de février 1389 n.s., JJ. 135, n° 89, fol. 50 v°.) Saint-Séverin près Aubeterre fut aussi recouvré sur les Anglais par le maréchal de Sancerre, comme on le voit dans des lettres de don à Jean-Raymond d’Aubeterre du dit lieu de Saint-Séverin, qui avait appartenu à Jean Vigier, puis à sa veuve Guillemine d’Aubusson. Cette dame avait été attirée dans un guet-apens et noyée par Migonnet de Broussac, neveu dudit Vigier, qui hérita ainsi de Saint-Séverin. Mais son crime ayant été découvert, la terre fut confisquée avec ses autres biens. (Lettres du 24 mars 1391 n.s., JJ. 140, n° 195, fol. 227.) Dans d’autres lettres de rémission pour un crime commis à Saint-Jean-d’Angély par Barthélemy Danay, arbalétrier de la compagnie du capitaine Étienne Sauvage, on apprend que, le 31 mai 1388, le maréchal de Sancerre était attendu prochainement à Saint Jean-d’Angély. (Juillet 1388, JJ. 133, n° 29, fol. 15.)

2 La dixième année du règne de Charles VI commençant le 16 septembre 1389, cet acte fut donné entre le 17 et le 30 septembre.