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DCLXXIII

Rémission accordée à Perrot Richard pour le meurtre de Simon Jouyau, quatrième mari de sa mère, Pernelle Pouvereau.

  • B AN JJ. 125, n° 9, fol. 8
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 226-229
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de par les amis charnelz de Perrot Richart, povre laboureur de l’aage de xxx. ans ou environ, nous avoir esté exposé que comme Perrenelle, fille de feu Estienne Pouvereau, mere du dit Perrot, eust derrainement esté conjoincte par mariage avec Symon Jouyau, tixerant, le quel a esté toute sa vie homme noiseux et rioteux et de deshonneste conversacion, avec lequel la dicte Perrenelle a enduré pluseurs grans noises, riotes et durtez desordenées, sanz ce que ycellui Simon eust aucune cause raisonnable de ce faire, attendu et consideré que ycelle Perrenelle a demouré bien paisiblement et honnestement, sans avoir onques esté reprise d’aucune mauvaistié avec trois marys, qu’elle avoit euz par avant le dit Simon ; et pour ce que ycellui Symon ne vouloit cesser des dictes noises et durtez, se feust la dicte Perrenelle, qui estoit assez ancienne, retraicte [p. 227] en l’ostel du dit Perrot Richart, son filz, pour ce que bonnement elle ne povoit souffrir les dictes noises et durtez ; ouquel hostel le dit Symon son mari, si tost qu’il sçot qu’elle y estoit, se transporta et commança tantost à tancier et rioter au dit Perrot Richart, en lui disant : « Ribaut garçon, tu me vuelz desmarier de ma femme, mais malgré que tu en ayes, elle s’en revendra avec moy. » Et se distrent illeucques pluseurs autres grans injures et vilenies. Et pour ce la dicte Perrenelle, veans ces choses et que son dit mary estoit si mal meu, pour lui obeir s’en retourna avec lui en son hostel et compaignie ; mais pour ce que l’ostel de son dit mary distoit bien de l’ostel du dit Perrot deux lieues françoises ou environ, le dit Perrot Richart sanz penser à aucun mal et senz ce qu’il eust voulenté de soy courroucier, suy le dit Symon et sa dicte mere, pour les convoier. Si advint que, quant ilz furent en un lieu appellé la parroisse de Poustumé, la dicte Perrenelle qui estoit laisse et vaine, tant pour ce qu’elle n’avoit mengié de tout le jour, comme pour ce que elle estoit malaide, dist à son dit mary qu’elle se vouloit reposer et qu’elle ne povoit plus avant aler ; lequel lui respondi très yreusement que non feroit. Et lors le dit Perrot ayant pitié et compassion à sa dicte mere, pour raison d’amour maternelle qui à ce le mouvoit, et aussi qu’il savoit qu’elle estoit malade et n’avoit mengié de tout le jour, dist et pria amiablement le dit Symon qu’il luy pleust la laissier reposer, quar elle en avoit mestier, pource qu’elle estoit malade et jeune1. Le quel Symon lui respondi très malicieusement et par yre, en le injuriant tousjours, que non feroit, en despit de lui, et se distrent derechief pluseurs injures et villenies ; pour occasion des quelles le dit Perrot, en la chaleur en quoy il estoit et pour ce qu’il doubtoit que le dit Simon le frappast d’un coustel qu’il [p. 228] tenoit tout nu en sa main en venant droit à luy, en soy efforçant de l’en frapper, doubtant de la mort pour la grant rancune et hayneque le dit Symon lui avoit monstré et monstroit par ses paroles, en obviant et resistant à l’inconvenient qui se povoit ensuir en sa personne, se il se fust laissié ferir, frappa d’un baston qu’il avoit porté et portoit par le chemin pour soy apuyer, pour ce qu’il plouvoit et faisoit glissant par les chemins, le dit Symon, dont mort s’en ensuy en la personne dudit Symon. Pour doubte du quel fait et que justice procedast rigoreusement contre lui, il s’est absentez du païs et a delaissié sa femme et enfans et mainage et touz ses autres biens, lesquelx quierent maintenant leur pain et sont mendians ; et n’oseroit le dit Perrot jamaiz retourner au païs, se sur ce ne lui est impartie nostre grace et misericorde. Nous adecertes, eue consideration aux choses dessus dictes, voulans rigueur de justice temperer par misericorde, attendu que ycellui fait a esté fait de cas d’aventure et que le dit Perrot est encores jeunes homs et ne fu oncques reprins d’aucun villain fait, et que lui, sa dicte femme et ses enfans sont desers pour occasion du dit fait, et qu’il a souffert et enduré grant misere et povreté par l’espace de deux ans depuis le dit fait, si comme il dit, à ycellui Perrot le fait dessus dit ou dit cas, et toute peine corporele, criminele et civile, et bannissement que par ce il puet avoir encouru envers nous, avons remis, quictié et pardonné, remettons, quictons et pardonnons, et au païs et à sa bonne fame et renommée, et à ses biens non confisquez le restituons de nostre auctorité royal, plaine puissance et grace especial, par la teneur de ces presentes, satisfacion faicte à partie avant toute euvre civilement, se faicte n’est. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent [p. 229] et laissent le dit Perrot joir et user paisiblement, sanz le molester ou souffrir estre molesté aucunement au contraire, et se son corps ou ses diz biens sont pour ce prins, saisiz on empeschiez, si les lui mettent ou facent mettre à plaine delivrance. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys de juing l’an de grace mil ccc. iiiixx et quatre, et de nostre regne le quart.

Par le roy, à la relacion du conseil. P. du Perier.


1 A jeun.