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DCXXXIX

Restitution à Jacques de Surgères d’une rente annuelle de cent dix livres, qu’il avait été contraint de vendre à Guillaume Felton, sénéchal de Poitou du temps de la domination anglaise, pour payer une amende, et que les héritiers de celui-ci avaient transportée à Pierre Mignot.

  • B AN JJ. 118, n° 123, fol. 66 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 145-149
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et advenir, [p. 146] que, oye la supplication de nostre amé et feal Jaques de Surgieres1, chevalier, requerant que, comme par avant que la duchié de Guienne retournast derrainement en l’obeissance de nostre très cher seigneur et pere, que Dieux absoille, icelui suppliant qui lors demouroit ou povoir du prince de Gales, se fust pluseurs fois armez et aliez avec noz subgez contre pluseurs gens de compaignie qui dommageoient nostre royaume, et par especial se fust armez en la compaignie de nostre très cher oncle le duc de Bourgongne [p. 147] devant la Charité sur Loire2, que aucuns Engloiz et Gascoings, gens de compaignie, avoient occupée et la detenoient. Et pour ce aussi qu’il disoit les dictes compaignies estre aliez du dit prince, icellui prince l’eust prins en haine et fait amender grandement, pour la quelle amende payer lui convint lors vendre à feu Guillaume de Felton, chevalier englois, lors seneschal de Poitou3 pour le dit prince, cent x. livres de rente sur toute sa terre pour le pris de mil frans. Après la quelle vente faicte, le dit Guillaume ala de vie à trespassement, et après son trespas ses heritiers eussent transporté la dicte rente en Pierre Mignot, qui avoit esté lieutenant du dit seneschal, pour le pris de vc frans, ou temps du quel transport la duchié de Guienne fu fourtraite [p. 148] et confisquée à nostre dit seigneur et pere par la rebellion du dit prince, qui lui avoit meue et faisoit guerre ; par quoy la dicte rente avec les autres possessions du dit prince et de ses aliez estans en nostre royaume, appartindrent à nostre dit seigneur et pere, et par ce ne la povoient les diz heritiers lors transporter au dit Mignot4. Et toutesvoies les diz heritiers du dit Felton angloiz et le dit Mignot, qui encores estoit lors lieutenant du seneschal de Poitou et tenoit le parti du dit prince, firent par leur puissance que il s’obliga envers le dit Mignot à lui paier la dite rente chascun an, à la quelle chose se fust le dit suppliant acordé, pour ce qu’il lui aidassent à faire sa paix envers le dit [p. 149]prince, qui de rechief l’avoit prins en haine, pour ce que il s’estoit armez en la compaignie du feu sire de Craon5 et des mareschaux de France devant Faye, où estoient pluseurs Angloiz, Gascoings et autres gens de compaignie6 ; nous lui veullions faire sur ce nostre grace. Nous, ces choses considerées et aussi pour consideracion des bons et loyaux services que le dit suppliant a fais à noz predecesseurs ès guerres, sur lesquielx avons eu la relacion de pluseurs dignes de foy, et que nous esperons que il nous fera ou temps avenir, lui avons donné de grace especial et de nostre auctorité royal, et donnons par la teneur de ces lettres la dicte rente ainsi confisquée, comme dit est, avec tous les arrerages qui en sont deuz de termes passez, et la transportons en lui, pour lui et pour ses hoirs et successeurs, pour en jouir paisiblement et perpetuelment, cessant tout empeschement. Et que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre à ces lettres nostre seel ordonné en l’absence du grant. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, le xxiiie jour de novembre, l’an de grace mil ccc. iiiixx, et le premier de nostre regne.

Par le roy, presens messeigneurs les dux d’Anjou, de Berry et de Bourgoigne. Yvo, etc.


1 Fils aîné de Guy de Surgères, seigneur de la Flocellière, et de Marguerite de Bourgneuf, sa seconde femme, fille de Jean seigneur de Retz, et veuve en premières noces de Guillaume Chabot, seigneur de la Tourmelière, Jacques de Surgères était encore mineur quand son père mourut, et ce fut sa mère et tutrice, Marguerite de Bourgneuf, qui fit en son nom l’aveu de sa terre de la Flocellière à Jean de France, comte de Poitou, au mois de mars 1344 n.s. (Arch. nat., P. 594, n° 136, fol. 73). En 1355, il servait en Poitou sous le maréchal de Clermont, suivant une quittance de gages du 13 février, et le 19 septembre 1356, il prit part à la bataille de Poitiers. Pendant l’occupation anglaise, Jacques de Surgères joua un rôle en vue, et malgré que le prince de Galles « l’eust prins en haine », il le servit fidèlement. Froissart rapporte ses exploits et MM. Beauchet-Filleau ont reproduit plus d’un passage du chroniqueur relatif à ce personnage, dans leur Dict. des fam. de l’anc. Poitou, t. II, p. 681. Nous nous contenterons de renvoyer à ces auteurs, en ajoutant que le sire de la Flocellière mit son nom au traité de Surgères, le 18 septembre 1372, et fit sa soumission au roi de France le 30 novembre suivant, avec les autres barons poitevins enfermés dans Thouars. (Voy. l’introduction du précédent vol., p. xl-xlii).

