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DCLXIV

Rémission pour Jean Talet qui avait pris part ou assisté à la rixe entre Moreau de Magné et Jean de Verruyes, dans laquelle ce dernier trouva la mort.

  • B AN JJ. 122, n° 324, fol. 159
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 210-212
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie Jehan Talet, povres homs, comme ja pieça et par longtemps il ait servy nostre amé Moreau de Margny1, chevalier, et pour le temps qu’il le servoit le dit chevalier et feu Jehan de Verruyes, jadiz chevalier, eurent certain debat et riote l’un contre l’autre, et se distrent pluseurs paroles haultaines et injurieuses, après lesquelles choses advint que, le jour de la saint Denys l’an lxxix.2 ou environ, le dit Moreau, son maistre, se parti de son hostel de Margny pour aler aux foires qui estoient le dit jour à Saint Legaire, à demie lieue près de son dit lieu, et avec le dit Moreau estoit le dit exposant, son serviteur, et pluseurs autres. Et quant ilz eurent passé la riviere de la Sevre, et se aproucherent du [p. 211] dit lieu de Saint Legaire, le dit feu Jehan de Verruyes et pluseurs autres ses complices qui venoient des dictes foires, les apperceurent, et tantost se mist le dit feu Jehan en i. pré, avec luy aucuns ses complices et aucuns autres vinrent tout droitement vers le dit Moreau, au long d’une chaucie par laquelle chevauchoit le dit Moreau et ses gens. Et quant le dit Moreau fu au droit d’un fossé qui entroit dedenz le pré, où estoit le dit feu Jehan qui l’attendoit illec, et lors ilz se distrent aucunes injurieuses paroles, et tant que le dit Moreau entra ou fossé, et là le dit feu avec ses complices le blecierent d’un glaive en la gorge ; et quant il se senty blecié, il s’efforça de passer et entra ou dit pré où estoit le dit feu, et là s’entrecombatirent, et tant que Guillaume Ymbaut, escuier du dit Moreau, fery le dit feu Jehan par la gorge d’une lance gaye, et aussi le dit Moreau le fery d’une espée, et mouru en la place. Et depuis Ysabel de Montandre, jadiz femme du dit feu chevalier, a fait appeller en Parlement3 le dit Moreau et Guillaume Ymbaut, et pluseurs autres qui estoient là avec le dit Moreau, et par arrest de Parlement, enqueste faicte sur les faiz des parties, ont tous ceulx qui estoient en procès esté absolz, excepté le dit Moreau et Guillaume Ymbaut, qui ont esté condempnez en amende civile. Et se le dit exposant se feust comparu et eust esté en procès, il eust aussi esté absoulz, car il n’y fery onques coup, mais pour doubte et rigueur de justice, il s’est absentez et a esté pris des Anglois, en la prison des quielx il a longuement demoré. Et toutevoies il a tant esté procedé contre luy par les officiers de nostre très chier et amé oncle le duc de Berry, conte de Poitou, en la juridicion du quel le delit fu perpetré, que il a esté et est banny, si comme l’en dit. En nous humblement suppliant que, consideré ce que dit est [p. 212] et qu’il ne fist pas le fait, et ne savoit riens que ainsi deust avenir, et qu’il est chargié de femme et est de bonne fame et renommée, nous luy vueillons sur ce faire grace et misericorde. Nous adecertes, attendu ce que dit est, le fait de la dicte mort et toute peine, offense et amende corporele, criminele et civile, que le dit suppliant a et puet avoir pour ce commis et encouru ou cas dessus dit, et sauf le droit de partie à poursuir civilement, luy avons quictié, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, de nostre auctorité royal et grace especial, par ces presentes, en le restituant au pays, sa bonne renommée et à ses biens, qui par ban ne seroient confisquez, et imposons silence perpetuel à nostre procureur. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers et officiers, et à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à luy appartendra, que le dit suppliant facent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace et octroy, et contre le teneur d’icelle ne le molestent, traveillent ou empeschent, ou sueffrent traveiller, molester ou empescher, en aucune maniere, en corps ou en biens, maiz rapellent et remettent, ou facent rapeller et mettre au premier estat et deu tout ce qu’ilz trouveront estre ou avoir esté fait au contraire, et ses diz biens, se pour ce estoient pris, saisiz, arrestez ou empeschiez, luy mettent et facent mettre sanz delay à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit chose ferme et estable à tousjours mais, nous avons fait mettre nostre seel ordenné en absence du grant à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris l’an de grace m.ccc.iiiixx et trois, et de nostre regne le tiers, ou mois de juing.

Es requestes de l’ostel. G. Mezon. — Auneel.


1 Sic. Il faudrait Maigny ou Maigné. On trouvera ci-dessus (n° DCXXVI, p. 95) les lettres de rémission accordées à Moreau de Magné et à ses complices, en novembre 1378. La scène y est rapportée avec plus de développement qu’ici ; cependant ce nouveau texte est plus précis sur certains points, particulièrement en ce qui concerne la topographie. Aussi il nous a paru utile de le donner in extenso. Il est question, dans les lettres de 1378, du rôle joué dans le drame par le valet du sr de Magné, Jean Talet, qui y est nommé Calet ou Colet.

2 La date des lettres de rémission en faveur de Moreau de Magné nous fournit celle de l’événement ; c’est à la Saint-Denis 1378, et non 1379, qu’il eut lieu.

3 Voy. ci-dessus la note de la p. 101, où l’arrêt rappelé ici et toutes les procédures sont analysés.