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DCLXXXV

Rémission accordée à Denis Robineau et à Béry Andiau, cousins, de Triou en Loudunais, coupables de meurtre sur la personne de Jehannot Aubery.

  • B AN JJ. 126, n° 210, fol. 138
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 255-258
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à [p. 256] nous avoir esté exposé de la partie des amiz charnelz de Denis Robineau, chargié de femme et de deux petiz enfanz, et laquelle femme est grosse d’enfant, et de Bery Andiau, cousins et parens, povres laboureurs de terres, que comme, six ans a ou environ, le dit Denis Robineau estant à un jour en une taverne en la ville de Triou, dont les diz cousins sont nez et où il avoit beu avec pluseurs de ses amis et voisins, et ainsi comme le dit Robineau s’en vouloit yssir de la dicte taverne, sanz ce qu’il eust lors rien meffait ne mesdit en aucune maniere à homme du monde, et par especial à Perrot Aubery et Jehannot Aubery, freres, [iceulx Perrot et Jehannot], meuz de mauvaise voulenté et courage desordené et d’aguet appensé et sanz deffiances precedens, batirent et navrerent moult inhumainement le dit Robineau et lui firent une grant playe en la teste d’un badelaire, et tant fu seurprins le dit Robineau par les diz freres que il ne se pot revainchier ne defendre, de la quelle bateure le dit Robineau fu malades l’espace de xv. jours environ, sanz gaires partir de l’ostel ; et il soit ainsi que, n’a gaires de temps, le dit Bery Andiau aidoit à monter sur une jument en la dicte ville de Triou, entre chien et lou, un sien ami appellé Brissaut, qui demoure à une lieue près de la dicte ville ou environ, et ainsi lui aidoit à ploier et à mettre à point sur la dicte jument pluseurs sacs et poches qu’il avoit, afin qu’il ne lui cheussent et se perdissent, pour ce qu’il venoit sur le tart, et illecques present le dit Jehannot Aubery, meu de mauvaise voulenté, ainsi comme le dit Brissaut montoit, tira l’un des sacs et sacha, et d’icellui sac, sanz ce que le dit Bery Andiau eust riens dit ne meffait lors ne autres foiz en aucune maniere au dit Jehannot, icellui Jehannot Auberi frappa le dit Bery Andiau parmi le visaige, tellement que du dit cop il fu aussi comme tout eslourdé de la teste et li sailli le sanc parmi le nez et la bouche ; et après le dit Bery Andiau dist au dit Jehannot Aubery [p. 257] ces paroles en substance : « Jehannot Aubery, m’avez vous frappé par jeu ou par rancune, dites le moy, s’il vous plaist, car je le vouldroie bien savoir. » Et lors le dit Jehannot Aubery respondi orguilleusement et oultraigeusement au dit Bery Andiau : « Prens le par bien ou par mal, car il ne me chaut comment. » Et tantost icelluy Bery Andiau, moult couroucié et moult esmeu, s’en va partir de la place pour aler querre un baston ou autre chose à son hostel, pour batre et soy vengier du dit Jehannot Aubery, qui ainsi l’avoit feru du dit sac, et en alant à son dit hostel trouva d’aventure le dit Robineau, son cousin, et lui dit le fait et finallement eulz recordans et doulans d’icelles bateures, tous deux ensemble en celle chaleur, heure et mouvement, trouverent le dit Jehannot Aubery devant l’ostel du prieur de la dicte ville de Triou1 et le batirent de bastons, sanz avoir entencion de le tuer, de laquelle bateure, après pou de jours, ycellui Jehannot Aubery ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait et pour doubte de rigueur de justice, les diz Robineau et Andiau, cousins, se sont absentez du pays, ou au moins n’y osent converser ne habiter. En nous humblement suppliant que, comme le dit fait soit advenu par chaude cole et que en touz autres cas les diz Robineau et Andiau, qui sont povres laboureurs et n’ont dont vivre fors de leur dit povre labour à journées, ont esté toute leur vie de bonne vie, fame, renommée et conversacion honneste, sanz avoir esté reprouchiez d’autres villains cas, et estoit le dit mort moult oultrageux et coustumier de faire desplaisirs et dommages à ses voisins, et que sur ce a esté faicte satisfacion à la femme, pere et mere, freres et autres amis charnelz et parens du dit mort, et tellement qu’il en sont contens et agreez par bonnes lettres, faictes et passées soubz le seel lors establi aux [p. 258] contraux de la chastellenie de Loudun, dont il apperra deuement, nous leur vueillons sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy, nous qui voulons rigueur de justice temperer par misericorde, aux diz Deniz Robineau et Bery Andiau, cousins, et à chascun d’eulz ou dit cas avons quictié, remis et pardonné, remettons, quictons et pardonnons, de nostre grace especial et auctorité royal, satisfacion faicte à partie, se faicte n’est, et le fait dessus avec toute paine, offense corporele et criminele, que les dessus nommez Robineau et Andiau et chascun d’eulz, pevent avoir encouru, commis et perpetré envers nous pour occasion du dit cas, lequel nous avons tourné et converti en pur civil, et les restituons à leur bonne fame et renommée, à leurs pays et à leurs biens, qui par ban ne seroient confisquez, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur, present et avenir, par ces presentes. Par la teneur desquelles nous donnons en mandement au gouverneur du bailliage de Touraine, ou à son lieutenant au siege de Loudun, en qui chastellenie les parties sont demourans et il est advenu le dit fait, et à touz nos autres justiciers et officiers, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et laissent les diz Denis Robineau et Andiau et chascun d’eulz joir et user paisiblement et perpetuelment, sanz les molester ne souffrir estre molestés aucunement au contraire, maiz se leurs corps ou leurs biens, ou d’aucun d’iceulz, estoient prins, saisiz, arrestez ou empeschez pour la cause dessus dicte, que il leur mettent et facent mettre à plaine delivrance, tantost et sanz delay. Et que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, ou moys de mars l’an de grace mil ccc. iiiixx et quatre, et de nostre regne le quint.

Par le roy, à la relacion du conseil. P. Milet.


1 Le prieuré de Saint-Nicolas de Triou dépendait de l’abbaye de Marmoutier.