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DCCXXXVII

Rémission accordée à Guillaume Reugart, charpentier, d’Ursay, coupable d’homicide sur la personne de Jean Morin, qu’il avait trouvé avec sa femme et contre lequel il avait été obligé de se défendre.

  • B AN JJ. 136, n° 279, fol. 172 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 404-407
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, [p. 405] nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelz de Guillaume Reugart, povre charpentier demourant à Hursay en Poitou, que comme, environ le jour de feste saint Lyenart qui fu ou mois de novembre derrenier passé, icellui Guillaume feust revenuz de la Lande, où il avoit ouvré de son mestier, en son hostel au dit Hursay, environ deux lieues de nuyt, et quant il fu à son dit hostel, pour ce qu’il y apperceut clarté, hucha sa femme, la quelle, quant elle l’oy huchyer, estaigny la chandelle et ne lui voult ouvrir l’uys, combien qu’il la huchast par pluseurs fois et que Barthelemi Lucas, voisin du dit Guillaume, qui estoit ou dit hostel luy deist : « Ouvre, c’est ton mary », et pour ce se feust le dit Guillaume efforcié de rompre l’uys ; la quelle chose oyant le dit Barthelemi Lucas estant ou dit hostel, comme dit est, ouvry au dit Guillaume le dit huys de son hostel, du quel, quant le dit Guillaume y fu entré, sa dicte femme s’en issy, et lors un nommé Jehan Morin, autrement Veillon, qui estoit ou dit hostel avec la dicte femme, qui depuis qu’elle fu mariée au dit Guillaume est alée aval le païs jouer et est dissolue et mal renommée, coury sus au dit Guillaume et lui passa un petit glaive, qu’il avoit emprès le costé, le voulant ferir d’icellui, et pour ce qu’il failli, recouvra de rechef, et frappa et navra le dit Guillaume en son bras senestre ; et lors le dit Guillaume saisi le dit glaive et le dit Jehan derechief print le dit Guillaume par son chapperon et le lui estourdi1 entour son col, et adonc le dit Guillaume, veant que le dit Jehan ne le vouloit laissier, maiz s’efforçoit de le tuer, crya : « A l’ayde, l’en me veult murdrir ». Et ce non obstant, icellui Jehan ne le voult laissier, ains perseveroit tousjours en sa mauvaise voulenté, et pour ce le dit exposant, pour doubte de mort et pour eschaper des mains du dit Jehan Morin, le frappa en ceste chaleur d’un coustel qu’il [p. 406] portoit, deux cops, l’un en la poictrine et l’autre par le nombril ; et lors le dit Jehan soy sentant feru, laissa le dit Guillaume et s’enfuy en l’ostel du dit Barthelemi Lucas, ou quel hostel le lendemain, environ demie prime, pour cause des navreures dessus dictes, il ala de vie à trespassement. Maiz avant qu’il trespassast, il se confessa et dist publiquement, en la presence du prestre qui le confessa et d’autres, qu’il avoit eu très grant tort envers le dit Guillaume et qu’il estoit venuz en son hostel pour couchier avec sa dicte femme, et pour ce il lui pardonnoit sa mort, en lui priant qu’il lui pardonnast ce que dit est. Pour doubte du quel fait, le dit exposant, doubtant rigueur de justice, nous a humblement fait requerir nostre grace sur ce lui estre impartie. Pour quoy nous, attendu ce que dit est et que icellui exposant a tousjours esté homme de bonne fame et renommée, senz avoir esté attaint d’autre villain cas ou reprouche, et que ce qu’il en a fait a esté en son corps defendant et en repellant force par force, voulans pour ce lui estre piteables et misericors, au dit Guillaume, le quel s’est pour ce renduz ès prisons des religieus, abbé et convent de Ferrieres, en la haulte justice des quelz le dit fait advint, ou cas dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, le fait dessus dit, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile, en quoy pour ce il peut estre encouru envers nous et justice, et le restituons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisquez, sattisfaction faicte à partie, se faicte n’est, civilement tant seulement. Si donnons en mandement au bailli des ressors et Exempcions de Tourainne, d’Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers quelconques, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, ou à leurs lieuxtenans, que le dit Guillaume facent, sueffrent et laissent joir et user de nostre presente grace et pardon plainement [p. 407] et paisiblement, senz l’empeschier pour ce, ores ne ou temps avenir, en corps ne en biens, en aucune maniere au contraire ; maiz son dit corps et ses biens pour ce detenuz et empeschiez lui mettent ou facent mettre à pure et pleine delivrance ; et quant à ce imposons silence perpetuel à nostre procureur et à tous autres. Et que ce soit ferme et estable à tousjours, nous avons à ces presentes fait mettre nostre seel. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou mois de decembre l’an de grace mil ccc. iiiixx et ixe, et de nostre regne le xme.

Par le roy, à la relacion du conseil. Freron.


1 Tordit.