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DCLXXX

Rémission pour les excès qu’il a pu commettre depuis vingt ans pendant les guerres auxquelles il a pris part, accordée à Jean Rataut, fils bâtard de Jean Rataut, chevalier poitevin, au moment où il va quitter les compagnies.

  • B AN JJ. 126, n° 32, fol. 17 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 247-250
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, [p. 248] de la partie de Jehan Rataut, filz bastart de nostre bien amé Jehan Rataut, chevalier du pays de Poitou1, à nous avoir esté exposé que, comme il ait poursuy et frequenté les guerres de nostre royaume depuis vint ans en ça, et nous ait servi tant ès chevachées que fait avons en Flandres, comme paravant ès compaignies de noz très chiers et très amés oncles les dux de Berry, de Bourgoingne et de Bourbon, en pluseurs voyages et chevachées que ilz ont faites pour nostre très chier seigneur et pere, dont Dieux ait l’ame, et pour nous, et il soit ainsi que en frequentant noz dictes guerres, le dit exposant ait esté en pluseurs compaignies de gens d’armes et soubz divers capitaignes, si comme soubz le sire de Tors2, Jehan Labbé, Loys Tarabray et autres, tant ès frontieres de Guienne, ès chastelleries de Fontenay le Comte, de Saint Mexant, de Partenay, de Poitiers et en autres pluseurs lieux où il a vescu, davantage pris vivres sans payer, pour lui et pour ses chevaulx, [p. 249] et a esté en pluseurs des dictes compaignies où il a pillié bestail, rampsonné gens, chevaulx et bestes à vin, viandes et aucunes foiz à argent, tant en trieves comme hors trieves, sans ce toutes fois que oncques en sa vie il ait bouté ne aidé à bouter feux, fait murdres ne larrecins, ne efforcié femmes. Pour ce toutesfoiz que le dit exposant a voulenté de soy retraire d’icelles compaignies et de vie desordenée, pour doubte que par les temps avenir il ne puist par aucuns ses hayneux ou autres gens, ou aucuns officiers ou justiciers estre approchié, molesté ou attaint des choses dessus dictes, dont il pourroit estre en aventure de sa personne ou de ses biens, se sur ce n’en avoit obtenu de nous grace et remission, nous a humblement supplié que, consideré que oncque mais en sa vie ne fu repris ne actaint d’aucun meffait, mais a esté en touz ses autres fais de bonne vie, renommée, et tout ce que dit est a fait en poursuyant noz dictes guerres, ycelle grace lui vueillons eslargir. Nous adecertes, attendu ce que dit est, à ycellui suppliant ou cas dessus dit, avons remis, quictié et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, de nostre auctorité royal, plaine puissance et grace especial, par ces presentes, toute peine, offense criminele, corporele et civile, que pour les diz cas il pouroit avoir encouru envers nous, reservé le droit de partie à poursuivre contre lui civilement, s’aucuns l’en vueillent poursuivre, en le restituant au pays, à sa bone fame, renommée et à ses biens. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Xantonge et à touz noz justiciers, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent et seuffrent joir et user paisiblement le dit suppliant, sans le perturber ou molester, ne souffrir estre perturbé ou molesté dores en avant en aucune maniere, contre la teneur de ces presentes, pourveu que, se ledit suppliant renchiet dores en avant en aucun des cas dessus diz, nostre presente grace lui [p. 250] sera inutile et de nulle valeur. Sauf nostre droit en autres choses et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou mois de janvier l’an de grace mil ccc. iiiixx et quatre, et de nostre regne le quint.

Par le roy, à la relacion du conseil. S. du Castel.


1 On rencontre, dans les textes, de nombreux membres de cette famille à l’état isolé ; le présent volume en mentionne au moins six, dont il est difficile de retrouver la filiation ou le lien de parenté, les généalogies faisant défaut. La famille Rataut possédait, entre autres fiefs, au xive siècle, Dilay près Ardin, Arçais, Laudonnière autrement Curzay, et portait, suivant Du Chesne, « burelé d’argent et d’azur au bâton de gueulle engreslé, brochant sur le tout », (Hist. généal. de la maison des Chasteigners, p. 119.) Jean Rataut est nommé avec son frère Dreux, dans un arrêt du Parlement du 27 août 1393, parmi les nombreux héritiers de Jacques Chenin, sr de la Jarrie. Celui-ci, au moment de sa mort, était en procès avec le prieur de Mazerolles, dépendant de l’abbaye de Nouaillé, au sujet du partage des revenus d’un bac sur la Vienne, établi par eux à frais communs, et d’autres droits qui se levaient à leur profit à Lussac. Aussitôt le décès de la partie adverse, le prieur fit ajourner ses ayants droit, mais la cour annula cet ajournement et renvoya les parties aux requêtes du Palais, pour le 1er octobre suivant. Voici la liste des prétendus héritiers du sr de la Jarrie ; elle peut avoir son intérêt : Jean de Dercé, chevalier, « Bonum de Dolé » et Marie Rataut, son épouse, Jean et Dreux Rataut, frères, Eustachie Rataut, Louis, Héliot et Jean Chenin, frères, Hugues de Cologne, chevalier, en son nom et comme tuteur de son fils Jacquet, Geoffroy Gabet et Péronnelle Chenin, sa femme, Jean Janvre et Marguerite Chenin, sa femme, et Pierre de Payré, seigneur de Cyré. (Arch. nat., X1a 40, fol. 113.)

2 Renaud de Vivonne, seigneur de Tors. (Voir sa notice ci-dessous, n° DCXC, acte de juin 1385.)