[p. 356]

DCCXX

Rémission accordée à Élie Chaudrier, chevalier, et à ses complices parmi lesquels son frère, Louis Chaudrier, écuyer, pour violence [p. 357] exercée à la Rochelle, sur la personne de Jeannette de la Roche poitevine.

  • B AN JJ. 132, n° 158, fol. 87
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 356-360
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de la partie des amis charnelz de Helie Chauderier1, chevalier, de l’aage de xx. iii ans ou environ, Loys Chauderier, son frere, escuier, Jehan Maignien2, Arnaut Courson, Jehan Galiot et Jehan Herbert, familiers et serviteurs des diz chevalier et escuier, que comme, environ le mois d’aoust derrenier passé, le dit chevalier qui n’estoit ne n’est en aucun lien de mariage, par esbatement et comme meu de jonesse, demanda à aucuns de ses diz serviteurs se ilz savoient aucune fillette, la quelle il peust bonnement aler veoir, et que nature le contraignoit à ce. Et lors aucuns de ses diz serviteurs lui respondirent que Perrin Pepin, demourant à la Rochelle, [p. 358] tenoit en concubinage une belle jeune femme, qui estoit du païs de Poitou, nommée Jehannette de la Roche, la quelle l’en disoit que de long temps elle avoit delaissié son mari, et que bien y povoit aler, mesmement qu’elle estoit femme diffamée. Adont le dit chevalier dist à ses diz frere et serviteurs : « Menez m’y, je y vueil aler. » Et lors le dit chevalier se mist à la voye pour y aler, et ses diz frere et serviteurs avec lui, et vindrent jusques à l’ostel du dit Perrin Pepin, sur heure de l’entrée de la nuit, et quant ilz furent à l’uys du dit Perrin, le dit chevalier et ses complices hucherent le dit Perrin, en lui disant par pluseurs foiz : « Ouvres ton huis, ouvres » ; le quel ne respondit aucun mot, ne autre pour lui. Et pour ce, le dit chevalier, comme indigné de ce que le dit Perrin ne lui respondoit, ne autre pour lui, feri du pié à l’uis du dit Perrin, lequel [huis] estoit de floible et petite estoffe, et le rompi, ou la fermeture d’icellui. Et ycellui huis rompu, entrerent les diz chevalier, escuier et serviteurs dedens le dit hostel du dit Perrin, et trouverent le dit Perrin gisant en son lit ; et lors, le dit chevalier lui demanda l’où estoit Jehannete de la Roche. Le quel Perrin lui dist, jura et afferma par grans seremens que en son hostel n’estoit point ne ne savoit l’où elle estoit. Et lors, le dit chevalier sacha son coustel et en fery deux cops le dit Perrin et lui fist une playe ou braz, et en ce faisant, aucuns de ses diz serviteurs trouverent la dicte Jehannette ou dit hostel, montée sur un tref3, et la firent descendre ; et ycelle descendue, le dit chevalier la prist et mena en une chambre du dit hostel, et la cognut charnelment. Et depuiz ce la dicte Jehannete s’est venue plaindre à justice, en disant que le dit chevalier, acompaigné de ses diz frere et serviteurs, l’avoit efforcée et cogneue charnelment oultre son gré. Pour cause et occasion du quel [p. 359] fait, le gouverneur de nostre ville de la Rochelle ou son lieutenant, par certains noz sergens ou commis, vouldrent proceder à la prise des corps des dessuz nommez et de chascun d’eulz, et de leurs biens. Lesquelz, doubtans rigueur de justice, firent en ceste matiere certaines appellation ou appellations du dit gouverneur ou de son lieutenant, et de noz diz sergens ou commis, à nous ou à nostre court de Parlement, en laquelle court encores est pendent ycelle appellation. Suppliant humblement les diz chevalier, escuier et serviteurs, que, comme ilz soient gens de bonne fame, renommée, et les diz chevalier et escuier nous aient bien et lealment servi en noz guerres et servent continuelment, et le dit fait soit avenu au dit chevalier, comme contraint par jonesse, cuidant non grandement mesprendre ou offenser, eu regart à la renommée4 de la dicte femme, nous leur vueillons sur ce impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, aiens en memoire les diz services à nous faiz par les diz chevalier et escuier, et esperons qu’ils nous facent ou temps avenir, et aussi les bons et agreables services que feu Jehan Chauderier, chevalier, leur pere, fist en son vivant à nostre très chier seigneur et pere, que Diex pardoint, à yceulz chevalier et escuier, et à leurs diz serviteurs dessus nommez, et à chascun d’eulz, pour contemplacion de pluseurs noz chambellans et autres noz serviteurs, qui de ce nous ont supplié et requis, tout le fait dessuz dit, avec toute peine, amende et offense corporele, criminele et civile, en quoy ilz sont et pevent estre encouruz et encheuz envers nous et justice, pour cause et occasion du fait dessus dit, avons quicté, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons par ces presentes, de nostre plaine puissance, auctorité royal et grace especial, ou [p. 360] cas dessuz dit, avec touz bans et appeaulz, et autres choses qui pour ce se sont ensuiz, et les restituons à leur bonne fame, renommée, au païs et à leurs biens non confisquez, satisfaction faicte à partie premierement, se faicte n’est, à poursuir civilement tant seulement. Et avec ce l’appellation ou appellations, dont dessuz est faicte mencion, avons mis et mettons par ces presentes du tout au neant, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur. Si donnons en mandement au seneschal de Xanctonge, gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulz, si comme à lui appartendra, que les dessuz diz chevalier et escuier, Jehan Maignien, Arnaut de Courson, Jehan Galiot et Jehan Hebert, leurs diz familiers, de nostre presente grace et remission facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement, sanz les pour ce contraindre ou molester aucunement en corps ne en biens ; et se leurs corps ou aucuns de leurs biens estoient pour ce priz, saisiz ou empeschiez, qu’ilz leur mettent ou facent mettre tantost et sanz delay du tout au delivre. Et que ce soit chose ferme et estable à tous jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Saint Arnoul en Eveline, ou mois de mars l’an de grace mil ccc. iiiixx et sept, et de nostre regne le viiime.

