1 Sic. La Vignoie
est une faute de lecture, le scribe sans doute ayant mal
interprété une abréviation. Il faut corriger la Vergnaie, qui
était un ancien fief en la paroisse de Chanteloup. Ce Pierre de
Marvilleau, écuyer, seigneur de la Vergnaie, n’ayant en 1473 que
de vingt-quatre à vingt-six ans, comme il est dit dans un autre
endroit de ces lettres de rémission, les documents conservés
dans le chartrier de Saint-Loup, que nous allons citer, se
rapportent plutôt à son père. Il s’agit d’abord de trois aveux
rendus au sire de Bressuire, le premier en 1433, les deux autres
en 1445, par Pierre Marvilleau, qualifié chevalier dans le
dernier, pour : 1° une borderie de terre herbergée, appelée la
Girardière ; 2° l’hôtel, terre et seigneurie du Bois-Renault ;
3° l’hôtel des Pascauderies, autrement dit du Russot, sis en la
ville de Moncoutant. (Arch. des Deux-Sèvres E. 1393, 1458,
1482.) La même année 1445, Pierre Marvilleau, « seigneur de la
Vergnaye », fit hommage à Jacques de Beaumont dudit hôtel des
Pascauderies et des herbergements de la Brousse et de la
Limbaudière, sis à Chanteloup. (Id., E. 1681.) En 1450,
Hugues de Conzay, sénéchal de Bressuire, fit défense à « Pierre
Marvilleau, chevalier, demeurant au lieu de la Vergnaie, d’avoir
en sa maison chiens ne levriers qu’ils ne soient accouplés,
ledit lieu étant en dedans des garennes de la seigneurie »
(Id., E. 1700.) A l’arrière-ban convoqué à Poitiers
par Yves du Fou, le 5 octobre 1467, Pierre Marvilleau servit
personnellement en qualité d’homme d’armes dans la compagnie du
sire de Bressuire et fournit en outre deux archers, et sur le
rôle de l’arrière-ban du 26 novembre 1491 et jours suivants,
parmi « ceux qui sont dans la garnison de Tiffauges … et ont
duement fait la montre audit lieu », figure « Pierre Mervilleau,
sieur de la Vergnais, archer (Bressuire) », le même évidemment
que le bénéficiaire de ces lettres de rémission du 18 mai 1473.
(Cf. Roolles des bans et arrière-bans de Poictou, etc.,
p. 14 et 60.)
2 Antoine, seigneur d’Argenton, de Gourgé,
l’Hérigondeau, Souvigné, etc., avait épousé Marguerite de
Razilly, le 3 février 1455. Le 12 mars de la même année, il
reçut de Guy de Montfaucon, chevalier, sr de
Saint-Mesmin, l’aveu de la terre d’Aubigny, testa en 1460 et
mourut l’année suivante sans postérité. Il était fils de
Guillaume sr d’Argenton, chevalier, et de Jeanne de
Naillac, héritière de tous les biens de sa maison, et avait
quatre sœurs : Brunissende, mariée, le 21 juin 1422, à
Thibault IX Chabot, sr de la Grève, tué à la
Journée des harengs (18 février 1429) ; Jacquette,
femme de Jean de Vendôme, vidame de Chartres ; Antoinette,
mariée, le 13 avril 1439, à Jean de Montenay ; Louise, femme de
Bertrand de la Haye, seigneur de Mallièvre, mariée le 25 mars
1456. (Dict. des familles de l’anc. Poitou.
2e édit., t. I, p. 102.) Razilly, ancien fief connu dès
le xiie s., château fort en la paroisse de
Beaumont-en-Véron, où Charles VII résida pendant les
mois de mai, juillet et septembre 1446, appartenait à la famille
de ce nom. Marguerite était la fille de Jean de Razilly,
chevalier, qui donna l’hospitalité à Charles VII, et
sœur d’un autre Jean auquel Louis XI rendit aussi visite en son
château, car les lettres patentes de janvier 1465 n. s., par
lesquelles il lui permet de chasser sur une étendue de quatre
arpents faisant partie de la garenne royale dans la forêt de
Chinon, sont datées de Razilly. (Carré de Busserolle, Dict.
géogr., hist. et biogr. d’Indre-et-Loire, t. V, p. 264.)
