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DCCXXXVI

Rémission accordée à Guillaume Champoseau pour un meurtre par lui commis, plus de quatre ans auparavant, sur Jean Sorio, l’un des commis du duc de Berry à la levée d’une taille à Coulonges-Thouarsais, qui avait saisi ses biens et menaçait de lui faire pis, bien qu’il eût payé les cinq sixièmes de sa quote-part et pris des engagements pour le reste.

  • B AN JJ. 136, n° 277, fol. 171
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 401-404
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Champoseau, povre homme laboureur, chargié de sa mere, de l’aage de lxx. ans ou environ, de sa femme et de troiz petiz [p. 402] enfans, contenant que, environ la feste de la Penthecoste derrainement passé ot iiii. ans, le dit suppliant qui lors demouroit en la parroisse de Coulonges Thoarçoises fu assiz et imposez à la somme de lx. solz tournois pour sa part et porcion d’une taille, que lors nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry avoit fait asseoir et imposer sur les habitans de la dicte ville, pour la quelle cueillir furent commiz en la dicte ville de Coulonges jusques au nombre de x. personnes ou environ, aux quelz le dit suppliant paia l. solz sur la dicte somme de lx. solz qui lui estoit imposée, et s’obliga de paier aus diz commis les dix solz qui demouroient du residu, et parmi ce que les diz commis le devoient tenir paisible et lui firent delivrer ses biens qui pour ce lui avoient esté empeschiez ; neantmoins feu Jehan Sorio1, qui commis estoit avec les diz autres à lever la dicte taille, par hayne ou autrement, de sa voulenté indeue, pou de temps après la dicte paie et obligacion ainsi faicte, vint en la maison du dit suppliant, ycellui absent et senz la voulenté des autres commis, ou autrement, prinst et fist prendre des biens meubles du dit suppliant jusques à la valeur de plus de xx. solz ; et encores non contens de ce, le jour de la feste saint Jaques et saint Christofle lors après ensuivant2, le dit feu Jehan Sorio, qui venoit du marchié de Bresseure, encontra d’aventure icellui suppliant qui pareillement venoit du marchié de la dicte ville, pour avoir et trouver finance de autres xxx. solz en quoy il estoit imposé en une autre taille, et eulx estans ou grant chemin qui va de Coulonges à Bresseure, près du pont de Croy, ledit feu Jehan Soryo dist au dit suppliant moult arroganment pour quoy il n’estoit paiez [p. 403] des dix solz qu’il devoit du residu de sa dicte taille ; au quel le dit suppliant respondi que il avoit priz ou fait prendre de ses gaiges qui valoient plus de xx. solz et que il n’y povoit lors mettre remede. Et lors le dit feu Jehan Sorio lui dist que encores en prendroit il, le quel lui respondi tout courtoisement : « Je pry Dieu qu’il ne vous en doint jà voulenté ne povoir. » Et incontinent le dit feu Jehan Sorio, non content et esmeu de ses paroles, vint au dit suppliant et lui dist : « Ha, ribaut, me contrarie tu ! » et de fait se prist à lui et lui donna pluseurs cops. Le quel suppliant, voyant la male voulenté du dit feu Jehan et que senz cause il estoit ainsi gouvernez, tempté de l’ennemi, sur son corps defendant et en reppellant force par force, haussa un baston qu’il tenoit et en donna un coup au dessus de l’espaule au dit feu Jehan Sorio, et aussi l’en fery depuis par les jambes, senz lui faire sang ne plaie et senz ce qu’il eust propos ne entencion de le tuer ou mutiler ; depuis la quelle bateure ainsi faicte, l’en dit ycellui feu Jehan Sorio estre pour ce alé de vie à trespassement. Pour le quel fait, le dit suppliant dès lors se absenta du païs, pour doubte de rigueur de justice. Et a pour ce esté appellé à noz droiz et banny de nostre royaume, si comme l’en dit, dont il est en aventure d’estre desert et fuitif à tousjours, se de nostre grace et misericorde ne lui est sur ce secouru, en nous requerant humblement que, consideré le long temps que il a que le fait advint, pendant le quel il a souffert pluseurs povretés et miseres, et aussi que tout le temps de sa vie il a esté et est homme de bonne vie et renommée et de conversacion honneste, senz oncques avoir esté reprins, actaint ou convaincu d’aucun autre vilain cas ou reprouche, si comme il dit, et aussi que il a fait paix et sattisfaction à partie, nous lui veuillons nostre dicte grace impartir et lui estre piteables et misericors. Nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit suppliant ou cas dessus dit avons pardonné, quictié et remis, [p. 404] et par la teneur de ces presentes, de grace especial et de nostre auctorité royal, pardonnons, quictons et remettons le dit fait, et tous appeaulx, deffaulx et le ban, se pour ce s’en est ensuy, avecques toute peine, offense et amende corporele, criminele et civile, en quoy il peut pour ce avoir encouru envers nous et justice. Et le restituons et remettons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisquiez, sattisfaction faicte à partie civilement, avant toute euvre, se faicte n’est. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, du Maine et de Poitou, et à touz noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que le dit suppliant ilz facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace et remission, senz le molester ou empeschier, ou souffrir estre molesté ou empeschié en corps ou en biens, de present ou pour le temps avenir, en aucune maniere ; maiz son corps et tous ses biens non confisquiez, s’aucuns en sont pour ce prins, saisiz ou arrestez, lui mettent ou facent mettre senz delay à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou mois de decembre l’an de grace mil ccc. iiiixx et ix, et de nostre regne le xme.

Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.


1 Peut-être pour Suirot ou Suyreau. Cf. un Jean Suyreau, dit Frère, qui était présent, le 20 juin 1383, à un accord passé devant la cour de Thouars entre Girard Rabasté, chevalier, et Huguet de la Voirie, seigneur de Puyraveau. (Arch. nat., X1c 47.)

2 Le 25 juillet 1385.