[p. 160]

DCXLII

Rémission octroyée à Boniface Vassaut, écuyer, pour avoir laissé mettre à mort sousses yeux un nommé Pierre Tenebrer, dit l’Aumônier, de Bressuire, que le sénéchal de Poitou l’avait chargé de prendre au corps et qui résista aux sergents.

  • B AN JJ. 118, n° 442, fol. 233
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 160-164
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelz de Boniface Vassaut1, escuier, comment, pour ce que un [p. 161]appellé Pierre Tenebrer, dit de Lussay, autrement appellé Aumosnier de Bersuire, engendré de frère Guillaume Braer, abbé de l’Ausie en Gastine2, et de Marion Tenebrere, femme diffamée, estoit homme de très mauvaise et deshonneste vie, diffamé et renommé d’avoir commis, fait et perpetré pluseurs crimes, malefices et deliz, et en especial d’avoir batu, villenné et navré pluseurs personnes, tant religieuses comme autres, d’avoir derobé plusieurs marchans et autres gens, et aussi d’avoir esté present et consentant à tuer et murdrir, au pays de Poitou, un marchant nommé Pierre Baribaut, nostre amé et féal Hugues de Froideville3, seneschal de Poitou pour nostre très [p. 162] cher et très amé oncle le duc de Berry et d’Auvergne, comte de Poitou, manda et commanda à Symon Dousset et à tous les autres sergens de nostre dit oncle, et aussi au dit escuier que, quelque part que le dit Ausmonier trouver pourroient en la jurisdicion et pouvoir de nostre dit oncle, hors lieu saint, il le preissent et arrestassent de par ycellui nostre dit oncle et le menassent en ses prisons plus prouchaines du lieu ou priz l’aroient, sanz en faire delivrance ou recreance sanz especial mandement du dit seneschal. Or est ainsi que le dit escuier, voulant obeir au mandement d’icellui seneschal, monta à cheval avecques autres à soy acompaigniez pour aler prendre ycellui Ausmonier, selon que mandé et commis lui estoit, comme dit est. Et après qu’il ot oy dire que le dit Ausmonier aloit de la dicte abbaie de l’Ausie à un lieu appellé la Roche, lui et ses diz compaignons se mirent sur le chemin en un boiz appellé de la Roche, afin que miex peussent excecuter le dit mandement, pour ce que ycellui Aumosnier estoit très bien monté. Et quant ycellui escuier apperçu ycellui Aumosnier venir, il se tray vers lui, pour lui monstrer et lire son dit mandement, et fere et acomplir ce que par ycellui mandé et commis lui estoit. Si advint que, tantost que les compaignons du dit escuier vouldrent mettre la main ou dit Aumosnier pour le prendre, il se mist en rebellion et leur contresta, et avecques ce feru et navra ou [p. 163] bras un d’iceulx compaignons, appellé Jehan Gautier ; pour cause des quelles contradiction, rebellion et navreure, les diz compaignons batirent et navrerent le dit Aumosnier par maniere que mort s’est ensuye en sa personne. Et combien que le dit escuier ne ferist ou batist aucunement le dit Aumosnier, ainsi que l’en dit, toutevoyes lui, doubtant povoir estre aucunement traveillié ou temps avenir, pour ceste cause, nous a fait humblement supplier que, considerées les choses dessus dictes et qu’il a servi longuement et loyaument nostre très cher seigneur et pere, dont Diex ait l’ame, et nous ou fait des guerres, et est prest et appareillié de faire dores en avant à son povoir, il nous plaise sur ce lui eslargir nostre grace. Pour quoy nous, inclinans à la dicte supplication, pour regard de ce que dessus est dit, à ycellui escuier, tant comme lui touche et peut toucher, avons ou dit cas quittié, remis et pardonné, remettons, quittons et pardonnons par ces presentes, de grace especial, auctorité et plaine puissance royal, le fait et cas dessus diz avecques toute paine, amende et offense corporelle, criminele et civile en quoy il peut estre encouruz ou avoir commis envers nous, pour cause de ce, en aucune maniere, en le restituant et remettant à sa bonne fame, renommée, au pays et à ses biens non confisquiez, pourveu que, en tant comme lui touche, il fera satisfaction civilement à partie, se il est aucun qui en face poursuite. Si donnons en mandement à tous nos justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, laissent et seuffrent le dit escuier joir et user paisiblement, sanz faire ou soufrir que contre la teneur de ces presentes il soit traveillié, molesté ou empeschié, ores ne ou temps avenir, en corps ne en biens en aucune maniere. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tous jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy [p. 164] en toutes. Donné à Paris, le iiie jour d’avril l’an de grace mil ccc. quatre vins, et le premier de nostre regne.

