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DCLXXVIII

Rémission accordée à Mériot Couturier, de la Chenaye, paroisse de Sainte-Néomaye, pour le meurtre de Pierre Brunet, dans une rixe survenue à l’issue d’un enterrement entre les héritiers de la défunte.

  • B AN JJ. 125, n° 252, fol. 141
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 244-246
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie de Meriot Cousturier, povres homs demourant en la ville de la Chaignée en la chastellerie de Saint Maixant, en la parroisse de Sainte Neomaye, que, comme pluseurs gens se feussent assemblez en la dicte ville de la Chaignée pour faire et acomplir l’obseque d’une femme qui estoit alée de vie à trespassement, et aussi pour diviser ses biens entre les amis d’icelle, et il soit ainsi que, après qu’ilz orent beu et mengié oultre mesure, paroles injurieuses se meurent entre eulx et firent grant cry, auquel cry le dit exposant vint pour les cuidier appaisier et sans aucune hayne ou rancune qu’il eust à aucun ; et quant il arriva sur eulx, il dist à Pierre Brunet, filz de Jehan Brunet, que ce n’estoit pas bien fait qu’il ne departoient leurs biens plus courtoisement, et le dit Pierre Brunet lui respondi : « Que en as tu à faire ? — Si ay, dist le dit exposant, quar vous nous avez fait grant paour, que nous cuidions que il feussent les Anglois », pour ce que lors ils estoient sur le païs ou près d’illec1. Et lors Pierre Espaissay, oncle du dit Brunet, crya sur le dit exposant, et tantost le dit Pierre Brunet qui estoit mal meu et eschauffé de ce qu’il s’estoit combatu à Pierre de Mons, tenant une grant fourche, courut sus au dit exposant et [p. 245] le fery plusieurs cops sur la teste, dont grant effusion de sanc sailli. Et lors le dit exposant, veant son sanc et doubtans les cops, de chaude cole, pour eschever à la mort, en repellant force par force, fery le dit Brunet de son couteau tranchepain un cop, dont deux ou trois jours après mort s’en ensui en la personne d’icellui Brunet. Et s’est le dit exposant absentez du païs, auquel il n’oseroit jamais retourner, sans nostre grace et misericorde, si comme il dit. Suppliant humblement que, eue consideracion aux choses dessus dictes et que en touz ses autres faiz il a esté de bonne vie et honneste conversacion, sans avoir esté repris d’aucun autre villain cas ou reprouche, il nous plaise à lui impartir nostre grace sur ce. Nous, attendu ce que dit est, voulans en ceste partie grace estre preferée à rigueur de justice envers le dit suppliant, à icellui ou cas dessus dit avons, de nostre grace especial et auctorité royal, quictié, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons par ces presentes le dit fait avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile en quoy il puet pour ce estre encouru vers nous, et le restituons à sa bonne fame, renommée, au païs et à ses biens non confisquez, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur, satisfacion faicte à partie premierement et avant toute euvre, civilement tant seulement. Si donnons en mandement au seneschal de Poitou et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement le dit suppliant, sans le molester, contraindre ou empeschier, ne souffrir estre molesté, contraint ne empesché en aucune maniere au contraire ; mais son corps et ses biens non confisquez, pour ce pris, saisiz, arrestez ou empeschiez, lui mettent ou facent mettre tantost et sans delay à plaine delivrance. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en [p. 246] autres choses nostre droit et en toutes l’autrui. Donné à Paris, ou moys de novembre l’an de grace mil ccc. iiiixx et quatre, et de nostre regne le quint.

Es requestes de l’ostel. J. de Savigny. — Barreau.


1 La date du meurtre de Pierre Brunet n’étant pas précisée, on ne saurait rechercher à quel événement il est fait allusion ici. Selon toute vraisemblance, ces faits se passèrent dans le cours de l’année 1384 ; il est de toute façon curieux de noter cette chevauchée d’Anglais aux environs de Saint-Maixent.