MDXXIX
Rémission donnée en faveur de Guillaume Huldot, clerc, coupable du meurtre de Colas Regnault, dit Audouin. Jean Huldot, curé de Blanzay, se voyant contester par Jean de Saint-Amant la dîme de blé des Combes-de-Frost, avait emmené Guillaume, son frère, et six hommes, un soir, fort tard pour la récolter et en prendre possession. Le cultivateur du champ et ses compagnons s’y étant opposés par la force, Guillaume Huldot, en résistant à celui-ci, lui avait porté un coup mortel.
- B AN JJ. 194, n° 368, fol. 207
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 403-406
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Guillaume Huldot, clerc, contenant que à l’occasion de ce que Jehan Huldot1, prebstre, curé de Blanzay, son frère, se disoit avoir droit de disme en la parroisse dudit Blanzay et mesmement en certains lieux appellez de Combes de Frost qui sont assis en ladicte parroisse, et aussi que ung nommé Jehan de Saint Amant, qui [p. 404] pretendoit semblablement droit en la disme d’aucuns lieux assis en la dicte paroisse et mesmement audit lieu des Combes de Frost, s’estoit vanté que par voye de fait il lieveroit ladicte disme, icellui Jehan Huldot, suppliant (sic), prebstre, curé susdit, pour le vouloir empescher et garder sa possession, dist audit suppliant son frère, le jour saint Marsault, qui fut le jour du moys de …2 derrenier passé, qu’il convenoit qu’il allast avecques lui èsdiz lieux où ladicte disme lui estoit deue, pour la lever, en lui disant qu’ilz menassent des bonnes gens de labour avecques eulx, pour la faire soyer. Lequel suppliant en fut content ; et à ceste cause, ledit Jehan Huldot et aussi ledit Guillaume Huldot, son frère, suppliant, devers le soir se transportèrent, ledit jour, audit lieu des Combes de Frost ; lesquelz, pour doubte dudit Jehan de Saint Amant, portèrent des bastons, c’est assavoir ledit Jehan Huldot, son espée, et ledit suppliant une javeline, et menèrent avecques eulx Jehan Guyon, Vincent Charoux et Jehan Dixmer, Simon Chaffault, Jehan Durant et Jehan Dixmer le jeune, tous gens de labeur, avecques leurs faulcilles, pour soyer le dixme seiglon du blé, pour droit de disme, et menèrent avec eulx une charrète pour amener les gerbes d’icelle disme. Et quant ilz furent audit lieu des Combes de Frost, ledit suppliant et son frère firent seyer ledit dixiesme seiglon en certains champs que labouroit ung nommé Colas Regnault, dit Audouyn, par les dessus diz, qui estoit heure tarde et devers le soir, et après que les gens des champs s’en estoient allez. Ce qui fut rapporté audit Colas Regnault, dit Audouyn. Et combien que en ce il n’eust aucun interest, par ce que il ne veult pas nyer que la disme ne feust deue, neantmoins Anthoine Texereau, [p. 405] son gendre, se transporta avec ung voulge contre lesdiz Jehan Guyon, Vincent Charroux, Jehan Dixmer, l’ainsné, et Jehan Dixmer, le jeune, Symon Chaffault et Jehan Durant, lesquelz avec leurs dictes faulcilles seyoient ledit blé. Et tantost qu’il fut oudit champ, sans aucune chose dire, frappa sur eulx de sondit voulge à bras destourné et les bati tellement qu’il mist en fuyte lesdiz Simon Chaffault, Guillaume Huldot, suppliant, Jehan Durant et Jehan Dixmer, le jeune, lesquelz à ceste cause firent ung grand cry, et audit cry survint ledit Jehan Huldot, frère dudit suppliant, qui cuydoit que on l’eust tué, occis et murdry ; et quant ledit Texereau les vit, il s’en fouyt. Et tantost après ledit Regnault, dit Audouyn, s’en vint oudit champ, une fourche en la main et avec lui trois, quatre ou cinq compaignons, lesquelx avoient voulges, javelines et autres bastons ; et incontinant qu’ilz furent arrivez illec, coururent sus audit suppliant, en eulx efforçant l’estocquer, et mesmement ledit Regnault Audouyn de sadicte fourche ; mais ledit suppliant mist au devant sa dicte javeline, pour obvier à la fureur dudit Audoyn, de laquelle il l’eust estocqué et blecé plusieurs foiz, s’il eust voulu, mais doubtant estre cause qu’il l’eust tué dudit estoc, ne le voulut estocquer de sadicte javeline, en disant qu’il ne lui demandoit riens et qu’il s’en allast ; et pour ce qu’il ne se voult departir, pour obvier à la fureur dudit Audoyn qui s’efforçoit le murdrir et occire, leva seullement sadicte javeline oudit conflit et lui en bailla ung coup sur la teste, et l’attaingny d’avanture du tranchant, dont il le bleça fort, et tellement qu’il tumba à terre. Et après fut ledit Regnault, dit Audouyn, enmené dudit lieu, et quatre ou cinq jours après, par deffault de bon gouvernement ou autrement, alla de vie à trespas. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs, et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement [p. 406] requerant que il nous plaise lui impartir iceulx. Pour quoy nous, etc., voulans misericorde, etc., audit Guillaume Huldot, suppliant, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. soixante treize, et de nostre règne le treizeiesme, soubz nostre scel ordonné en l’absence du grant.
Ainsi signé : Par le Conseil. Gontier. — Visa. Contentor. F. Aude.