Nous devons signaler aussi quatre actes d’hommage rendus, le
1er avril 1451 n. s., par Antoine, sr
d’Argenton, à Artus de Bretagne, comte de Richemont, comme
seigneur de Parthenay, à cause 1° de son herbergement de
Gourgé ; 2° de son herbergement de l’Herigondeau ; 3° de son
hôtel de Parthenay, sis près les murs de la ville en la paroisse
Sainte-Croix ; 4° d’une borderie de terre « desherbergée,
appelée la borderie aux Millés ». (Arch. nat., R1a 190,
fol. 66 à 69.) C’est cet héritage, qui en réalité revenait pour
la plus grande partie à sa mère, Brunissende d’Argenton, que
Louis Chabot, sr de la Grève, chercha et parvint même un
instant à s’approprier, à l’aide d’un faux et avec la complicité
de Marguerite de Razilly, veuve d’Antoine d’Argenton.
3 Louis Chabot, chevalier, seigneur de la Grève,
chambellan du roi, fils de Thibaut IX et de Brunissende
d’Argenton, ayant à peine six ans à la mort de son père, était
resté longtemps sous la tutelle de Guillaume, sire d’Argenton,
père d’Antoine, son aïeul maternel. On accusait celui-ci de
s’être montré peu scrupuleux dans l’administration de la fortune
de son pupille, d’avoir aliéné plusieurs terres importantes
comme celles de Pressigny en Gâtine, de Verneuil en la
châtellenie de Loches, si bien qu’à sa majorité, celui-ci se
trouvait dépouillé de plus de 500 livres de rente. La nouv.
édit. du Dict. des familles du Poitou parle de ses
démêlés judiciaires avec Antoine d’Argenton au sujet des comptes
de sa tutelle, puis celui-ci étant décédé, avec l’une de ses
sœurs, Antoinette, femme de Jean de Montenay (t. II, p. 180),
mais reste muet en ce qui touche ses procès avec sa sœur Jeanne
et le mari de celle-ci, Jean de Chambes, sr de
Montsoreau, et l’accusation de faux portée contre lui et
reconnue fondée, ce qui fut cause qu’il dut rendre Argenton,
dont le Parlement, sur le vu du titre faux, lui avait d’abord
reconnu la possession. Outre ces procès, dont il sera question
plus spécialement dans une note suivante, on peut indiquer ici
un arrêt rendu par la cour, le 17 janvier 1453 n. s., entre lui
et Jean de Graville (Arch. nat., X2a 26, fol. 220 v°), et
un acte du 26 août 1454, dans lequel Louis Chabot est qualifié
chevalier, seigneur de la Grève, de Moncontour et de Marnes et
accepte l’amortissement, moyennant vingt-sept écus d’or, d’une
rente de douze livres que lui devait le chapitre de
Saint-Hilaire de Poitiers. (Coll. dom Fonteneau, t. XII, p. 83.)
Il mourut à la fin de 1479 ou au commencement de 1480 ; son fils
et sa fille aînée décédèrent avant lui. Seule, Madeleine, née
après le 5 mai 1453, lui survécut ; elle avait épousé, le
4 février 1470, Navarrot d’Anglade, écuyer, chambellan du roi,
capitaine de Mauléon.
4 Jean de Chambes,
sr de Montsoreau, né vers 1400 ou 1410, suivant
Vallet de Viriville (Article de la Nouvelle Biographie
générale), avait épousé, par contrat daté de Saumur, le
17 mars 1446 n. s., Jeanne Chabot, fille de Thibaut IX,
seigneur de la Grève et de Montsoreau, et de Brunissende
d’Argenton. La collection des pièces originales de la Bibl.
