[p. 219]

DCLXX

Lettres d’institution de deux foires chaque année à la Chaize-Giraud, l’une le 19 août et l’autre le 8 novembre, données à la requête de Jean de La Muce, seigneur du lieu.

  • B AN JJ. 124, n° 214, fol. 121
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 219-223
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, que comme par vertu des lettres de commission de bonne memoire nostre très chier seigneur et pere, cui Dieux pardoint, à la requeste de notre amé et feal Jehan La Muce, chevalier, seigneur de la Cheze Giraut1 à cause de sa femme, le lieutenant ou commis du bailli qui lors estoit ès Exempcions de Poitou, appellez ceulz qui faisoient à appeller, ait fait deux informacions sur le proffit ou dommage qui à nostre dit seigneur et la chose publique pourroit [p. 220] avenir, en l’octroy de deux foires mettre et instituer chascun an perpetuellement en la dicte ville de la Cheze Giraut, c’est assavoir l’une le dix neuviesme jour d’aoust et l’autre le viiie jour de novembre, par les quelles informacions pieça apportées en nostre tresor à Paris, par devers noz amez et feaulx tresoriers illec, icelles par eulz avec plusieurs de noz amez et feaulz conseillers en nostre Parlement, à ce especialment appellez, diligemment veues et examinées, ensemble noz autres lettres contenans cette fourme :

Charles, par la grace de Dieu roy de France. A noz amez et feaulz tresoriers à Paris, salut et dilection. Exposé nous a Jehan de La Muce, escuier, seigneur de la Cheze Giraut à cause de sa femme, que comme de bonne memoire nostre très chier seigneur et pere, que Dieux absoille, eust pieça octroyé lettres au dit exposant, pour faire seoir deux foires chascun an en la dicte ville de la Cheze Giraut, à certaines journées et en certaine maniere declarée ès dictes lettres, par vertu desquelles le bailli des Exempcions, qui lors estoit en Touraine, Anjou et Poitou, à ce commis, eust fait certaines informacions sur le profit et dommage qui seroit aux seigneurs et leurs voisins, en l’octroys des dictes [p. 221] foires, et ycelles informacions eust baillées closes et seelées en nostre tresor à Paris, pour les veoir et en ordener comme il appartiendroit ; neantmoins, soubz umbre de ce que le procureur de nostre très chier et très amé oncle le duc de Calabre et d’Anjou, qui lors tenoit le chastel et chastellenie de Thalemont2, à cause de nostre bien amée Ysabeau d’Avaugour, s’estoit opposé à l’expedicion des dictes lettres et non autres, vous avez differé et delayé expedier ycelles lettres, ja soit ce que ce eust esté et seroit le proffit du pays et du bien publique, qui par ce seroit empeschié, se pourveu n’y estoit, si comme dit le dit exposant, requerant que, ce consideré et que le dit opposant n’a soustenu ne soutient la cause de son opposition, et que aussi de present nostre dit oncle n’a aucun droit en la dicte terre de Thalemont, pour la quele il avait fait la dicte opposition, mais en a esté debouté par arrest de nostre Parlement, par lequel arrest a esté adjugée au viconte et vicontesse de Thouars3, à cause de elle, nous sur ce li vueillons pourveoir de nostre grace. Nous, ces choses considerées et que dès pieça le procès fu mis en nostre tresor et encores y est par devers vous, vous mandons estroictement, enjoignons en commettant, se mestier est, que, s’il est ainsi et que aucun ne poursuie la dicte opposition, veez et visitez diligemment icelles informacions [p. 222] et sur tout bailliez ou faites baillier teles lettres comme en tel cas appartient. Car ainsi le voulons nous estre fait, et à icellui exposant l’avons octroyé et octroyons de grace especial, non obstans lettres surreptices à ce contraires. Donné à Paris, le xxiie jour de septembre l’an de grace mil ccc. iiiixx et trois, et le quart de nostre regne.

