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DCCXXII

Rémission pour Jean Bitonneau, coupable d’avoir frappé Tiphaine Seigneur, femme de Clément de Forges, et d’avoir ainsi causé son avortement.

  • B AN JJ. 133, n° 18, fol. 7 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 364-366
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelz de Jehan Bitonneau, chargié de femme et deux jeunes enfanz, que, environ la saint Barnabé derrenierement passée, Thiphaine Seignore, femme de Clement de Forges, meue de sa voulenté, tensa et assailli de paroles le dit Bitonneau, et en icelles paroles desmentirent l’un l’autre, et de ce non contente, maiz en procedant à fait, la dicte Thiphaine print une assez grosse pierre et la gecta par très grant ire et felonnie à la teste du dit Bitonneau, et lui en fist une playe jusques à effusion de sang, et qui pis est icele Thiphaine, perseverant en sa fureur, le print à ses draps et au corps et s’efforça de le vilener et dommaigier, et telement que, pour resister à sa male voulenté, le dit Bitonneau veant que elle l’avoit blecié et injurié, se print à la dicte Thiphaine et la feri et frappa des piez et des poings pluseurs cops, cuidant et non saichant la dicte Thiphaine estre grosse d’enfant ; or est advenu que, le prouchain jour après la dicte bateure, ycelle Thiphaine qui n’estoit enceinte que de deux mois ou environ, si comme aucunes matrones en ce congnoissans l’ont tesmoingné, avorta de son fruit. Pour le quel fait et pour doubte de rigueur de justice, le dit Bitonnea s’est absentez du pays, et est en voye que jamaiz n’i ose retourner, se nostre grace et misericorde ne lui est sur ce impartie et eslargie, en nous humblement suppliant que, comme le dit Jehan Bitonnea en touz autres caz ait esté et soit de bonne vie, fame et renommée, [p. 365] et honneste conversacion, que la dicte femme est saine et en bon point et bien guerie, et que le dit Bitonneau fist la dicte bateure par chaude cole et en soy defendant et resistant contre la dicte Thiphaine, qui estoit jeune et forte, et moult esmeue contre lui, et laquelle il ne savoit ne pensoit estre grosse d’enfant, nous sur ce lui vueillons extendre et impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, inclinans à la dicte supplicacion, considerans les choses dessus dictes, au dit Jehan Bitonneau, ou cas dessus dit, avons remis, quictié et pardonné, remettons, quictons et pardonnons par ces presentes, de grace especial et de nostre auctorité royal, le fait et caz dessus diz, avecques toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile, que le dit Bitonneau a et puet pour ce avoir commis et encouru envers nous, et le restituons à sa bonne fame et renommée, au pays et à ses biens non confisquez, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur et à touz noz autres officiers, satisfacion faicte à partie civilement, premierement et avant toute euvre, se faicte n’est. Si donnons en mandement au seneschal de Xantonge, gouverneur de la Rochelle, au bailli de nostre grant fief d’Aunys, et à touz noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement et à plain le dit Bitonnea, sanz pour ce le molester ou souffrir estre molesté ou empeschié en corps ne en biens, en aucune maniere, ores ne pour le temps avenir ; maiz se son corps ou ses diz biens non confisquez, comme dit est, sont ou estoient prinz, saisiz, arrestez ou empeschiez, pour la cause dessus dicte, les lui mettent ou facent mettre à pleine delivrance, sanz delay. Et que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, ou mois de juillet [p. 366] l’an de grace mil ccc. iiiixx et huit, et de nostre regne le huitiesme.

Es requestes de l’ostel. G. Guingant. — T. d’Estouteville.