nat., vol. 655, contient un dossier de plus de quarante pièces
relatives à ce personnage, dont J. Vaësen a donné l’analyse
(Lettres de Louis XI, t. IV, p. 273 ; t. VII, p. 72)
et desquelles il résulte qu’il fut d’abord écuyer d’écurie de
Charles VII (lettres datées du Bourg-de-Déols, le
11 mars 1426), panetier du roi, d’après une quittance du
14 février 1438, puis son conseiller et chambellan (autre
quittance du 8 janvier 1442), commissaire royal aux États tenus
à Montferrand en novembre 1441, et enfin premier maître d’hôtel
du roi (quittance de gages des 12 janvier 1444, 4 août 1447 et
4 mai 1449). Jean de Chambes fut également capitaine
d’Aigues-Mortes (don de Charles VII, du 26 février
1428), dont on le trouve, plus tard sous Louis XI,
qualifié châtelain et viguier, connu aussi capitaine de la tour
de Charbonnière près dudit lieu d’Aigues-Mortes (quittance du
25 juillet 1466), puis capitaine de Talmont-sur-Gironde
(quittance du 11 septembre 1451), de Niort (id. du
15 juillet 1456), gouverneur de la Rochelle, après André de
Villequier, suivant des lettres du roi lui accordant délai pour
prêter serment en cette qualité (20 janvier 1450). Sous ce
règne, le sr de Montsoreau fut mêlé à d’importantes
négociations diplomatiques. Il avait acquis la terre et
seigneurie de Montsoreau, en 1450, de Louis Chabot, sr de
la Grève, son beau-frère. Jeanne Chabot, sa femme, était en 1473
dame d’honneur de la reine Charlotte de Savoie, et recevait du
roi une pension de 1.000 livres, comme on le voit par le compte
de Guillaume de Nève, trésorier et receveur général de
Languedoc, pour l’année 1476. Ils eurent un fils, Jean de
Chambes, baron de Montsoreau, et deux filles : Nicole ou
Colette, seconde femme de Louis d’Amboise, vicomte de Thouars,
puis maîtresse de Charles, duc de Guyenne, frère de
Louis XI, morte en 1472 ; et Hélène, mariée, par
contrat du 27 janvier 1473 n. s., à l’illustre Philippe de
Commynes, auquel elle apporta entre autres biens la terre et
seigneurie d’Argenton. (Mlle Dupont, Mémoires de
Commynes, t. III, Preuves, p. 38-53. — Voy. aussi l’abbé
A. Ledru, Louis XI et Collette de Chambes en Poitou ; Id., Un
procès au XVe
siècle. Louis XI, Philippe de Commines, le seigneur de
Montsoreau et les habitants de Savigny. Angers, 1884,
in-8°.) MM. Beauchet-Filleau mentionnent « un appointement daté
de 1480, entre Jeanne Chabot, dame de Montsoreau, veuve de Jean
de Chambes, d’une part, et Gosceline (alias Hesseline)
Chaperon, seconde femme, alors veuve, de Louis Chabot, d’autre
part », sans indication de source ni d’objet. On n’en peut
déduire que la date approximative du décès des deux
beaux-frères. (Op. cit., t. II, p. 180.)
5 Aliàs
Gébert. François Gébert, écuyer, demeurant à l’Isle-Bouchard,
s’était avoué, pour libérer sa conscience, disait-il, l’auteur
matériel du faux fabriqué à l’instigation de Louis Chabot, et
comme Pierre Marvilleau, sans doute à la même date, il avait
obtenu des lettres de rémission. Elles portaient en substance
que douze ans auparavant, après le décès d’Antoine d’Argenton,
Louis Chabot s’en vint à l’Isle-Bouchard, en l’hôtel d’un
sr Germier, et pria Gébert, « avec lequel il avoit
grant accointance tant au moien de la guerre que autrement », de
le venir trouver, ce qu’il fit. A cette entrevue, le sr
de la Grève lui montra « un blanc signé et seellé du feu
sr d’Argenton et une minute en papier », dont il le
requit très instamment de transcrire le contenu sur ledit blanc,
lui affirmant qu’il n’y avait aucun risque à courir et qu’il ne
lui en arriverait aucun inconvénient. Comme Gébert ne se prêtait
pas à ce désir, Chabot le menaça de le « destruire de corps et
de biens », mais ne parvint pas à vaincre sa résistance. Il
agissait d’accord avec Marguerite de Razilly, veuve du sr
d’Argenton, et la tenait au courant de ses démarches. Celle-ci
se chargea de continuer les pourparlers avec François Gébert ;
elle le fit venir à Champigny-sur-Veude, où elle s’était
transportée à la demande de son complice, « avec une solue
damoiselle », et sut si bien s’y prendre qu’elle le décida à ce
qui lui était demandé. Depuis, ayant su que Chabot s’était aidé
de ce faux titre dans le procès qu’il avait au Parlement contre
Jean de Chambes, et que par ce moyen il l’avait gagné, Gébert
« a fait conscience d’avoir emply ledit blanc signé et à ceste
occasion en a adverty le roy, qui a fait prendre par son
chancellier (Pierre Doriole) et Chambon, conseiller ceans, sa
confession sur ce, par devant lesquelx il a confessé la verité
du cas et en a requis pardon au roy ». Le jeudi 3 juin 1473,
François Gébert et Pierre Marvilleau, écuyers, demandaient à la
cour respectivement l’entérinement de leurs lettres de
rémission. Jean de Chambes, Philippe de Commynes, son gendre, et
le procureur général s’y portèrent opposants et exposèrent dans
une longue plaidoirie, le 10 du même mois, les procès
interminables qu’ils avaient été obligés de soutenir, les
dépenses qu’ils leur avaient occasionnées, et tous les dommages
que cette pièce fausse leur avait fait subir ; ils demandaient
que lesdites lettres fussent déclarées subreptices, obreptices,
inciviles et déraisonnables, et Gébert condamné à faire amende
honorable et à vingt mille écus de dommages-intérêts envers
lesdits de Chambes et Commynes. (Arch. nat., X2a 39, aux
dates.) On ne sait comment l’affaire se termina ; il n’en est
plus question sur les registres du Parlement, après cette date
du 10 juin 1473.
