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DCXVIII

Lettres de rémission en faveur de Girard de Contes, écuyer de la garnison de Chizé, qui avait tué dans une rixe, au château dudit lieu, Jean Coupedoy, dit Têtart.

  • B AN JJ. 112, n° 77, fol. 50
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 63-66
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelx de Girart de Contes1, escuier, que comme, ou mois d’octobre [p. 64] l’an de grace m. ccc. lxxv, ou quel temps le dit Girart estoit de la garnison du chastel de Chizet2, ycellui Girart s’en voulsist par un jour du dit mois aler chevauchier hors du dit chastel et fust prest de monter à cheval, quant un bon homme de la ville de Chizet, appellé Jehan Le Maire, tondeur, qui demouroit ou dit chastel, où il faisoit aussi bon guet, garde et arriereguet selon sa faculté, comme homme qui fust logé ou dit chastel, s’en vint au dit Girart qui resgardoit unes lettres, pour soy plaindre à lui, pour ce qu’il estoit et est cousin germain du capitainne du dit chastel, qui pour lors estoit dehors, de ce que un nommé Jehan Coupedoy, dit Testart, lui vouloit oster son logis que il avoit ou dit chastel, et l’en vouloit deslogier. Et ainsi comme le dit Jehan Le Maire se complaingnoit au dit Girart de ce que dit est, le dit Coupedoy survint, au quel le dit Girart dist bien amiablement : « Je vous prie que cest bon homme que vous voulez desloger de son logiz, vous ne deslogez point, mais le lui vueilliez laissier jusques à la venue du capitainne ; car il est bien necessaire ceans et l’un de ceulx qui y ont logiz qui fait le meilleur guet, garde et arriere guet. » Et le dit Testart lui respondi que il vuideroit, comment qu’il fust. Et quant il ot fait telle response au dit Girart, ycellui Girart, veant que le dit tondeur, qui pour la garde et seurté du dit chastel estoit moult necessaire, ycellui Coupedoy vouloit ainsi, sanz cause et de sa voulenté indeue, desloger de son dit logiz, dist au dit Coupedoy qu’il le garderoit bien de desloger le dit tondeur, et que il ne lui deist chose qui lui despleust, ou autrement il le courrouceroit. Et le dit Coupedoy lui dist que autres foiz avoient eulx eu riote [p. 65] ensemble et que il estoit de grans paroles et de petit fait. A quoy le dit Girart lui respondi que il estoit d’assez grant fait pour lui, et tant multiplierent en paroles que le dit Coupedoy dist au dit Girart qu’il l’en vendroit à fin à un cop, et commença à hausser une hache qu’il tenoit pour lui en cuidier donner, quant le dit Girart l’apperçut, que pour son corps garder et sa vie saulver, sacha un coustel qu’il avoit, dont il le fery un cop tant seulement, du quel cop il chey à terre et s’en ensui mort en sa personne tantost après. Pour cause et occasion du quel fait le dit Girart, ja soit ce qu’il ait fait paix et satisfacion à partie et que il ait esté de bonne vie et renommée, sanz avoir esté repris ne diffamé d’aucun autre villain cas, se doubte que ou temps avenir il n’en soit poursui et puny en corps ou en biens, se par nous ne lui est sur ce pourveu de piteable remede, si comme ilz dient. Si nous ont humblement supplié ses diz amis que, comme le dit Girart nous ait ou temps passé servi bien et loyaument en noz guerres, et encores fait de jour en jour, nous lui vueillions sur ce impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, avons de grace especial, certainne science, plainne puissance et auctorité royal, ou dit cas, quictié, remis et pardonné, et par ces presentes quictons, remettons et pardonnons à ycellui Girart le dit fait, avec toute peinne et amende corporelle, criminelle et civile, en quoy il puet estre et avoir encouru pour cause de ce, et l’avons restitué et restituons à sa bonne fame, renommée, au païs et à ses biens. Et d’abondant grace, avons octroié et octroions à nostre très chier et amé frere le duc de Berry, en la jurisdicion du quel le dit fait fu perpetré, que au dit Girart, se mestier est, il puisse faire telle grace que bon li semblera, sanz ce que presentement ne ou temps avenir ce puisse tourner à prejudice à lui ne à sa jurisdicion. Et sur ce imposons silence perpetuele à nostre procureur, satisfacion faicte à partie premierement et avant toute [p. 66] euvre, civilement tant seulement, se faicte n’est, comme dit est. Si donnons en mandement par la teneur de ces presentes au bailli des ressors et exempcions de Poitou, d’Anjou, de Tourainne et du Mainne, et à touz noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que le dit Girart de Contes facent, seuffrent et lessent joir et user paisiblement de nostre presente grace et remission, et contre la teneur de ces presentes ne le molestent, traveillent ou empeschent, facent, seuffrent ou lessent estre molesté, traveillié ou empeschié en corps ou en biens, mais se son corps estoit pour ce pris ou emprisonné et ses biens pris, saisiz, arrestez ou levez, que il les mettent ou facent mettre à plainne delivrance, sanz delay. Et pour ce que ferme chose soit et estable à tousjours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf nostre droit en autres choses et l’autrui en toutes. Donné à Paris, en nostre chastel du Louvre, ou mois de decembre l’an de grace m. ccc. lxxvii, et le xiiiie de nostre regne.

Par le roi. P. de Corbie.


1 Nous n’avons rien trouvé sur ce personnage ni sur sa famille, la même sans doute que celle du page de Jeanne d’Arc, Louis de Contes.

2 Dans un arrêt du 17 mars 1375, rendu au Parlement entre le duc d’Orléans et Jeanne de Surgères, veuve d’Évrard de Clermont, tutrice de son fils Joachim, il est question du don du château de Chizé qui avait été fait par le dit duc à Évrard (X1a 24, fol. 238 v°).