MDXVIII
Confirmation royale des statuts donnés par les maires et échevins de Poitiers aux chaussetiers de cette ville1.
- B AN JJ. 197, n° 366, fol. 196
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 354-362
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons [p. 355] à tous, presens et avenir, [que] receu avons l’umble supplicacion des maistres jurez du mestier de chausseterie en nostre ville et cité de Poictiers, contenant que puis certain temps ença, à l’occasion de plusieurs plainctes qui venoyent des faultes et abuz qui se faisoient oudit mestier par ceulx qui s’en entremettoyent et leurs varlez et serviteurs, et aussi pour les debatz qui chacun jour sourvenoyent entre les maistres d’iceluy mestier, pour ce qu’ilz prenoient les varlez et apprentiz les ungs des autres, sans avoir regard s’ilz avoyent parachevé leurs services, furent faictes et avisées, pour le bien de la chose publique de ladicte ville, par les maire, bourgeoys et eschevins d’icelle, certains statuz et ordonnances dont lesdiz supplians ont jusques à present usé et usent, desquielx statuz et ordonnances la teneur s’ensuit :
Les maire, bourgoys et eschevins de la ville de Poictiers, à tous
ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, salut. Comme par
cy devant plusieurs plaintes et clameurs nous ayent esté et soient
de jour en autre faictes de plusieurs abuz, deffaulx et meffaiz qui
ont esté et sont par chacun jour faiz en ladicte ville ou mestier de
chausseterie et ès ouvrages d’iceluy, tant par aucuns qui
s’efforcent ledit mestier faire et excercer, jà soit ce qu’ilz n’y
soyent expers ne cognoissans deuement, aussi par les maistres dudit
mestier en fortrayant les apprentiz et varletz les ungs des autres,
que autrement en plusieurs manières, et dont s’ensuyvent et
pourroient ensuyr plusieurs inconveniens, ou très grant prejudice et
interest de la chose publicque de ladicte ville, et plus pourroit
estre, si provision convenable n’estoit sur ce donnée, comme avons
esté deuement advertiz ; savoir faisons que nous, desirans la police
et gouvernement de ladicte ville estre faictz et entretenuz par
bonne manière et ordre, et voulans pourveoir, à nostre povoir,
ausdiz deffaulx et abuz, par grant deliberacion et adviz, et en
presence et du consentement de Guillaume [p. 356] Talineau,
Jehan Maillet, Huguet de Pousses, Jehan d’Alençon, Jehan de
Janailhac, Guillaume Bourcicaut, Pierre Policet, Macé Massue, André
Rivière, François Favereau, Guillaume de Varennes, Jaques Aymon,
Jehan Cordeau, Pierre Lymosin, Robert Rableau, Colas Corgeon, Jehan
Rabillon, Mery Gobin, Guillaume Margain, Micheau Turqin, Cibart
Massoulart, Jehan Foucault, Martin Thibault, André Gautier et Colas
Teneguy, tous maistres dudit mestier, avons sur et touchant iceluy
mestier fait, ordonné et estably, et par ces presentes faisons,
ordonnons et establissons les statuz et ordonnances qui
s’ensuyvent :
Et premierement, que celuy qui vouldra doresenavant lever ouvrouer
dudit mestier en ladicte ville ou ès faubourgs d’icelle, sera tenu
d’aler par devers les jurez qui lors seront d’iceluy mestier, leur
exposer que son entencion est de lever ledit ouvrouer et leur
requerir qu’ilz luy ordonnent son chief d’euvre à faire. Et lors
lesdiz jurez seront tenuz luy bailler et declairer ledit chief
d’œuvre, et s’ilz en sont refusans ou delayans, seront amandables
envers la ville, et y sera pourveu par nous dit maire et noz
successeurs, ainsi que verrons estre à faire.