6 Blanc au registre. On peut,
ce semble, suppléer par les mots « qu’il en donnast ».
7 Ou de Feugerais ; il avait été reçu conseiller
au Parlement de Paris le 10 mai 1454. Il était fils puîné de
Jean de Feugerais et de Catherine Le Beurrier, et épousa
Radegonde, fille de Robert Thiboust, président à mortier au
Parlement, dont il eut un fils, prénommé aussi Jean, qui fut à
son tour conseiller à la même cour, et deux filles. (Voy. F.
Blanchard, Catalogue de tous les conseillers au Parlement de
Paris, in-fol., p. 24.)
8 On devrait lire
plutôt « elle ».
9 Jean Chambon, dont nous
rencontrons ici pour la première fois le nom, joua un rôle
important en Poitou sous Louis XI, quoiqu’il fût
étranger au pays. Blanchard le dit originaire d’Auvergne, et
cette assertion parait très vraisemblable. Nous n’avons
d’ailleurs trouvé aucun renseignement sur ce personnage avant sa
nomination comme conseiller au Parlement de Paris, le 16 avril
1454. Il fit partie d’une promotion nombreuse, parce que depuis
longtemps Charles VII n’avait pas pourvu aux vacances
de la cour. Sur une dizaine de conseillers lais nommés en même
temps que lui, les lettres patentes du 16 avril décident qu’il
prendra séance au second rang. Reçu par la cour, le 10 mai
suivant, avec Pierre Clutin, Jean de Feugerais et Raoul Pichon,
tous licenciés en lois, il fut confirmé dans cet office à
l’avènement de Louis XI, par lettres patentes du
8 septembre 1461, ainsi que les autres officiers du Parlement.
(Arch. nat., X1a 1483, fol. 242 ; Ordonnances des Rois
de France, in-fol., t. XIV, p. 268, et t. XV, p. 13.)
Suivant le Dict. des familles du Poitou, le roi le nomma,
l’an 1464, lieutenant général de la sénéchaussée de Poitou
(nouv. édit., t. II, p. 221) ; il aurait ainsi remplacé Hugues
de Conzay (sur lequel voy. notre volume précédent, p. 274-276,
note). La date exacte de ses provisions n’est pas autrement
spécifiée ; mais ce que l’on peut affirmer, c’est que le
12 juillet de cette année, dans une lettre à Jean Bourré, écrite
aux Sables-d’Olonne, il annonce à celui-ci qu’il y avait été
envoyé avec mission d’ « allonger » les gens d’armes et qu’il
doit aller à Fontenay et à Niort pour s’enquérir de l’artillerie
disponible. (Bibl. nat., ms. fr. 20484, fol. 10.) La ville de
Poitiers le choisit, au mois de février 1468, pour l’un de ses
trois députés aux États de Tours et lui conféra, la même année,
la dignité de maire. Dans un acte daté de Poitiers, le 4 juillet
1468, il s’intitule conseiller au Parlement et commis par le roi
« à l’exercice de la justice de Poitou », de concert avec
Mathurin Arembert, procureur du roi en la sénéchaussée, et
Pierre Aubert, greffier de l’élection, et après enquête auprès
des marchands boulangers et autres de la ville, il y certifie le
prix de vente du froment, seigle, avoine, baillarge et volaille
pendant l’année finie à la saint Jean précédente. (Original,
signé de ces trois noms, Bibl. nat., ms. fr. 27140, n° 8.) Une
constatation semblable pour l’année 1471, émanant de lui, de
Roger Le Roy, substitut du procureur, et de Pierre Thoru, commis
au greffe, se trouve dans le même manuscrit, sous la date de
Poitiers, 7 janvier 1472 n. s. ; il y prend la qualité de
conseiller au Parlement et de « lieutenant sur le fait de la
justice au païs de Poictou ». (Original, id.,
n° 9.)