Dom Fonteneau nous a conservé deux actes intéressants, touchant un démêlé de Jacques de Surgères et de son capitaine du château de la Flocellière, Guillaume Catineau, avec Jean de Granges, dont ils avaient insulté les armoiries, lui contestant le droit de porter les armes de la maison de Surgères. (Commission du duc de Berry à son sénéchal, Hugues de Froideville, le 1er septembre 1378, et rapport fait à celui-ci, le 30 octobre suivant, t. VIII, p. 155 et 157. — Voy. aussi Beauchet-Filleau, op. cit., t. II, p. 684). Un autre procès qu’il soutint contre Guy d’Argenton de 1377 à 1380, fut jugé par le Parlement. Il s’agissait de la succession d’Hugues de Surgères, leur oncle, et particulièrement des seigneuries de Valans et du Breuil, sises dans les châtellenies de Benon et de Frontenay-l’Abattu, dont ils se disputaient la possession. Les renseignements généalogiques qui s’y trouvent confirment ceux de Louis Vialart, auteur de la Généalogie de la maison de Surgères, impr. en 1717. Aussi nous n’entrerons pas dans le détail de cette affaire. (Voy. sur ce sujet un mandement du 4 juillet 1377, X1a 26, fol. 74 ; un jugé du 23 décembre 1378, X1a 28, fol. 256 ; et des lettres du 6 août 1380, X1a 29, fol. 93 v°). Une autre contestation est mentionnée dans le registre du 28 juillet 1380 (X1a 29, vol. 88), entre le sire de la Flocellière, d’une part, Guy de Laval et Isabelle d’Avaugour, sa femme, de l’autre ; il est question d’un ajournement pour arriver à un accord. C’est à cette affaire vraisemblablement que se rapporte le traité conclu, le 4 février 1383 n.s., entre M. et Madame de Laval et Jacques de Surgères, fils de feu Guy de Surgères, au sujet de quelques acquêts que ceux-ci avaient faits dans la terre de Châteaumur, et dont ils confient l’examen à Guy de La Forêt, en présence de Jean d’Acigné, de Guillaume de Mathefelon et de Pierre du Puy-du-Fou. (Dom Fonteneau, t. VIII, p. 161).

Jacques avait épousé, avant le 3 février 1367, Marie, fille d’André de Laval, seigneur de Châtillon-en-Vendelais, et d’Eustache de Bauçay, dont il eut un fils et une fille, cette dernière mariée à son cousin, Joachim de Clermont, seigneur de Surgères. Il fit son testament le 29 septembre 1380, faisant un legs aux pauvres de la Flocellière pour le repos des âmes de ses père et mère. Sa mort dut arriver entre le mois de février 1383 et le 23 avril 1385, date d’un aveu de la seigneurie de la Flocellière, rendu par son fils nommé aussi Jacques de Surgères, à Jean duc de Berry, comte de Poitou. (Copie du Grand-Gauthier, Arch. nat., R1* 2171, p. 393).

2 Les deux chefs de compagnie, Bernard et Hortingo de la Salle, s’étaient emparés par surprise de la Charité-sur-Loire (arr. de Cosne, Nièvre), au mois d’octobre 1363, et cette ville resta en leur pouvoir pendant seize ou dix-sept mois. Ce fut lors de cette occupation, au mois de septembre 1364, que Robert de Fiennes, connétable de France, et les deux maréchaux Boucicaut et Arnoul d’Audrehem, vinrent mettre le siège devant cette ville, où ils furent rejoints par Philippe, duc de Bourgogne. La Charité se rendit à ce prince au mois de novembre suivant. (S. Luce, édit. de Froissart, t. VI, p. lxi, lxiv-lxvii).

