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DCCVII

Rémission accordée à Macé Frotier pour le meurtre d’Étienne Garnier. Celui-ci lui avait volé du blé, qu’il avait caché en une cave dans les bois d’Usseau, afin de le soustraire au pillage des [p. 322] gens d’armes répandus dans le Châtelleraudais, au commencement du Carême 1385.

  • B AN JJ. 130, n° 58, fol. 33
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 321-324
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelz de Macé Froter, povre laboureur de braz, disans que en la premiere sepmaine du Caresme prochain venant aura deux ans ou environ, plusieurs genz d’armes estoient ou païs de Chasteleraudois en Poictou, dont les aucuns pilloient et roboient le païs, et ransonnoient les biens des bonnes genz du plat païs, pour doubte desquelles gens d’armes le dit Macé Froter et un autre appellé André Danya prindrent plusieurs de leurs biens, comme blez, draps de lit et autres utensiles d’ostel, et pour les sauver les porterent par nuyt en une cave qui est ou bois d’Usseau, sur la riviere de Vienne, et en les y portant, après ce qu’ilz y furent alez par plusieurs fois, ilz encontrerent d’aventure en alant à la dicte cave un appellé Estienne Garnier, lequel emportoit à son col son fais ou charge d’un blé qu’ilz avoient mis en la dicte cave, le dit blé appellé baillarge, que le dit Estienne avoit prins et emblé par nuyt en la dicte cave, auquel ilz distrent gracieusement : « Vous faites mal de nous embler noz biens et nostre blé, et de faire ce que vous faites. » Lequel Estienne leur dit et respondi par très grant arrogance teles paroles ou semblables : « Et qu’en est il ? qu’en volez vous dire ne faire ? » Et après tantost mist le dit blé à terre et, non content de ce, par grant effroy print un baton et un coutel qu’il tenoit en ses deux mains, et d’iceulx baton et coutel hema roidement et de moult felon courage contre les diz André et Macé, tant que, se il les en eust attains, ilz eussent esté affolez ou mors, maiz le dit Macé, pour defendre lui et le dit André, son compaignon, print et recuelli à l’une de ses mains le cop du dit baston, et à l’autre main [p. 323] print et recueilli le dit coutel tout nu et le detint, afin que le dit Estenne n’en frapast aucun d’eulz, maiz ce non obstant le dit Estienne saicha et arracha le dit coutel que le dit Macé tenoit tout nu à l’une de ses mains, comme dit est, dont le dit Macé fu moult durement copé et navré en la dicte main, et en mist à garir pluz de sept sepmaines après ; et de rechief le dit Macé et son dit compaignon qu’il detint le dit coutel à l’une de ses dictes mains, comme dit est, ycellui Estenne s’efforça de tout son povoir d’en vouloir fraper ou occire le dit Macé et son dit compaignon, et s’en mist en toute la peine qu’il puet. Et pour ce le dit Macé, veant la fureur du dit Estenne, tout couroucié et eschauffé de ce que le dit Estenne leur avoit emblé leur blé, et que avec ce il s’efforçoit de les vouloir fraper et occire du dit coutel, doubtant la mort et en deboutant force par force, osta le dit coutel au dit Estienne, et après tantost de chaude cole en ce moment lui en donna un seul cop parmi le col ou la gorge, dont mort s’en ensuy, en ce conflict, en la personne du dict Estienne. Et après ce, les diz Macé et André tous effrayez de la dicte mort, prindrent incontinant le corps du dit feu Estienne et le porterent en la dicte riviere de Vienne qui estoit assez près d’ilec, et après s’en alerent en leurs hostelz, touz courouciez et dolens du dit fait. Et depuis pour occasion du dit fait, le dit Macé fu prins et arrestez prisonnier par la justice du lieu en son hostel mesmes, en la parroise d’Entran ou village des Gardes, lequel hostel lui fu baillé par prison ; nonobstant lequel arrest le dit Macé, qui tout le temps de sa vie a esté simples homs, bon laboureur, de bonne fame et renommée, non suspect, convaincu ne attaint d’aucun autre vilain cas ou reproche, doubtans rigueur de justice, se parti du dit hostel et se absenta de la dicte parroisse, et s’en ala demourer autre part, et depuis n’y osa aler demourer, et encores n’ouseroit, doubtant ou temps avenir estre punis par justice, se par nous ne lui est sur ce extendue [p. 324] nostre grace et misericorde, si comme dient ses diz amis, en nous humblement suppliant que de lui nous veuillons avoir pitié et compassion, et lui impartir nostre dicte grace et misericorde. Nous adecertes, voulans rigueur de justice temperer par misericorde, eue consideracion aus choses dessus dictes, au dit Macé Froter, ou cas dessus dit, les faiz et cas dessus diz et chascun d’iceulx, de nostre auctorité royal et grace especial, avons quictié, remis et pardonné, et par ces presentes quictons, remettons et pardonnons, avec toute peine, offense et amende corporelle, criminelle et civile, qu’il a et puet pour ce avoir commis et encouru, en quelque maniere que ce soit, en le restituant à plain à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens qui ne seroient confisquez ; et sur ce imposons silence perpetuel à nostre procureur, satisfacion toutevoies faicte à partie avant toute euvre, civilement tant seulement, se faicte n’est. Si donnons en mandement, par la teneur de ces presentes, aus gouverneurs du bailliage de Touraine et de la Rochelle, et à touz noz autres justiciers et officiers, leurs lieuxtenans, presens et avenir, et chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que le dit Macé Frotier facent, sueffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement de nostre dicte grace, remission et pardon, sanz le molester ou empeschier, ne souffrir estre molesté ou empeschié au contraire, en aucune maniere, en corps ne en biens, maiz se son corps ou aucuns de ses biens estoient pour ce prins, saisiz, arrestez ou empeschiez, ores ne autresfoiz, ilz les lui mettent ou facent mettre tantost et sanz delay à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours maiz, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois de janvier l’an de grace mil trois cens quatre vins et six, et de nostre regne le septiesme.

Es requestes de l’ostel. P. Houdoyer. — Barreau.