Un inventaire du xvie siècle des
titres de la ville de Poitiers mentionne des lettres patentes de
Louis XI, datées du 18 juin 1473, commettant Jean
Chambon pour exercer l’office de sénéchal de Poitou. Ce document
aujourd’hui perdu (Invent. des Arch. de la ville de
Poitiers, par L. Rédet et A. Richard, p. 320, n° 2021)
trouve sa confirmation implicite dans un mandement original de
ce personnage adressé au premier sergent sur ce requis, lui
ordonnant de saisir et mettre sous la main du roi « le fief de
Genoillé », à la requête de Geoffroy Taveau, seigneur de
Mortemer et d’Empuré, mandement daté du 18 août 1473 et signé de
sa main, dans lequel il se dit, dans les mêmes termes, « commis
par le roi à l’office de sénéchal de Poitou ». (Bibl. nat., ms.
fr. 27140, n° 17.) Nous avons vu que Louis de Crussol, nommé
gouverneur de Dauphiné, le 15 juin 1473, fut alors remplacé
comme sénéchal de Poitou par Charles d’Amboise, seigneur de
Chaumont. (Vol. précédent, p. 451, note.) En effet, dans les
provisions du même office données au Plessis-du-Parc, le
24 novembre 1476, en faveur de Philippe de Commynes, il est dit
formellement que celui-ci succéda au sr de Chaumont, qui,
ayant été nommé gouverneur de Bourgogne et de Champagne, a
résigné à son profit l’office de sénéchal. (Mémoires de
Commynes, édit. de Mlle Dupont pour la Société de
l’hist. de France, t. III, Preuves, p. 60.) Jean Chambon exerça
donc par commission l’office dont Charles d’Amboise était
titulaire, et l’un et l’autre en conservèrent, jusqu’à la
nomination de Philippe de Commynes, le premier les fonctions, le
second le titre et les prérogatives. Nous pouvons citer au moins
cinq autres actes dans lesquels Chambon prend cette qualité de
commis par le roi à l’office de sénéchal de Poitou. Le premier,
daté du 5 juillet 1474, est intitulé : « Commission donnée par
Jehan Chambon, conseiller et maître des requêtes ordinaire de
l’hôtel du roi, et commis par ledit seigneur à l’office de
sénéchal de Poitou, à François Mignot, enquêteur pour le
roi en Poitou, pour s’informer de ce qu’étaient les rentes
amorties en faveur de l’abbaye des Châtelliers, etc. » (L.
Duval, Cartulaire de l’abbaye royale de N.-D. des
Châtelliers, Niort, 1872, in-8°, p. 222.) Le second est
une rémission, de décembre 1474, en faveur de Jean Coulon, dont
on trouvera le texte à sa date dans le présent volume ; le
troisième, du 20 juin 1475, est un nouveau certificat des prix
du setier de froment, seigle, baillarge, avoine, et des chapons,
oies, gélines, etc., signé de lui, de Regnaut Du Noyer,
procureur du roi en Poitou, et de Pierre Thoru, commis au greffe
ordinaire de la sénéchaussée. (Original, ms. fr. 27140, n° 20.)
Le quatrième, du 12 juillet 1476, est une sentence par lui
rendue, condamnant les maire, échevins et bourgeois de Poitiers
à laisser jouir Jean Rideau des moulins de Chasseigne et de
plusieurs rentes assises sur des maisons. (Invent. des Arch.
de la ville de Poitiers, p. 321, n° 2028.) Enfin, par le
cinquième, daté du 7 août 1476, il donne l’ordre à Hervé
Prévost, enquêteur en Poitou, de faire une information sur le
contenu d’articles d’Etienne de Bonney, receveur ordinaire du
roi en Poitou, énonçant certaines places et autres choses à
bailler au profit du roi. (Orig. signé, ms. fr. 27140, n° 22.)
