[p. 22]

MCCCCVI

Rémission accordée, moyennant certaine composition financière, à Huet Yver, natif de Prinçay, sergent du roi en la châtellenie de Faye-la-Vineuse, poursuivi pour de nombreux abus, prévarications, exactions, faits d’usure, de faux, etc., par lui commis depuis vingt ans en l’exercice dudit office.

  • B AN JJ. 199, n° 509, fol. 320 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 22-25
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de [p. 23] Huet Yver, natif de la parroisse de Prinzeau1 en chastellenie de Faye la Vineuse, contenant que, depuis xx. ans ença ou environ, ledit suppliant a esté en office de sergent de nostre très cher et très amé oncle le roy de Jherusalem et de Secille à Saumur, [et de nous2] au bailliage dudit lieu de Faye, en exerçant lequel office, ledit suppliant a fait mettre à pris noz fermes et aides, en ladicte chastellenie, par aucuns ses familliers et complices, et par les pors et faveurs qu’il avoit à cause de sondit office de sergent, guères de gens n’osoient mettre enchère après luy sur icelles fermes et aides, par quoy plusieurs foiz elles en ont esté diminuées. Et avec ce, ledit Yver a esté consentant et participant de faire à part monopoles ou bail d’icelles noz fermes, mesmement quant il y avoit aucuns fermiers qui avoient prinses les fermes de la dicte chastellenie de Faye, il leur disoit que s’il n’avoit aucunes parroisses comme celles de Prinzçay et Savigny, qu’il leur feroit oster et mettre hors de leurs mains lesdictes fermes, et leur feroit desplaisir, et par plusieurs années a eu desdictes fermes ladicte parroisse de Prinzçay, sans en paier que très peu de chose, le tout soubz umbre de l’auctorité de sondit office. Avecques ce, ledit suppliant a eu communement les execucions des tailles et celles aussi du sel en ladicte chastellenie ; ès quelles execucions faisans, ledit suppliant a plusieurs foiz prins plus excessif salaire qu’il ne devoit, aucunefoiz de la moitié, l’autre du tiers, et plusieurs foiz s’est entremis de son auctorité de faire execucions où il n’en devoit point faire, en prenoit du prouffit des parties qu’il adjournoit ; et aucunefoiz quant ledit suppliant a presté de l’argent à aucuns, il en a prins, oultre son sort principal, draps de layne, comme quant il avoit presté vingt ou trente escuz il prenoit une aulne de drap ou aulne et demye, sans en faire aucun [p. 24] rabaiz de la somme principalle, ainsi que dit est par luy prestée ; a aussi prins plusieurs vivres à boire et à menger et autres choses oultre le sort principal des deniers par luy prestez, en commettant par ce moyen et autres plusieurs moiens fait d’usure et, qui pis est, contraictz frauduleux et usuraires. Oultre plus, a fait ledit suppliant acroire aux subgetz de ladicte chastellenie de Faye qu’ilz estoient imposez ès commissions de noz tailles et aides, mesmement en celles du sel, et pour mettre iceulx subgetz hors d’icelles commissions, ou quoy que soit, faignant les en mettre hors, icellui suppliant a prins et exigé d’eulx plusieurs sommes de deniers. Et aussi a ledit suppliant faiz et commis plusieurs vexacions, faultes, abus en faisant les adjournemens et exploiz en sadicte sergenterie, en prenant deniers, afin que les personnes par lui adjournées ne alassent au jour que ledit suppliant leur avoit baillé, aucunes foiz sans requeste de partie, ains faisans lesdiz adjournemens, les adnulloit de sa simple et pure volenté. Et semblablement a fait, en l’excercice de sondit office et autrement, tant en la chastellenie de Faye que ailleurs, plusieurs autres faultes, exactions et abus, durant ledit temps, au prejudice de noz subgetz et irreverence de nous et de nostre justice, en commettant par ledit suppliant crime de faulx, pilleries, roberies et autres abuz et exactions indeues, en grant mespris, scandale et vittupère de nous et de nostre justice et autrement, grandement excedant et delinquant. A l’occasion desquelles choses et moiennant certaines informacions sur ce faictes contre ledit suppliant, à la requeste de nostre procureur, il en a esté poursuy par justice et adjourné à trois briefs jours à comparoir en personne en nostre Grant conseil, sur peine de bannissement de nostre royaume et d’estre actaint et convaincu des cas à lui imposez, pour ce qu’il s’estoit absenté ; ausquelz trois briefs jours ledit suppliant ne s’est aucunement comparu, et à ceste cause nostre dit procureur [p. 25] [a obtenu] trois deffaulx contre lui. Pour laquelle cause il doubte qu’on voulsist proceder à l’encontre de luy rigoreusement par peine corporelle et le condempner en grans peines et amendes, se noz grace et misericorde, abolicion et pardon ne luy estoient sur ce imparties, en nous humblement requerant, etc. Pour quoy, etc., audit suppliant, moiennant certaine somme d’argent par luy paiée comptant par nostre commandement, où luy avons ordonné et dont nous [nous] tenons à contens, aussi eu pitié et compassion de ses diz femme et enfans, et pour autres causes et consideracions à ce nous mouvans, avons les faiz et cas dessus diz, avecques tous autres quelzconques qui pourroient par luy avoir esté faiz et commis, en faisant et excerçant sondit office de sergent et autrement, en quelque manière que ce soit, par avant le jour d’uy, remis, quictez et pardonnez, remettons, etc., ensemble toute peine, etc., en mettant au neant par cesdictes presentes tous procès, deffaulx et autres exploiz de justice qui pour raison des choses dessus dictes en sont et pourroient ensuire à l’encontre dudit suppliant. Et l’avons restitué, etc., et imposons silence, etc. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, au bailly de Touraine et des ressors et exempcions, etc., aux esleuz sur le fait des aides ordonnez pour la guerre ès païs d’Anjou et de Poictou, et à tous noz, etc., sans pour ce, etc., ains se son corps, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Poictiers, ou moys de fevrier l’an de grace mil cccc.lxiiii, et de nostre règne le iiiie.

Ainsi signé : Par le roy, maistre Jehan Balue3 et autres presens. L. Toustain. — Visa. Contentor. J. Duban.


1 Sic pour Prinzçay (Prinçay).

2 Mots omis par le scribe.

3 Cet illustre personnage était, suivant l’opinion la plus généralement admise et la plus vraisemblable, originaire du Poitou, né vers 1421, à Angle, au diocèse de Poitiers, de parents de condition modeste. A la date des présentes lettres, Jean Balue, aumônier du roi, venait d’être nommé évêque d’Évreux (5 février 1465). Transféré à Angers, le 5 juin 1467, cardinal peu de temps après, on connaît ses intrigues, la trahison dont il fut accusé lors de l’entrevue de Péronne, sa longue captivité, sa légation en France sous Charles VIII, etc. Il mourut en 1491. Voir Jean Balue, cardinal d’Angers, par Henri Forgeot, archiviste aux Archives nationales Paris, in-8°, 1895 (106e fascicule de la Bibliothèque de l’école des Hautes-Études). Cette biographie critique, puisée aux meilleures sources, redresse plus d’une erreur accréditée par les anciens historiens.