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DCXXXIII

Rémission accordée à Guillaume Eraut, qui avait tué en loyal combat Martin Gragaut, le séducteur de sa femme.

  • B AN JJ. 116, n° 62, fol. 35 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 128-130
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Eraut, contenant que comme, environ la Penthecouste darrainement passé, il eust trouvé Martin Gragaut nu à nu couchié avec sa femme et se feust prins à eulx, mais par les gens qui y survindrent fu si empeschié, qu’il n’en pot prendre vengence, et en ce moment le dit Martin emmena la dicte femme, mais assez tost après elle retourna avec le dit suppliant. Après les queles choses, le dit Martin accumulant mal sur mal, vint de nuit assaillir le dit suppliant en son hostel, et en après ravy et emmena derechief la dicte femme et emporta pluseurs biens du dit suppliant. Et encore qui pis est, et de ce non contens, pour ce que la [p. 129] dicte femme lui fu ostée et menée avec sa mere, pour la garder, et que le dit suppliant l’avoit fait adjourner en cas d’asseurement, et impetré contre lui lettres de sauvegarde, le dit Martin fist pluseurs aguez sur le dit suppliant pour le tuer et mettre à mort, et finablement tant l’espia et aguetta que, un jour entre les autres, environ la Toussains darrainement passée, ainsi que le dit suppliant cuidoit aler en sa marchandise, ycellui Martin, garni et premuni d’espée et d’un grant baston à son col, comme provocant et aggresseur, envay le dit suppliant et tant se combatirent que finablement le dit suppliant, à l’aide de son bon droit et sa juste et loyal defense, desconfy le dit Martin et le navra, dont mort s’est ensuye. Et pour ce le dit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absentez du païs ; requerant que, eue consideracion aux choses dessus dictes et à la grant mauvaistié du dit Martin, qui estoit homme marié et compaignon du dit suppliant, au jour et heure que premierement lui fortrait sa dicte femme, et se confioit lors de lui le dit suppliant, comme s’il fust son frere ou son cousin, nous lui vueillons sur ce nostre grace impartir. Pour ce est il que nous, de grace especial, ou cas dessus dit, et satisfacion faicte à partie civilement, quittons, remettons et pardonnons le fait dessus dit, appeaulx et ban sur ce faiz, s’aucuns en y a, avec toute peine et amende corporele, criminele et civile, que pour ce il puet avoir encouru envers nous. Et le restituons à sa bonne fame et renommée, se pour ce estoit aucunement diminuée, au païs et à ses biens non confisquez. Si donnons en mandement au bailli des Exempcions de Touraine, de Poitou, d’Anjou et du Maine, et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, à leurs lieuxtenans et à chascun d’eulz, si comme à lui appartient, que de nostre presente grace et remission le facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement, senz le perturber, molester ou empeschier, ne souffrir estre perturbé, molesté ou empeschié [p. 130] aucunement contre la teneur d’icelle. Et en ampliant nostre dicte grace, nous plaist et voulons que nostre très chier frere le duc de Berry et le sire de Chauvigny1, soubz qui jurisdicion le dit fait est avenu, lui facent sur ce tele grace qu’il leur plaira, senz prejudice à eulx ne à leurs jurisdicions, ores ou pour le temps avenir. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à touzjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, l’an de grace mil ccc. soixante et dix neuf, et de nostre regne le xvie, ou moys de fevrier.

Es requestes de l’ostel. P. Briet. — A. Boistel.


1 Guy de Chauvigny, vicomte de Brosse, avait épousé, le 30 janvier 1374, Jeanne de Beaufort, fille de Guillaume vicomte de Turenne. (Voy. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, t. I, p. 635.)