Le même recueil contient des lettres patentes de
Louis XI, datées de Niort, le 18 novembre 1472,
portant que Jean Chambon avait été nommé, au mois de janvier
1468 n. s., conseiller et avocat du roi en la sénéchaussée de
Guyenne, remplacé par Aymer Laborie, pendant que Charles, frère
du roi, avait été duc de Guyenne, et confirmé dans cet office
après la mort de ce prince. (Id., n° 16.) Comme il est
peu admissible que l’office d’avocat du roi à Bordeaux ait pu
être compatible avec l’office de lieutenant général du sénéchal
de Poitou, et à plus forte raison avec celui de commis à
l’office de sénéchal, il y a lieu de supposer qu’il s’agit d’un
autre personnage de mêmes nom et prénom. D’ailleurs, le
9 février 1474 n. s., Jean Chambon avait été promu maître des
requêtes ordinaire de l’hôtel et remplacé dans sa charge de
conseiller lai au Parlement par Artus de Cambray, licencié en
lois. (Arch. nat., X1a 1486, fol. 139.) Après que
Commynes eut été élevé à la dignité de sénéchal de Poitou, Jean
Chambon reprit l’exercice de la charge de lieutenant général de
la sénéchaussée. Il figure dans beaucoup de textes des années
1477 et suivantes en cette qualité et, entre autres, dans l’acte
de refus qu’il opposa, le 5 novembre 1482, à l’entérinement des
lettres patentes du 8 juillet précédent, rétablissant le siège
royal et les assises de Saint-Maixent. (A. Richard, Chartes
de l’abbaye de Saint-Maixent, t. II, Arch. hist. du
Poitou, t. XVIII, p. 263-264.)
Indépendamment de
l’exercice de ces divers offices, Jean Chambon fut fréquemment
employé pour les affaires du roi, qui lui confia plus d’une
mission importante. Il fut avec Pierre de Rohan, seigneur de
Gyé, et deux autres, l’un des négociateurs du traité conclu avec
le duc de Bretagne, le 24 juillet 1477. (Ordonnances des Rois
de France, in-fol., t. XVIII, p. 278.) Son nom figure
dans ce recueil parmi les membres du conseil royal qui
souscrivirent des ordonnances des années 1476 à 1484. (T. XVIII,
p. 210, 258, 529, 542, 557, 722, 725 ; t. XIX, p. 181, 280,
531.) Louis XI le chargea aussi de traiter le mariage d’Antoine
de Chourses, sr de Maigné et d’Echiré, fils de Guy,
sr de Malicorne, avec Catherine, seconde fille
d’Olivier de Coëtivy, seigneur de Taillebourg, janvier-avril
1479. Une très intéressante correspondance échangée à ce sujet a
été publiée par P. Marchegay, sous le titre : Louis XI, M. de
Taillebourg et M. de Maigné. (Bibl. de l’École des
Chartes, t. XVI, p. 1-27.) Jean Chambon y est dit
« lieutenant de Poitou ». Un mémoire du procureur du roi de la
ville de Poitiers, conservé dans les archives municipales
(L. 7), nous fait connaître qu’en 1477 ou 1478, Jean Chambon
avait été en outre commis par le roi, ainsi que Guillaume de
Paris, conseiller au Parlement, Gilles Le Flament, général de la
justice des aides, Pierre Jouvelin, correcteur, et Guy Avrillot,
clerc des comptes, pour juger les différends mus entre les
maires et échevins, d’une part, Jean Tartas, Jean Thénot,
Antoine Baiart et autres qui, ayant été chargés d’une enquête
sur une soustraction de fonds, prétendaient revoir et corriger
les comptes de Jamet Gervain, Jean Boylesve, Jean de La
Fontaine, André Chaillé et Guillaume Macé, successivement
receveurs de la ville.
