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DCLXXXVI

Rémission accordée à Gadifer de la Salle, à Brandelis, son frère, à Guillaume de la Voirie, tous trois chevaliers, à Philippon de Nueil et à Boileau de Fontenay, pour l’enlèvement de la fille de feu Jean Garin, alors sous la garde de Renaud de Thouars, seigneur de Pouzauges, et qu’ils voulaient marier audit Philippon de Nueil.

  • B AN JJ. 126, n° 193, fol. 126
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 259-262
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie de Gadifer de la Sale1, Guillaume de la Voyerie2, Brandelis de la Sale, frere du dit Gadifer, chevaliers, Philippon de Nueil et Boileau de Fontenoy, nous avoir esté exposé comme, environ l’an mil ccc. iiiixx et un que le dit Gadifer fut retourné de certain voyage où il avoit esté, lui estant en l’ostel de feu Ferran de la Sale, chevalier, son pere, ycellui son pere, après aucunes besoingnes parlées et traictées entr’eulx, en excitant le dit Gadifer, eust dit que, au vivant de feu Jehan Garin, il avoit voulu faire le mariage du dit Philippon de Nueil, [p. 260] escuier, cousin germain du dit Gadifer, et de la fille de feu Jehan Garin, disant que le mariage n’avoit point esté fait parce que la dicte fille estoit trop jeune, et que de present la dicte fille, laquelle estoit assés aagée de marier, estoit par devers feu Regnault de Thouars, chevalier, seigneur de Pousauges3, et en sa garde, et qu’il seroit bon qu’il sceust devers lui se au dit mariage il se vouldroit consentir ; et aucun temps après, ycellui Gadifer, à l’excitation de son dit feu pere, eust parlé du dit mariage au dit feu seigneur de Pousauges et à aucuns des amis de la dicte fille, de par son pere ; les quelz furent d’accort du dit mariage, et manda le dit seigneur de Pousauges par pluseurs foiz à son capitaine du chastel de Pousauges qu’il baillast la dicte fille au dit Gadifer, pour faire et acomplir ycellui mariage. Et pour ce le dit Gadifer, accompaignez des dessus nommez estans avec lui…4, que [p. 261] la dicte fille estant mendre d’aage, avoit esté et estoit par avant fiancée au filz d’un dit Ladmiraut de Pousauges, le dit Gadifer eust demandée la dicte fille, laquelle lui fu monstrée par ceulx du dit chastel, et mesmement par la femme de feu Loys Goderaut5, jadiz seneschal de Pousauges, avec laquelle elle estoit. Et lors le dit Guillaume la print par la main, et en ce faisant la femme du dit Loys eust dit à la dicte fille que elle s’en alast avec le dit Gadifer ; le quel un peu après, lui monté à cheval, la fist mettre derriere lui pour l’en mener en l’ostel de ses pere et mere, où quel il la fist garder environ un quart d’an. Et ainsi comme il emmenoit la dicte fille, elle commença à soy larmenter, en criant au murtre. Et depuis le dit Philippon l’espousa en face de Saincte Eglise, quatre ans a ou environ, et a esté depuis paisiblement et continuelment avec lui. Pour occasion du quel fait, les gens et officiers de nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry et conte de Poitou, du quel conté le dit suppliant et autres dessus nommez sont, ont fait prendre le dit Philippon de Nueil et ses biens mettre en sa main, et ycellui detiennent prisonnier en la prevosté de Poitiers, et donné commission et mandement de prendre les autres dessus nommez et leurs biens, et de les mettre en la main de nostre dit oncle ; et desjà ont mis la dicte main [sur] les biens d’aucuns d’iceulx et ont fait prendre le dit Boileaue, si comme l’en dit, dont il pourront estre grandement dommaigiez, se par nous ne leur estoit sur ce pourveu de nostre grace, si comme ilz dient. Pour quoy nous, ces choses considerées, avec les bons et agreables services que le dit Gadifer a [p. 262] faiz à nous, à nostre très chier seigneur et pere, et à feu nostre très chier et très amé oncle le roy de Jherusalem et de Cecile6, dont Dieu ait les ames, et esperons qu’il nous face ou temps avenir, à ycellui Gadifer, Guillaume de la Voyerie et autres dessus nommez, ou cas dessus dit, le dit fait, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile que il, pour occasion d’icellui fait, puent avoir encouru envers nous et justice, avons quictié, remis et pardonné, avec le ban ou bans, se aucun ou aucuns s’en estoient ensuys, et par ces presentes, de nostre plaine puissance, grace especial et auctorité royal, quictons, remettons et pardonnons, et les restituons à leur bonne fame et renommée, au païs et à leurs biens non confisquez, satisfacion faicte à partie premierement et avant toute euvre, se aucune en y a poursuiant, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur. Si donnons en mandement au gouverneur du bailliage de Touraine, au gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers et officiers, et à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent les diz Gadifer, Guillaume de la Voyerie et autres dessus nommez, joir et user paisiblement, sens les molester ou souffrir estre molestez ou empeschiez en aucune maniere ; et leurs corps ou biens pour ce prins, saisiz ou arrestez, mettent ou facent mettre sanz delay à plaine delivrance. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Compiengne, l’an de grace mil ccc.iiiixx et cinq, et le quint de nostre regne, ou moys d’avril.

