1 La terre confisquée sur Maubruni de Liniers et donnée à son frère dès l’année 1372 serait, si l’on en croit André Du Chesne, la terre d’Airvault. Mais cette affirmation a besoin d’être contrôlée. Le savant généalogiste a certainement confondu deux personnages du nom de Maubruni de Liniers : le premier mort en 1387, c’est le nôtre ; le second, qui vivait encore le 22 juin 1446 et était incontestablement seigneur d’Airvault. Ces deux personnages n’étaient point le père et le fils, comme le disent MM. Beauchet-Filleau, mais plutôt l’oncle et le neveu, et le fief principal du premier paraît avoir été la Meilleraye, comme nous le verrons dans un instant. L’erreur de Du Chesne a eu pour résultat de brouiller complètement la filiation de la famille de Liniers au xive siècle et au commencement du xve. Les généalogistes modernes, en voulant expliquer ou rendre vraisemblables les données fournies par l’auteur de l’Histoire de la maison des Chasteigners, n’ont réussi qu’à multiplier les contradictions et à augmenter la confusion. (A. Du Chesne, Hist. généal. de la maison des Chasteigners, in-fol., p. 84-85 ; Beauchet-Filleau, Dict. des anc. familles du Poitou, t. II, p. 303 et s. ; J. Richard, Généalogie de la famille de Liniers. Mémoires de la Société de statistique des Deux-Sèvres, 2e série, t. VI, 1866, p. 53 et s.)
Les principaux traits de la biographie de Maubruni de Liniers sont connus, grâce à Froissart. On sait particulièrement quels services militaires il rendit au prince de Galles et à son successeur en Guyenne. Le chroniqueur le qualifie de « moult vaillant et appert chevallier ». En 1369, il fit partie de l’expédition de James d’Audeley contre le baron de Chauvigny, qui venait de faire sa soumission à Charles V. Il accompagna, la même année, le comte de Pembroke dans sa chevauchée en Mirebalais et en Saumurois, et était encore du nombre des seigneurs poitevins qui accompagnèrent Jean Chandos, lorsqu’il voulut surprendre la ville de Saint-Savin, projet qui amena la rencontre du pont de Lussac et la mort du fameux guerrier anglais. Les années suivantes, on retrouve Maubruni au siège de Monpont (1371), à celui de Moncontour (août 1371), à la Rochelle, prêt à se joindre au comte de Pembroke, qui tente de débarquer une armée de secours (juin 1372). Quand les Poitevins enfermés dans Thouars résolurent de faire leur soumission, notre chevalier se sépara d’eux et se retira à Niort pour rester fidèle à la cause anglaise jusqu’à son dernier jour. (Voy. Froissart, édit. Luce, t. VII, p. 138-139, 189-190, 196 ; t. VIII, p. 15-17, 18-20, 39-40, 97). En effet, il mourut au service de l’Angleterre. L’an 1386, le duc de Lancastre, à la sollicitation et avec l’aide du roi de Portugal, débarqua en Galice, s’y fit proclamer roi de Castille et s’empara de quelques places. Maubruni de Liniers se distingua encore dans cette expédition, qui ne se termina pas d’une façon aussi brillante que le début semblait le promettre. Les maladies se mirent dans l’armée anglaise et enlevèrent les principaux chefs. Maubruni fut du nombre. Il succomba à Noya, petite ville de Galice, pendant l’été de 1387. (Voy. idem, édit. Kervyn de Lettenhove, t. XI, p. 327, 377, 382, 383 ; t. XII, p. 99, 211, 212, 316, 324.) Lopez de Ayala, dans ses Cronicas de los reyes de Castillas, don Pedro, don Enrique, etc., rapporte à la même époque la mort de Liniers ; toutefois il ne dit pas qu’il mourut de la peste, mais les armes à la main.