Jean Chambon est surtout connu par
son rôle dans le long procès de la maison de La Trémoïlle,
héritière de celle d’Amboise, contre Louis XI, au sujet
de la vicomté de Thouars et autres terres ayant appartenu à
Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, et que le roi s’était
adjugées au détriment de Louis de La Trémoïlle et de ses
enfants. Il avait donné une bonne partie de cette dépouille,
comme l’on sait, à Philippe de Commynes. Peu de temps avant sa
mort, il eut, paraît-il, des remords et reconnut, en présence de
témoins, l’iniquité de sa conduite dans cette affaire. La
régente, Anne de Beaujeu, prescrivit une enquête sérieuse qui
aboutit à la restitution de l’héritage de Thouars aux La
Trémoïlle. Mlle Dupont, dans son édition des
Mémoires de Commynes, a publié en appendice ces très
curieux documents qui avaient été connus de M. de La Fontenelle
de Vaudoré (Commynes en Poitou) et dont il ressort que
Jean Chambon, témoin d’une destruction de titres contraires aux
prétentions de Louis XI, avait tenu en cette
circonstance un langage d’une indépendance relative vis-à-vis du
roi et surtout vis-à-vis de Commynes, dont il est juste de lui
tenir compte, quoique en définitive il dut se soumettre à la
volonté despotique de son terrible maître. (Voy. les
Mémoires de Commynes, édit. par Mlle Dupont
pour la Société de l’hist. de France, t. III, p. 80-128.) Sous
Charles VIII, Jean Chambon fut maintenu dans son
office de maître des requêtes ordinaire de l’hôtel, et il en
exerça les fonctions jusqu’à sa mort, arrivée le 8 juin 1490 ;
il était âgé de soixante-six ans et fut inhumé dans le couvent
des Filles de l’Ave-Maria à Paris, où son épitaphe a été
recueillie. Ses armes étaient d’azur à la tour d’argent maçonnée
de sable. Il avait épousé Marie, fille de Philippe des Courtils,
conseiller au Parlement, et plusieurs de ses descendants en
ligne directe furent aussi conseillers au Parlement de Paris
dans le cours du xvie siècle. (Blanchard, les
Genéalogies des maistres des requestes, in-fol.,
p. 215 ; La Chenaye-Desbois, Dict. de la noblesse, in-4°,
t. V, p. 46 ; E. Raunié, Épitaphier du vieux Paris,
in-4°, t. I, p. 287.)
10 Mandement du 19 mars 1473,
ordonnant de prendre au corps et d’amener prisonnier à la
conciergerie du Palais Pierre Marvilleau, François Gibert,
Antoine Cauchon et Jean de Beauvoir, à la requête du procureur
général, qui avait relevé des charges sérieuses contre eux, «
visis certis oneribus et informacionibus factis super
certis falsitatibus, subornacionibus testium et
confectionibus falsarum litterarum per Ludovicum Chabot,
militem, dominum de Gravia, seu ad ejus prosecucionem
factis, ut dicitur, perpetratis in certo processu nuper
pendente in dicta curia nostra, inter dictum Ludovicum
Chabot, ex una parte, et dilectum nostrum Johannem de
Jambes, eciam militem, dominum de Montsoreau, ex parte
altera, racione successionis domini d’Argenton … »
(Arch. nat., X2a 40, fol. 55 v°). — Les procès touchant
la succession d’Argenton commencèrent peu de temps après la mort
d’Antoine sire d’Argenton (1461). Sa principale héritière était
sa sœur aînée, Brunissende, veuve de Thibault IX
Chabot, sr de la Grève, mère de Louis et de Jeanne, cette
dernière femme de Jean de Chambes. Ce fut celui-ci qui ouvrit
les hostilités. Le défunt était tenu envers lui à 2.200 livres
de rente à prendre sur ses biens. C’était une somme considérable
et qui engageait sinon la totalité, du moins une bonne partie de
la succession ; le sr de Montsoreau réclama son dû à sa
belle-mère, et un arrangement amiable termina ce premier
différend (1463). C’est alors que Louis Chabot, sr de la
Grève, intervint. Il avait été en procès avec Antoine d’Argenton
à propos de la tutelle de sa personne et de ses biens exercée
par Guillaume d’Argenton, père d’Antoine, dont l’administration,
disait-il, avait été désastreuse pour lui. C’était l’explication
qu’il donnait d’une prétendue lettre d’Antoine, qui lui faisait
cession, post mortem, d’Argenton et autres biens, pour le
dédommager. Ce titre avait été produit par Chabot dès avant le
12 septembre 1463, car à cette date déjà, Jean de Chambes
l’arguait de faux, ainsi que deux autres actes. (X2a 30,
fol. 259, 262, 276, 280 v°.) Le Parlement ne se prononça que le
19 mai 1469 ; l’arrêt expose toute la procédure antérieure,
énumère les nombreux châteaux, terres, fiefs et autres biens
ayant appartenu à feu Antoine d’Argenton, écarte la présomption
de faux, admet les pièces produites comme authentiques et envoie
le sr de la Grève en possession du château d’Argenton et
de la moitié du domaine, non seulement de cette seigneurie, mais
de toutes les autres provenant de la succession ; le reste est
abandonné à Jean de Chambes, sauf à acquitter certaines rentes
dont ladite succession était grevée. Louis Chabot avait donc
obtenu gain de cause, grâce à un titre suspect, mais dont la
fausseté n’avait pu être établie. (X1a 101,
fol. 85-87 v°.) Le sr de Montsoreau n’en prit pas
aisément son parti. D’abord, pour se venger de Marguerite de
Razilly, veuve de sr d’Argenton, qu’il considérait non
sans raison comme complice du sr de la Grève, il fit
saisir les meubles du château de la Motte-Coupoux, dont elle
jouissait en viager pour partie de son douaire, par sentences de
Jean Chambon, lieutenant du sénéchal, et de Jean Favereau,
prévôt de Poitiers ; mais en ayant appelé au Parlement,
Marguerite obtint la cassation des décisions des premiers juges,
par arrêt du 18 avril 1470. (X2a 36, fol. 288 v°.)