Par le roy, à la relacion de monseigneur le duc de Bourgongne. J. de Bosco.


1 A la notice consacrée à ce personnage (p. 141 n. ci-dessus), ajoutons la citation suivante du Jouvencel (Jean de Bueil) qui lui fait grand honneur : « Se vous voullés bien faire aux armes, vous ne poez faillir à parvenir à de trois choses l’une, de quoy les armes payent tousjours leurs souldoyers, c’est assavoir : ou de la mort, ou de vivre povre et honnouré et que chascun parlera de vous et des vostres, dont il sera renommée après vous, comme il a esté de messire Bertran de Clayquin, messire Gadiffer de la Salle et autres bons chevalliers, qui sont mort povres… » (Edit. C. Favre et L. Lecestre, pour la Societé de l’histoire de France, 1887, in-8°, t. Ier, p. 43.) — Il a été question aussi de son père, Ferrant de la Salle, nommé plus bas, dans des lettres de juin 1378 (ci-dessus, p. 76).

2 Guillaume de la Voirie était, en 1378, châtelain de Mortagne-sur-Sèvre pour Berthelon de la Haye, mineur sous la tutelle de son beau-père Louis Larchevêque, sr de Taillebourg, et fut, comme tel, compris dans un procès criminel intenté contre celui-ci par Jean de la Martinière, ancien capitaine du château de Mortagne. Ce que nous avons trouvé sur cette affaire a été exposé dans le précédent volume, p. 273 note. Il suffit de s’y reporter. Voy. aussi les courtes notices sur deux personnages de la même famille, Roland et Huguet de la Voirie (ci-dessus, p. 77 et 78).

3 Fils de Miles de Thouars, seigneur de Pouzauges (sur lequel voy. notre t. III, p. 171 n., 423 n., et notre t. IV, p. 124 n.), et de Jeanne, dame de Chabanais et de Confolens, il fut poursuivi avec son père par Jeanne d’Amboise, veuve de Gaucher de Thouars, qu’ils avaient dépossédé par violence du château de Tiffauges (actes des 21 avril et 10 juin 1374, X2a 8, fol. 350 v° ; X1a 23, fol. 422). « Il servit en Guyenne en 1371, sous le connétable du Guesclin, jouta contre le sire de Vertain en Hainaut, en présence du sr de Buckingham, l’an 1380, suivit le roi en Flandres en 1382 et assista à la prise de Bourbourg », dit le P. Anselme (Hist. généal., t. IV, p. 97), d’après Froissart. Nous ferons observer cependant que le chroniqueur, quand il parle du sire de Pouzauges, ne distingue pas toujours entre le père Miles de Thouars, qui vivait sûrement encore le 29 août 1377 (voy. notre t. III, p. 171 n.), le fils, Renaud de Thouars, vivant encore en 1381 et décédé avant le mois d’avril 1385, comme on le voit dans le présent acte, et le petit-fils Miles II. Ainsi il nomme le sire de Pouzauges comme faisant partie de l’ost du duc de Bourbon en juillet 1385 (édit. Kervyn de Lettenhove, t. X, p. 329) ; ce ne pouvait être, d’après notre texte, que le fils de Renaud. N’ayant pas les dates exactes du décès de Miles Ier et de son fils, il est parfois difficile d’attribuer à l’un plutôt qu’à l’autre les faits avancés par Froissart. Notons aussi qu’il dit constamment le sire de Poissauces, Poussauce, Puissauce, que les éditeurs impriment à tort Poissances, Poussance ou Puissance. Renaud de Thouars avait épousé Catherine, fille d’Éon, seigneur de Lohéac, et en eut Miles II, Jean, mort jeune, et Béatrix.

4 Sic. Le clerc chargé de la transcription a évidemment sauté plusieurs mots.

5 Louis Goderaut est nommé parmi les officiers du sire de Pouzauges qui firent violence à Jeanne d’Amboise, veuve de Gaucher de Thouars, pour la faire sortir du château de Tiffauges, dans les arrêts du Parlement des 21 avril et 10 juin 1374, rappelés dans la note précédente. De 1367 à 1373, un Louis Goderaut était châtelain de Bressuire. (B. Ledain, Hist. de la ville et baronnie de Bressuire, in 8° 1866, p. 390.)

6 Louis Ier, duc d’Anjou, roi de Sicile.