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DCXXX

Rémission accordée à Jean Breteau qui, dans une rixe, avait brisé la jambe de Jean Laisné, du Marchais. Celui-ci, s’étant mal soigné, fut atteint du mal Saint-Maixent et en mourut.

  • B AN JJ. 115, n° 62, fol. 28 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 21, p. 122-124
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelx de Jehan Breteau, que comme depuis deux mois en ça Symon de la Garde et Jehan Lainsné, du Marchais, le dit Breteau estant en leur compaignie, eussent devisé et accordé ensemble que il joueroient aus billes pour le vin l’un contre l’autre, et au commancement du jeu, le dit Jehan Lainsné dist au dit Symon qu’il meist gaige pour le jeu et pour ce qu’il perdroit, le quel Symon dist que non feroit, et le dit Jehan Lainsné dist et respondi que si feroit, et sur ce murent pluseurs paroles, tant que le dit Symon appella le dit Jehan Lainsné villain, le quel Jehan Lainsné dist que il n’estoit pas villain et qu’il estoit plus gentil homme que le dit Symon ; et lors le dit Jehan Breteau dist à ycellui Jehan que il mentoit et le fery d’un baston qu’il trouva en son [p. 123] chemin, parmi la jambe, non pas en entencion de le vouloir griefment blecer, toutesvoies sanc en yssy et dient aucuns que la jambe estoit brisée. Et tantost dist le dit Breteau au dit Jehan Lainsné qu’il se feist appareillier, et il paieroit voulentiers les mires et coutast xx frans. Et ce fait, vint un mire ou cirurgien qui appareilla et lia la jambe du dit Jehan Lainsné, mais assez tost après ycellui Lainsné la se fist deslier. Et depuis par faute de bon gouvernement ou autrement, par la voulenté de Dieu, vint en la dicte jambe une maladie que l’en appelle le mal Saint Messent, et d’icelle maladie et ferure le dit Jehan Lainsné jut au lit malade environ xv. jours, et puis est alez de vie à trespassement ; et à sa derreniere fin pardonna le dit fait au dit Jehan Breteau. Le quel Jehan Breteau, doubtanz rigueur de justice, s’est absentez du païs. Si nous ont humblement fait supplier les diz exposans que, consideré que paravant le dit fait les diz Jehan Breteau et Jehan Lainsné estoient bien amis et affins ensemble, et n’avoit onques eu le dit Breteau hayne, rancune ou malivolence au dit Lainsné, consideré aussi que par longtemps le dit Jehan Breteau nous a servi ou fait de noz guerres, et a encores entencion de faire, ès quelles il a esté prins prisonnier par deux foiz et rançonné à très grans rançons, dont il a esté moult grandement dommaigiez, et aussi que il ne fu onques actains ne convaincuz d’aucun autre crime, mais a esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, nous sur ce vueillions eslargir nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, au dit Jehan Breteau, ou cas dessuz dit, avons remis, quictié et pardonné, remettons, quictons et pardonnons, de nostre grace especial et auctorité royal, tout le fait dessuz dit, avec toute peinne et amende corporelle, criminelle et civile, en quoy il puet estre encouru envers nous, pour cause et occasion du fait dessuz dit, satisfait à partie civilement tant seulement ; en imposant sur ce silence perpetuelle à nostre procureur. Si donnons en mandement [p. 124] par ces presentes à nostre bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, du Mainne et de Poitou, et à touz les autres justiciers de nostre royaume, presens et avenir, et à leurs lieux tenans, que de nostre presente grace et remission facent, seuffrent et lessent le dit Jehan Breteau joir et user paisiblement, sanz les empeschier au contraire. Et se son corps ou aucuns de ses biens sont pour ce prins, saisiz ou arrestez, si les lui mettent à plainne delivrance. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Paris, l’an de grace m. ccc. lxxxix, et le xvie de nostre regne, ou mois de juing.

Par le conseil estant à Paris. Lucas. — Forges.