Item, que aucun ne sera receu ne passé maistre oudit mestier ne à
lever et tenir ouvrouer d’iceluy, jusques ad ce qu’il ait esté
approuvé et experimenté par lesdiz jurez, et sinon qu’il puisse et
saiche faire en une aulne de drap de cinq quartiers de large deux
paires de chausses à homme à coign et talon et sans avant pié, l’une
paire longue de troys quars et demy et l’autre paire de troys quars,
et aussi qu’il puisse et saiche faire en une aulne de drap de cinq
quartiers de leze quatre paires de chausses à femme et l’avant pié
de mesme drap, c’est assavoir deux paires à moufle et les autres
deux à pié copé.
Item, que celuy qui aura fait lesditz chiefz d’euvre sera par lesdiz
jurez presenté à nous dit maire, nosdiz successeurs, ou à noz
commis. Et s’il est suffisant et expert, sera [p. 357] par nous
receu et passé maistre oudit mestier, en faisant serment que bien et
loyaulment l’excercera, sans y faire fraude ne abuz, en payant pour
sadicte recepcion et passement de maistre, pour une foiz, la somme
de quatre escuz, moitié à ladite ville et l’autre moitié à la
confrairie dudit mestier, avec le disgner aux maistres dudit
mestier.
Item, que les maistres et ouvriers dudit mestier ne joindront vielh
(sic) en quelque lieu ne endroit que ce soit, et ne
fourniront d’autre sorte de drap que de celuy mesme dont seront les
chausses, si ce n’estoit les avant piez des chausses qui seront de
legier prix, et aussi en chausses fetisses2. Et seront toutes coustures
faictes à surget rabatues et cousues de bon fil retors, sur paine de
dix solz d’amende, moitié à la dicte ville, et l’autre moitié à
ladicte confrairie.
Item, que toutes chausses à braye et locquet3
seront bien garnyes dedans et dehors, et s’il y a deffault qu’elle
ne soient garnies dedans jucques à l’atache de derrière, celuy qui
l’aura fait sera tenu y mettre une lyeure4 et amandable de
sept solz six deniers à applicquer comme dessus.
Item, que tout ouvrage tant de chausses que
d’escafignons5 ou chaussons, qui sera trouvé fait de
drap qui ne seroit moillé et retraict, sera prins et bruslé et celuy
[qui aura fait] ledit ouvrage sera amandable de vingt solz, à
applicquer comme dessus.
Item, que nulz cousturiers ou gens d’autre mestier ne feront ne
excerceront ledit mestier de chausseterie, sinon que à iceluy ilz se
veueillent arrester et qu’ilz y soient receuz et passez maistres,
comme dit est dessus. Et si aucuns desdiz cousturiers ou d’autre
mestier sont trouvez [p. 358] faisans ou vendans chausses à
detail en ladicte ville ou faubourgs, icelles chausses et ouvrage
seront confisqués, si non que se feussent les merciers qui pourront
vendre chausse de bale6 en gros, comme ilz ont
acoustumé, et chausses de petis enffans de six ans et au
dessoubz.
Item, que aucun des maistres dudit mestier ne pourra tenir en son
hostel que ung apprentiz à la foiz, sur peyne d’amende ; et payera
ledit apprentiz, à son entrée, cinq solz qui seront à ladicte
confrairie.
Item, que aucun des maistres dudit mestier ne fortraira l’apprentiz
ou varlet de l’autre, sur peine de soixante solz d’amende, moitié à
ladicte ville et l’autre moitié à ladicte confrairie.
Item, que les enffans desdiz maistres, pourveu qu’ilz soient expers
et suffisans, pourront lever et tenir leur ouvrouer en payant
seulement leur disgner ausdiz maistres dudit mestier.
Item, que si aucun ouvrier dudit mestier veult prandre à femme la
fille d’aucun desdiz maistres, il sera receu à lever son ouvrouer en
faisant son chief d’euvre, pourveu qu’il soit trouvé expert. Et ne
payera, pour son passement de maistre, fors seulement deux escuz,
moitié à ladicte ville et l’autre moitié à ladicte confrairie, et le
disgner ausdiz maistres dudit mestier.