Par le roy, present monseigneur le duc de Bourgongne. P. Manhac.


1 Vassaut ou Vassant. D’Hozier donne la généalogie, à partir du xve siècle, d’une famille de Vassan (nom orthographié aussi à l’origine Vassent), dont on peut suivre plusieurs branches en Champagne, en Picardie et dans l’Île-de-France (Armorial gén. de la France, in-fol, 1738, t. Ier, 1re partie, p. 606 et s.) ; maison ne saurait affirmer que le personnage ici nommé puisse se rattacher à cette maison.

2 Cet abbé de l’Absie en Gâtine est inconnu aux auteurs de la Gallia christiana, qui n’en nomment aucun entre les années 1301 et 1402 (t. II, col. 1383). Il appartenait sans doute à une famille Braer, possesseur à cette époque du domaine de la Fontaine, paroisse d’Échiré, qui d’elle a pris le nom de la Fontaine-Braer, auj. la Fontaine-Bray.

3 Hugues de Froideville, chevalier, était maréchal d’Auvergne en 1373 et servait alors en Poitou, sous les ordres du duc de Berry, à la tête d’une compagnie de cinq chevaliers et de vingt-quatre écuyers. (Extrait d’un compte de Jean Le Mercier, trésorier des guerres, publié dans notre t. IV, p. lxv). Pendant le mois d’août de cette année, il dirigeait les opérations du siège du château de Lusignan. (Id. ibid., p. xlix). Hugues de Froideville figure sur les listes les plus autorisées des sénéchaux du Poitou, entre les années 1376 et 1383, comme successeur de Perceval de Cologne. Outre le présent acte, nous en pouvons citer quatre autres où il prend ce titre : 1°, 1er septembre 1378. Ajournement devant lui, en qualité de sénéchal, de Jacques de Surgères, seigneur de la Flocelière, pour défendre à celui-ci d’inquiéter Louis de Granges sur le fait de ses armoiries. (Dom Fonteneau, t. VIII, p. 155, 157 ; Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, t. II, p. 685). — 2°, 20 mai 1381. Acte donné aux assises de Niort par le lieutenant général de Hugues de Froideville, sénéchal de Poitou pour le duc de Berry, au procureur de Héliot Tison, écuyer, de la représentation qu’il avait faite de la mainlevée d’une saisie de ses biens, pour n’avoir pas réparé l’arceau du pont de Niort, comme il s’en était chargé. (Coll. dom Fonteneau, t. XX, p. 97) ; — 3°, 27 juin 1382. Le maire de Poitiers promet aux fermiers du farinage qui se levait dans la ville et la châtellenie de Poitiers, de les garantir et désintéresser envers le sénéchal Hugues de Froideville, qui avait mis ce droit en la main du roi. (Arch. de la ville de Poitiers, E. xiiii, p. 86) ; — 4° à la suite d’un compte daté de 1385 d’une taille levée à Poitiers sur le clergé et le tiers état, est transcrit un mandement du même sénéchal, ainsi qu’un autre de Bertrand de Maumont, évêque de Poitiers, ce dernier donné le 24 mai 1385. (Id. ibid., J. 3.) Il semble résulter de ce document que le sr de Froideville était encore sénéchal pendant la première moitié de l’année 1385. Suivant Froissart, il devint ensuite sénéchal de Toulouse. (Edit. Kervyn de Lettenhove, t. XI, p. 28, 212, etc.). — Il était originaire d’Auvergne, ou du moins y avait des terres patrimoniales. Cela résulte de plusieurs accords enregistrés au Parlement que nous mentionnerons sommairement. Le 1er août 1386, il fit abandon à Morinot de Tourzel, chambellan du duc de Berry, des droits qu’il possédait sur les terres d’Allègre, de Saint-Just, d’Auzelles, et de Chomelix, dont le duc avait fait don à son serviteur. (Arch. nat., X1c 53). Un procès que Hugues de Froideville soutenait contre Jean de Billom, se termina le 28 août 1388 par une transaction (id., X1c 57). Quelques années plus tard, il disputait encore à Catherine de Bruant certains droits sur la terre de Bruant ; un accord mit également fin à cette contestation, le 4 février 1394 n. s. (Id. ibid., X1c 69).