La mémoire des faits et gestes de Jean de Liniers ne nous a pas été conservée comme celle de son frère, et nous n’avons pu recueillir sur lui que quelques renseignements de famille. Sa femme se nommait Jeanne du Fouilloux. Dans un acte du 13 décembre 1387, elle est dite veuve et son défunt mari est qualifié seigneur de la Meilleraye. C’est précisément un aveu de la terre de la Meilleraye qu’elle rendait au sire de Parthenay, comme tutrice de ses enfants mineurs. (Beauchet-Filleau, t. II, p. 122). On peut en induire que Jean était mort depuis peu et que la seigneurie de la Meilleraye, dont il portait le titre, était celle qui lui venait de son frère par don de Charles V, confirmé par Charles VI. Jeanne du Fouilloux eut à soutenir, après la mort de son mari, contre Jean d’Argenton, seigneur d’Hérisson, un procès au sujet du droit de patronage de la collégiale de Ménigoute. Elle agissait au nom de Jean de Liniers, son fils mineur (il n’est point question d’autres enfants). Celui-ci mourut au cours du procès, avant le 22 mai 1393, sans laisser d’héritier de sa chair. Ses droits prétendus sur ledit patronage, ainsi que tous ses biens, passèrent à Amaury de Liniers. Celui-ci continua d’abord les poursuites, puis finit par les abandonner, reconnaissant le bien fondé des prétentions de son adversaire. Il en résulta une transaction datée du 22 mai 1393, enregistrée au Parlement qui lui donne force d’arrêt, le 21 mai 1395. A cette pièce est annexée une procuration donnée le 11 mai précédent par Amaury de Liniers, qui s’intitule seigneur de la Meilleraye, à Jean Rabateau, Jean de Bethisy et cinq autres procureurs au Parlement de Paris, pour soutenir ses causes à ladite cour en général, « et particulièrement faire accord entre lui et Jean d’Argenton, sieur de Hérisson, et le trésorier et chapitre de Saint-Jean de Ménigoute, à cause du droit de présentation et patronage, collation et institution de tous les benefices de ladite église ». Cet accord, document précieux, expose les titres des parties en remontant à la création de la collégiale de Ménigoute et à son fondateur, le chancelier Jean de Cherchemont, premier et naturel patron de cette église. Pierre de Cherchemont, chevalier, neveu et principal héritier du chancelier, lui succéda dans ce droit de patronage qui passa ensuite à sa fille, Mathurine de Cherchemont. Celle-ci était la mère des deux compétiteurs. Elle s’était mariée deux fois : la première, avant 1340, à Guy (appelé aussi Guillaume) de Liniers ; la seconde à Aimery d’Argenton, sieur d’Hérisson. Du premier lit était né entre autres Jean, le mari de Jeanne du Fouilloux, et du second Jean d’Argenton. Jean de Liniers, étant l’aîné des enfants survivants de Mathurine, aurait dû avoir le droit de patronage litigieux. Mais celle-ci en avait fait don et cession par titre authentique, avec d’autres biens, à Jean d’Argenton, en récompense de services particuliers qu’il avait rendus à sa mère. C’est pourquoi il eut gain de cause. (Arch. nat., X1c 70, sous la date du 21 mai 1395).
Les renseignements généalogiques précis fournis par ce document en contiennent implicitement d’autres. Maubruni ne laissa pas d’enfants, ou, s’il en eut, ils restèrent expatriés comme leur père, sans quoi ils eussent hérité de leur cousin, Jean, mort mineur, fils de Jean de Liniers et de Jeanne du Fouilloux. L’héritier nommé dans l’accord du 22 mai 1393, qui s’intitule seigneur de la Meilleraye, Amaury de Liniers, était, suivant toute vraisemblance, l’oncle de Jean le jeune, par conséquent le frère de Maubruni et de Jean l’aîné. De cette façon, la Meilleraye passa successivement aux trois frères, et demeura au dernier survivant. On ne manque pas de renseignements sur cet Amaury. C’est lui qui épousa Marie de Chausseraye, dame d’Airvault, fut père d’un second Maubruni de Liniers, (et non du premier, comme le veulent les généalogies imprimées), et mourut un peu avant le 11 février 1399 n.s. Maubruni II, dans plusieurs actes de la première moitié du xve siècle, est qualifié seigneur de la Meilleraye, terre qui lui venait de son père par le moyen de ses deux oncles, et d’Airvault, qu’il tenait de sa mère, et ces titres prouvent de plus que c’est lui, et non pas Maubruni Ier, qui fut marié avec Sibille Taveau. (Arch. de la Vienne, G. 736, 737, 756, 1165, etc.)