Item, que après le trespas d’aucun desdiz maistres, sa veufve pourra
continuer et faire excercer ledit mestier tant qu’elle se tiendra en
viduité, maiz si elle se remarie à autre qui par avant ne seroit
maistre oudit mestier, il n’en tiendra plus ouvrouer, sinon qu’il
face son chief d’euvre et paye tous les droitz et devoirs, comme
dessus est dit.
Item, que toutes chausses blanches ou d’autre sorte que l’on garnist
de toille seront garnies de bonne et proffitable [p. 359]toille, bien et suffisanment surpointée, sur peine de sept solz
six deniers tournois d’amende, à applicquer comme dessus.
Item, que quant aucun maistre dudit mestier ira de vie à trespas,
tous les autres maistres d’icelluy mestier seront tenuz acompaigner
son corps et se trouver au service de son obit, sur peine d’une
livre de cire à ladicte confrairie à applicquer.
Item, que pour l’entretenement dudit mestier et garder qu’il n’y ait
fraudes ne abuz, seront par chacun an esleuz par lesdiz maistres
ordonnés par nous dit maire et nosdiz successeurs, deux preudes
hommes d’iceulx maistres, qui feront serment de bien et loyaulment
excercer leur office et de faire visitacion de leur ouvrage de
quinzenne en quinzenne pour le plus loign, et feront rapport de
toutes les fraudes et abuz qu’ilz y trouveront, sans par crainte,
faveur ou hayne aucune chose en receler. Et dès à present ont lesdiz
maistres esleuz jurez pour ceste presente année lesdiz Tallineau et
Huguet de Pousses, lesquielx avons commis et ordonnez à ce, o ce
qu’ilz nous ont fait le serment tel que dit est dessus.
Et ont promis et juré tous les dessus diz, pour eulx et leurs
successeurs maistres dudit mestier, ces presens statuz et
ordonnances tenir, observer et garder inviolablement et sans faire
ne venir au contraire, dont les avons jugiez et condempnez, de leur
consentement. Et afin que ce soit chose ferme et estable à
tousjours, nous avons mis et apposé à ces presentes nostre seel, le
xxve jour de janvier l’an mil
iiiiclxxii.
Ainsi signé : J. Rideau, maire7, J. Repin, [p. 360]procureur8 et P. Estève9 pour registre, et scellées de cire
vert à double queue.
[p. 361] Et pour ce que iceulx statuz et ordonnances n’ont encores esté par nous auctorisées ne approuvées, se sont lesdiz supplians tirez par devers nous, en nous requerant humblement iceulx statuz et ordonnances avoir agreables et les ratiffier, louer et approuver, en tant que mestier est, et avec ce, que nul maistre dudit mestier ne la veufve d’aucun maistre ne puissent tenir que ung seul ouvrouer en la dicte ville et faubourgs, lequel ouvrouer ilz ne pourront louer, affermer ne transporter à autre personne dudit mestier, se eulx mesmes ne le tiennent en leurs personnes, et sur ce leur impartir nostre grace. Nous, les choses dessus dictes considerées, inclinans à la requeste desdiz maistres jurez dudit mestier, supplians, lesdiz statuz et ordonnances dessus declarées avons ratiffiez, louez et approuvez, louons, ratiffions et approuvons, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, et voulons iceulx estre entretenuz et gardez de point en point, selon leur forme et teneur. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant, que de nostre presente grace, ratifficacion et approbacion face, seuffre et laisse lesdiz supplians doresenavant joir et user plainement et paisiblement, et iceulx statuz et ordonnances [p. 362]tenir et entretenir et garder de point en point, selon leur forme et teneur, sans faire ne souffrir estre fait aucune chose au contraire, ains, se fait, mis ou donné estoit, le mettre ou faire mettre, sans delay, à plaine delivrance. Car ainsi le voulons et nous plaist estre fait. En tesmoign de ce, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes, sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné au Plesseiz du Parc lez Tours, ou moys de mars l’an de grace mil iiiiclxxii, et de nostre règne le xiie.