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DCCXI

Rémission accordée à Jean Jaquet, de Chasnais près Luçon, qui, attaqué par un nommé Guillaume Bachier, l’avait, en se défendant, frappé mortellement.

  • B AN JJ. 131, n° 62, fol. 35
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 331-333
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie des amis charnelz de Jehan Jaquet laboureur de bras, fils de Jean Jaquet l’ainsné, comme, le lendemain de la feste saint Barnabé apostre1, derrenierement passée, le dit exposant feust en un sien vergier, au lieu de Chanay lez Luçon, ou quel il labouroit et vouloit planter des poreaux et autres herbes, pour aidier à vivre sa femme et enfans, et ledit exposant estant ou dit vergier, le jour dessuz dit, passée l’eure de my jour, vint du marchié de Luçon un homme appelé Guillaume Bachier, laboureur, et passoit par un chemin publique joingnant aus vergiers qui sont touchant au vergier du dit exposant, et quant le dit Guillaume fu à l’endroit du dit exposant, li dist moult malicieusement qu’il faisoit là et le appela Jehannin, lequel lui respondi [p. 332] qu’il plantoit des poreaux. Et lors le dit Guillaume dist au dit exposant qu’il prenoit tousjours du sien ; au quel il respondit qu’il alast veoir s’il prenoit du sien. Lequel Guillaume dist de rechief au dit exposant, en lui donnant menaces et disant : « Je te paieray bien », et descendi de sur une beste et l’atacha à une haye de bois qui est closture d’un jardin ; et d’icelle closture le dit Guillaume arracha et tira de terre à li un pal des plus gros de la dicte haye, et passa oultre la dicte haye, entrant en un jardin du dit exposant qui estoit delez ; et quant il fu près du dit exposant, l’appela larron, bourgoignon, et leva le dit pal pour ferir le dit exposant, lequel exposant resista de parole au dit Guillaume le mieulz qu’il pot. Et pour ce, le dit exposant, doubtant que le dit Guillaume le ferist et villenast, bouta d’une deschaussoere le dit Guillaume en la poitrine un cop, par la quelle bouteure il chei à terre, et après le fery de la dicte deschaussoere parmi le costé, et convint que ycellui Guillaume en feust portez en son hostel, où il a esté malade environ xx. jours, et tantost après soit alez de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait, le dit exposant est priz et tenu prisonnier au dit lieu de Chanay, et ses biens saisiz et empeschiez ; et pour ce il doubte que la justice procede contre lui à punicion corporele. Et il soit ainsi que le dit exposant ait esté touz les jours de sa vie homme de bonne fame, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté accusé ou convaincu d’aucun autre mauvais cas, soit marié et ait enfans ; et aussi que le dit Guillaume soit aggresseur en ce fait, et ait esté homme noiseur et rioteux, et comme touz les jours yvre par tele maniere que il cheoit de sur sa beste, par lesquelles cheoistes et autres choses le dit Guillaume estoit pourri et ainsi comme percuz ; et si a pardonné le dit Guillaume le dit cas au dit exposant par ainsi qu’il marie deux de ses filles, selon leur estat, et face dire trente messes pour l’ame de lui, et que ses heritiers ne facent aucune poursuite contre le dit exposant, [p. 333] qui est en aventure de briefment finer ses jours en la dicte prison de Chanay, se par nous ne lui est sur ce impartie nostre grace, si comme il dit, en nous humblement requerant ycelle. Nous, inclinans à sa supplicacion, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit exposant avons ou cas dessus dit quicté, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, de grace especial et auctorité royal, par la teneur de ces presentes, le dit cas et toute peine, offense et amende corporele, criminele et civile, que pour ce il a et puet avoir encouru envers nous, et le restituons à sa bonne fame, renommée, au pays et à ses biens non confisquez, en imposant sur ce à nostre procureur et à touz autres silence perpetuel, satisfacion faicte à partie premierement et avant toute euvre civilement tant seulement, se faicte n’est. Si donnons en mandement au gouverneur de nostre ville de la Rochelle et à touz noz autres justiciers, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace, remission et pardon facent et laissent le dit exposant joir et user paisiblement, sanz le molester ou souffrir estre molesté aucunement au contraire, et son corps detenu prisonnier, et ses biens pour ce priz, saisiz ou empeschiez, comme dit est, lui mettent ou facent mettre tantost au delivre. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tous jours mais perpetuelment, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Rouen, le xie jour de juillet l’an de grace mil ccc.iiiixx vii, et de nostre regne le viime.

Par le roy, à la relacion de messeigneurs les ducs de Berry et de Bourgoingne. G. Lafons.


1 Le 11 juin 1387.