Persuadé qu’il y avait eu subornation de témoins, que des faux
avaient été commis, Jean de Chambes ne se tint pas pour
définitivement battu. Il entama de nouvelles poursuites contre
le sr de la Grève, devant le lieutenant du sénéchal de
Poitou, puis devant le Parlement de Bordeaux, installé
temporairement à Poitiers, qui, à la requête de Louis Chabot
lui-même, évoqua l’affaire. Des plaidoiries y furent prononcées,
le 17 décembre 1470 et les 20 et 26 août 1471, d’après l’unique
registre qui nous reste des archives de cette cour, pendant son
séjour à Poitiers. (X1a 4812, fol. 32 v°, 165, 166.) On
comprendra que nous ne puissions pas entrer dans le détail de
cette procédure, ce qui nous entraînerait beaucoup trop loin. En
même temps, le sr de Montsoreau s’était adressé en cour
de Rome et en avait obtenu « lettres de significavit, par
lesquelles il feit ad monester tous ceulx qui retiennent le sien
et qui ont dit en justice contre leurs consciences, en son
prejudice, et les feit signifier et publier à la Chapelle
Saint-Laurent, où demoure lad. dame (Marguerite de Razilly) qui,
ce oy, feit conscience de ce que a fait et deposé en ceste
matière, et parce revelé à Jambes le cas et luy en feit apparoir
par l’obligation qu’elle a du sr de la Grève, et par les
memoires et lettres nuisibles » qu’il lui avait adressés pour se
mettre d’accord sur leurs fausses dépositions. (X2a 39,
date du 10 juin 1473.) Ainsi la veuve d’Antoine d’Argenton
elle-même avait avoué sa participation à la fabrication du faux
titre. Sa confession, jointe à celle de Pierre Marvilleau et de
François Gébert, promettait à Jean de Chambes une revanche
éclatante. L’affaire fut donc introduite de nouveau au Parlement
de Paris, où le sr de la Grève porta contre le sr
de Montsoreau une plainte reconventionnelle en subornation de
témoins et obtint, le 2 avril 1471, une ordonnance
d’information. (X2a 38, fol. 57.) Nous avons vu les
incidents résultant des rémissions obtenues par Marvilleau et
Gébert et de l’opposition de Jean de Chambes à leur mise à
exécution ; mais les registres criminels ne fournissent plus, à
partir du 15 juin 1474 (X2a 40, fol. 64 v°) aucun
renseignement sur le fond de l’affaire. Il est vraisemblable que
quelque puissant personnage prit l’initiative de la soustraire à
l’autorité judiciaire et de la terminer par un compromis, par
une satisfaction secrète donnée par le sr de la Grève à
son beau-frère. On sait en tout cas que les château, terre et
seigneurie d’Argenton restèrent en fin de compte à Jean de
Chambes, et qu’il les céda, moyennant une somme de 30000 écus
payée par le roi, à sa fille Hélène et à son gendre Philippe de
Commynes, par leur contrat de mariage. (Mémoires de
Commynes, édit. de Mlle Dupont, t. III, Preuves, p. 40,
183.)
11 Philippe de Commynes,
gendre de Jean de Chambes, sr de Montsoreau. (Contrat de
mariage du 27 janvier 1473 ; Mlle Dupont, édit. des
Mémoires, t. III, p. 38-53.) Sur sa qualification de
sire de Roscur (Renescure) cf. ci-dessus, p. 339, note.