[p. 61]

DCXVII

Rémission accordée à Thomas Girot pour un homicide commis à Sigournay. Provoqué et frappé par un charpentier, nommé Etienne Bertrand, il l’avait, en se défendant, frappé mortellement d’un coup de couteau.

  • B AN JJ. 112, n° 29, fol. 24
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 61-63
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Thomas Girot, povre laboureur, que, comme jà pieça Estienne Bertran, charpentier, eust pris du dit exposant certains ays à soier, parmi certains priz d’argent que le dit exposant lui en paia avant la main, et pour ce que le dit Bertran ne delivroit point au dit exposant ses diz ays et qu’il les lui tenoit trop longuement et le menoit par journées et par delaiz, en disant tousjours que il auroit ses ays de jour à autre, dont il ne faisoit riens, le dit exposant, veant que le dit Estienne avoit receu son argent et ne lui vouloit delivre sa besoingne, dont il avoit grant dommage, l’eust fait adjourner par devant justice, pour avoir droit de lui et pour lui rendre ses diz ays, faiz ou à faire, ou pour lui rendre son argent ; neantmoins le dit Estienne, en contempt et despit de ce que le dit exposant l’avoit ainsi fait adjourner, vint environ la saint Jehan derrainement passée, en la parroisse de Segournay, où il trouva le dit exposant, qui en riens ne se gardoit de lui, mais se seoit et s’esbatoit [p. 62] avecques les voisins emmi la rue. Et sitost que le dit Estienne apperçut le dit exposant, vint à lui moult impetueusement, en lui disant moult d’injures et de villenies, presens les voisins et les bonnes genz qui y estoient, en disant : « Ribaut, tu m’as fait adjourner pour avoir tes ays ! Par le sanc Dieu, tu ne les auras pas, et en fay du pis que tu pourras ! » Et de fait le vint prendre par la gorge et lui tordi le chaperon en le cuidant estrangler, et le commença à batre moult inhumainnement du poing et du pié en pluseurs lieux et tant qu’il lui fist sanc et plaie ; et de ce non content, le dit Estienne print un grant pieu et l’entesa pour en vouloir assommer et tuer le dit exposant, mais ycellui exposant tenoit en sa main un petit coutel, dont il doloit un petit ays, quant le dit Estienne vint à lui, du quel coustel par cas d’aventure, ainsi que le dit exposant haussa sa main pour eviter ou obvier au cop du dit Estienne qui ainsi oultrageusement l’avoit batu et batoit, et faisoit tout son povoir de le mutiler et occirre, en repellant force par force pour doubte de mort, en fery le dit Estienne en l’ayne et le navra. Et ce non obstant, le dit Estienne s’efforça depuis de tout son povoir de batre et getter à terre le dit exposant et de le tuer et occirre, ce que fait eust, se n’eussent esté les bonnes genz qui là estoient presens ; de la quelle navreure l’en dit que mort s’est depuis ensuie en la personne du dit Estienne Bertran. Pour le quel fait le dit exposant doubte que ores ou en temps avenir il ne peust pour ce estre molesté ou empeschié par aucuns noz justiciers ou autres. Si nous a humblement supplié que, comme tout le temps de sa vie il ait esté et soit homme de bonne vie et renommée, gaignant son pain bien et loyaument, sanz riot ou debat et sanz aucun reproche, et que le dit fait est advenu par l’oultrage et coulpe du dit feu Estienne, nous sur ce lui vueillions impartir nostre grace et misericorde. Nous adecertes, attendu la qualité et maniere du fait, voulanz atremper [p. 63] rigueur de justice en ceste partie, de nostre grace especial, puissance et auctorité royal, avons ou cas dessuz dit quictié, remis et pardonné et, par ces presentes, quittons, remettons et pardonnons au dit exposant le dit fait, avec toute peinne et amende corporelle, criminelle et civile, qu’il pourroit ou puet avoir encourue envers nous, pour occasion du dit fait, en le restituant à sa bonne fame, renommée, au païs et à ses biens, reservé le droit de partie à poursuir civilement. Si donnons en mandement au bailli des Exempcions d’Anjou, du Maine, de Tourainne et de Poitou, et à touz les autres justiciers de nostre royaume, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent et lessent le dit exposant joir et user paisiblement, et contre la teneur d’icelle ne le molestent ou empeschent en aucune maniere, et se aucuns de ses biens non confisquez estoient pour ce pris, saisiz ou arrestez, lui mettent à plainne delivrance. Et pour ce que ce soit chose ferme et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois de decembre l’an de grace m. ccc. lxxvii, et le xiiiiie de nostre regne.

Es requestes de l’ostel. T. Graffart. Evrardus.