Par le roy, à la relacion monseigneur le duc de Bourgoingne. L. Benoit.


1 Élie et Louis Chaudrier étaient les fils de Jean Chaudrier, maire, puis gouverneur de la Rochelle, et de Jeanne Larchevêque (voy. le vol. précédent, p. 264, note) ; ils étaient mineurs lors de la mort de leur père. L’aîné eut en héritage la terre de Dompierre en Aunis, dont le roi avait fait don à Jean Chaudrier, le 16 mai 1370 et le 8 janvier 1373, mais qui lui était disputée par Raymond de Mareuil, chevalier. (Voy. un arrêt du Parlement du 16 février 1380 n.s., X1a 29, fol. 125 v°.) Elle lui resta en définitive, car nous le retrouvons qualifié seigneur de Dompierre dans un acte d’avril 1391. Son sénéchal de ce lieu avait laissé échapper un prisonnier, et se fit délivrer des lettres de rémission pour sa coupable négligence (JJ. 140, n° 215, fol. 246). Les comptes de tutelle d’Élie et Louis Chaudrier donnèrent lieu entre ceux-ci et Jean du Pois à un procès au Parlement, qui se termina par un accord homologué le 29 juillet 1390 (X1c 61, rouleau). Les deux frères eurent bien d’autres affaires litigieuses sur les bras, et il faudrait faire de nombreux emprunts aux registres de la cour, si on voulait les exposer toutes. Quelques-unes n’étaient du reste pas réglées lors du décès d’Élie qui mourut âgé seulement de trente-six ans, un peu avant le mois d’août 1401, laissant de Blanche de Montendre deux jeunes enfants, Jean et Jeanne. Ceux-ci furent placés sous la tutelle de Jean de Harpedenne, de Robert du Vair et de Jean Fetiteau, et les procès continuèrent en leurs noms et au nom de leur oncle, Louis Chaudrier. (Voy. notamment X1a 48, fol. 98 v°, 204 ; X1a 49, fol. 41 ; X1a 50, fol. 14, 312.)

2 Jean Maignen était lieutenant de Jean Chaudrier, gouverneur de la Rochelle, le 10 juillet 1376, lors d’un différend que celui-ci eut avec le grand prieuré d’Aquitaine et le commandeur de Bourgneuf, au sujet d’un marché créé à Dompierre (X1a 25, fol. 232 v°). C’était sans doute le père du compagnon d’Élie Chaudrier.

3 Pièce de bois.

4 Le texte porte « revenue », erreur évidente.