3 Guillaume de Felton, chevalier, frère de Thomas, mentionné plusieurs fois dans le précédent volume, est nommé pour la première fois dans un acte de 1345. (Rymer, Fœdera, etc., t. III, p. 53). Il avait été créé sénéchal de Poitou pour le roi d’Angleterre par Jean Chandos, lieutenant d’Édouard III, lorsque celui-ci prit possession au nom de son maître de la ville de Poitiers, le 23 septembre 1361. (A. Bardonnet, Procès-verbal de la délivrance faite à Jean Chandos, p. 148), et occupa cette charge sans interruption jusqu’à sa mort (mars 1367). Il fut tué en combattant vaillamment dans une escarmouche à Vitoria, pendant l’expédition du prince de Galles en Espagne. (Froissart, édit. S. Luce, t. VII, p. ix, 21-25). Si les renseignements n’abondent pas sur sa personne, on conserve un grand nombre d’actes émanant de lui comme sénéchal de Poitou, entre autres des lettres de protection et sauvegarde accordées au chapitre de l’église cathédrale de Poitiers. (Arch. de la Vienne, G. 510). Nous en citerons un certain nombre par un simple renvoi aux ouvrages ou collections : E. Rymer, Fœdera, etc., nouv. édit., 1830, t. III, part. i, p. 53 ; part. ii, p. 639, 654, 675, 679, 685, 699, 735, 827 ; — Rédet, Cartul. de l’évêché de Poitiers ou Grand Gauthier, p. 185 ; — A. Richard, Chartes de l’abbaye de Saint-Maixent, t. II, p. 1169 ; — Coll. dom Fonteneau, t. III, p. 581 ; t. XI, p. 535 et 545 ; t. XVI, p. 277 ; t. XX, p. 169 et 197, etc., etc. — Voy. aussi : A. Richard, Inventaire des archives du château de la Barre, t. II, p. 435. — Guillaume de Felton eut pour successeur immédiat Baudouin de Fréville, qui porte déjà le titre de sénéchal de Poitou dans une obligation souscrite à Burgos par dom Pèdre, le 2 mai 1367. (Rymer, t. III, p. 825.)

4 Pierre Mignot était seigneur de Longèves dans la châtellenie de Fontenay-le-Comte. Nous avons trouvé son nom pour la première fois dans un ajournement au Parlement, en date du 29 novembre 1357. Il était accusé avec Jean Brisseteau, Jean Girard, Aimery Barbotin et autres officiers et familiers de Jean Larchevêque, sire de Parthenay, d’excès commis au préjudice du prieuré de Marsais, dépendant de l’abbaye de Saint-Maixent (X2a 6, fol. 386). Le sire de Parthenay fut jugé responsable des agissements de ses officiers, et ajourné à son tour pour la même affaire, le 15 avril 1361 (X2a 7, fol. 3 v°). Lieutenant du sénéchal anglais de Poitou, comme on le voit ici, Mignot, après la reprise de ce pays, se fit apprécier de du Guesclin, qui l’institua sénéchal de Fontenay-le-Comte. (Acte du 14 juillet 1377, cité dans notre précédent volume, p. 401, note), et devint l’année suivante sénéchal de Parthenay. Nous avons mentionné aussi un accord qu’il conclut, le 2 avril 1375 n.s., avec Jean Sanglier, écuyer, et sa femme (t. IV, p. 126 note). C’est dans cette pièce que Pierre Mignot est qualifié de seigneur de Longèves. Sa fille unique Isabelle, issue de son mariage avec Jeanne de Terves, avait épousé Moreau de Magné, chevalier, dont il a été question ci-dessus (p. 95 de ce volume), et qui n’eut lui-même, qu’une fille, mariée à Simon Chasteigner, seigneur de la Meilleraye, de sorte que cette branche de la maison de Chasteigner, entra en possession de la terre de Longèves et de tous les biens de Pierre Mignot et de son gendre. (Voy. A. Du Chesne, Hist. généal. de la maison des Chasteigners, in-fol., p. 510).

5 Amaury IV, sire de Craon, vicomte de Thouars par son mariage avec la fille aînée du vicomte Louis. Voy. la notice sur ce personnage dans le t. IV, p. 245.

6 C’est en 1368 que les Grandes compagnies s’emparèrent de Faye-la-Vineuse. Cet événement est mentionné déjà dans trois actes imprimés dans les deux précédents volumes (t. III, p. 419, 420 ; t. IV, p. 4 et 81). Voy. aussi Delaville-Le Roulx, Comptes municipaux de la ville de Tours, t. II, 1881, p. 28-29.