Leur soit clerement apparu que profitable chose et neccessaire seroit à nous et au bien publique de estaublir et instituer les dictes foires ès lieu et jours dessus diz. Nous, ces choses considerées avec les bons et agreables services que le dit chevalier a faiz par longtemps à nous et à noz devanciers ou fait des guerres, avons ordené et establi, et de nostre auctorité royal, plaine puissance et grace especial, ordenons et establissons par ces presentes les dictes foires estre doresenavant et à tousjours ès lieu et jours dessus diz, et que en ycelles foires touz marchans, leurs serviteurs et autres puissent aler, venir, demourer et retourner seurement, pour vendre, eschangier et acheter, mener et remener par eulx ou par autrui toutes manieres de denrées, vivres et marchandises, et faire toutes leurs besoignes et choses licites quelconques ; et que le dit chevalier, à la cause dessus dicte, ses successeurs et les ayans d’eulz sur ce cause aient en et sur les dictes foires et sur les marchandans en ycelles et leurs appartenances tele justice, juridicion et congnoissance, ensemble les profis et emolumens acoustumez et appartenans à fait et seigneur de foires, et comme il avoit paravant ce present octroy au dit lieu de la Cheze, et qu’il usent et joissent des usages, libertez, franchises et previleges dont l’en use et a acoustumé de user ès autres foires d’environ, gardez les usages et coustumes du païs. Mandans au gouverneur de la Rochelle, ou à son lieutenant, et à touz nos autres justiciers et officiers, qui ores sont et pour le temps avenir seront, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, en commettant, se mestier est, que les dictes deux foires facent crier, publier, establir et ordener [p. 223] ou dit lieu et ès autres lieux, et en la maniere en tel cas acoustumée, et desdiz privileges, usages et libertez facent joir et user paisiblement le dit chevalier, à la cause devant dicte, ses successeurs et leurs ayans cause, les diz marchans, leurs serviteurs et autres, alans, venans et demourans pour marchander et autrement licitement ès dictes foires, sanz eulx empeschier aucunement au contraire. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous à ces presentes lettres avons fait mettre nostre seel ordené en l’absence du grant. Sauf en toutes choses nostre droit et l’autrui. Donné à Paris, ou moys d’avril l’an de grace mil ccc. iiiixx et trois, et le quart de nostre regne.

Par le roy, à la relacion des tresoriers à Paris. Hennin.


1 Les renseignements sur cette famille féodale sont très rares. Jean de La Muce, chevalier, tuteur de Catherine et Jeanne, filles mineures de Jean d’Aye, aliàs d’Ahaye, eut des différends à propos de la succession de leur père, avec Guy de la Rochefaton et autres ; ils se terminèrent le 17 avril 1354 par une transaction qui ne nous apprend rien sur la personne et la famille du tuteur (Arch. nat., X1c 8). C’est lui sans doute qui avait épousé Catherine de la Haye, et dont le frère, Jamet de La Muce, écuyer, était marié à Jeanne de la Haye, la sœur de Catherine. La succession de cette dernière fut partagée, le 13 juin 1382, entre Jamet de La Muce à cause de sa femme et d’autres cohéritiers. (Beauchet-Filleau, Dict. des fam. de l’anc. Poitou, t. II, p. 208). Le Jean de La Muce au profit de qui sont instituées les foires de la Chaize-Giraud ne peut être le même que le mari de Catherine de la Haye, décédée avant le 13 juin 1382, sans enfants, puisque à cause de sa femme il avait obtenu des lettres de Charles V, et que celle-ci vivait encore en avril 1384. Peut-être était-il le fils de Jamet. Dans un autre acte, trop peu explicite, du 4 avril 1390, enregistré au Parlement, le 17 mai suivant, « noble homme Jehan de La Muce, chevalier, seigneur de la Chese Giraut », par conséquent le nôtre, déclare se désister d’un appel qu’il avait relevé de la cour de Talmont au Parlement, du temps que le duc d’Anjou et Isabeau d’Avaugour, vicomtesse de Thouars, tenaient le château et la terre de Talmont, possédés à présent par Tristan, vicomte de Thouars, et retourner à l’obéissance du dit vicomte et de sa cour de Brandois. (Arch. nat., X1c 60.) Nous n’avons pu malheureusement découvrir à quelle famille appartenait la dame de la Chaize-Giraud, femme de Jean de La Muce. En 1380, le sire de Parthenay était en procès touchant la forteresse de la Chaizé-Giraud contre le vicomte et la vicomtesse de Thouars. On l’apprend par un mandement d’enquête, qui d’ailleurs ne fait point connaître l’affaire (X1a 29, fol. 105 v°). Guillaume « de la Mousse », qui figure avec le titre de châtelain de Niort, dans un passage des comptes de l’hôtel du duc de Berry, où il est question de l’approvisionnement de blé du château de cette ville, à la date de juillet 1373 (KK. 251, fol. 105 v°) appartenait très vraisemblablement à la même famille que le seigneur de la Chaize-Giraud.

2 Louis Ier duc d’Anjou et de Calabre, comte de Provence et du Maine, roi de Sicile, etc., né à Vincennes le 23 juillet 1339, mort à Biseglia près Bari (royaume de Naples), le 20 septembre 1384, second fils du roi Jean et de Bonne de Luxembourg. Isabelle d’Avaugour, vicomtesse douairière de Thouars, lui engagea, l’an 1373, les terres de son douaire dans le Bas-Poitou, c’est-à-dire Talmont, Château-d’Olonne, Brandois, Curzon, Olonne, les Sables et Château-Gaucher ; mais elle les reprit environ trois ans plus tard, en 1376, ou 1377. (Archives nat., P. 13341.)

3 Le procès que soutint Isabelle d’Avaugour puis le duc d’Anjou, pendant qu’il eut les terres de celle-ci, énumérées dans la note précédente, et à leur sujet, contre Pernelle, vicomtesse de Thouars, et Tristan Rouault, son mari, a été exposé avec quelque détail dans une note de notre t. IV, p. 196. Il nous suffira d’y renvoyer le lecteur.