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MDXXXV

Lettres permettant à Marguerite de Culant, veuve de Louis de Belleville, chevalier, et à leurs enfants mineurs, de transformer Chavagnes-en-Paillers en place forte, avec union sous un seul hommage des seigneuries dudit Chavagnes, celle-ci en titre et chef-lieu, de la Copechagnière, des Brouzils, la Boissière et autres démembrées de la baronnie et châtellenie de Montaigu.

  • B AN JJ. 204, n° 71, fol. 45
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 423-428
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, comme en faisant par nous avec feu Loys de Belleville, en son vivant chevalier et nostre cousin, le traicté et appoinctement d’eschange de la baronnie, chastellerie et seigneurie de Montagu en Poictou, que il nous a baillé et mis en noz mains soubz les condicions et reservacions plus à plain contenues et declairées en icelluy traicté1, par le quel, entre [autres] [p. 424] choses nous ayons voulu et reservé à icellui nostre cousin les parroisses de Chaveignes, de la Coppe Chaignière, les Brousilz, la Boycère, les enclaves de Saint Denis, de Saint Fulgent, certains hommages et autres choses, ainsi qu’elles sont bien au long specifiées par ledit traicté, par le moyen duquel icelles parroisses, lieux et choses demeurent à icelluy nostre cousin et à ses hoirs, comme desmembrées et sepparées de ladicte baronnie et seigneurie de Montagu, de nostre vouloir et consentement, pour en joir par lui et les siens doresenavant perpetuellement, en tout droit de chastel et chastellenie, justice et juridicion haulte, moyenne et basse èsdictes parroisses, enclaves et hommages ès lieux et choses estans au dedans des fins et mettes desdictes parroisses, et autres choses par luy reservées, ensemble et de tous les fruiz, prouffiz, emolumens, hommes, hommaiges, gardes, ligences et autres revenues, telz, ainsi et par la forme et manière que les manans, habitans, hommagiers et tenenciers des lieux et choses estans au dedans desdictes parroisses et enclaves [p. 425] et autres lieux reservez, avoient acoustumé faire, rendre et paier, par avant ledit appoinctement, audit chastel et seigneurie de Montagu, et que par la teneur d’icellui traicté eussions voulu, consenty et octroyé que lesdiz lieux, dommaines et heritages, avec les hommes, subgectz et tenenciers desdiz lieux et choses reservées fussent doresenavant subgectz, unyz et obeissans en tous droiz de chastel, chastellenie, justice et juridicion haulte, moyenne et basse du chastel et seigneurie de Belleville, tout ainsi et par la forme et manière qu’ilz estoient ou povoient estre subgectz et obeissans en tous droiz d’icelle baronnie et seigneurie dudit Montagu, jasoit ce que lesdictes choses reservées en ladicte seigneurie de Belleville ne fussent d’un mesme ressort. Toutesfoiz pour ce que, depuis ledict traicté et appoinctement d’eschange, ledit de Belleville est alé de vie à trespas, delaissée nostre chière et amée cousine Marguerite de Culant, en son vivant sa femme, et aussi Loys, Katherine, René et Marguerite, ses enffans, mineurs d’ans et en bas aage2, desquelz nous avons à nostre dicte cousine ordonné et baillé le bail, garde, gouvernement et administracion et de leurs biens et choses, ensemble icelle nostre cousine, ès noms dessusdiz, doubtant que soubz umbre et à l’occasion de ce que lesdictes parroisses, lieux et choses reservées estans [p. 426] soubz et d’autre ressort que n’estoit ladicte seigneurie de Belleville, qui estoit ressortissant de la terre, chastel et seigneurie de la Roche sur Oyon, laquelle ressortist nuement en nostre court de Parlement sans moyen, les hommes, vassaulx, subgectz, estaigiers et habitans èsdictes choses reservées voulsissent ou peussent faire grant difficulté pour le temps avenir d’estre desobeissans et vouloir recongnoistre estre subgectz et unyz à ladicte seigneurie de Belleville, et que, par ce moyen, elle ou les siens èsdiz noms fussent desormais en danger de cheoir en grans involucions de procès et contraintes avec lesdiz hommes, subgectz et estagiers, et n’en peussent de long temps joir paisiblement, nous ait icelle nostre cousine, ès noms que dessus, humblement fait supplier et requerir que, pour obvier aux choses dessusdictes et actraire à soy lesdiz hommes, subgectz et estagiers, il nous plaise lui donner congié et licence de faire place forte au lieu de Chaveignes, qui est le lieu le plus aisé, moins grevable et agreable pour elle et lesdiz subgectz pour estre chief de l’ommage desdictes choses, et auquel lieu de Chaveignes iceulx hommes, subgectz et estagiers soient tenuz de faire et entretenir lesdiz usaiges, gardes, ligences, guet et garde, de illec rendre, paier et porter les deniers et autres droiz et devoirs qu’ilz sont tenuz rendre, payer et porter à icelle nostre cousine, èsdiz noms, et aux successeurs dudit de Belleville, tout ainsi que ilz avoient acoustumé faire audit lieu de Montagu, et sur ce lui impartir nostre provision convenable, en ensuivant ledit traicté et appoinctement.

Pour ce est il que nous, voulans entretenir à icelle nostre cousine et à sesdiz enffans les choses par nous promises par ledit traicté, en voulant user de bonne foy envers elle, ainsi que a fait ledit deffunct son mary, en acomplissant de sa part les choses qu’il nous avoit promises, et aussi la preserver et sesdiz enffans pour le temps [p. 427] avenir desdictes pertes, dommages et interestz qu’ilz pourroient avoir, par faulte de non avoir fortiffié audit lieu de Chaveignes, à icelle pour ces causes et consideracions et autres à ce nous mouvans, avons donné et octroyé, donnons et octroyons, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, congé et licence, povoir et faculté de faire chastel et place fort audit lieu de Chaveignes, et que elle puisse èsdiz noms icellui lieu fortiffier et reparer, et y construire, bastir et ediffier tours, tournelles, murailles, portaulx, barbecanes, ponts leveïz et icelle environner de fossez et autres fortifficacions, telles et ainsi que bon lui semblera et que faire le pourra. Et de nostre plus ample grace et auctorité royal, en ensuivant lesdiz traicté et appoinctement, luy avons derechief et d’abondant octroyé et octroyons, voulons et nous plaist que ledit lieu, chastel et place fort soit doresenavant le lieu et chef d’ommage desdiz lieux et choses reservées, dont dessus est faicte mencion, plus à plain contenues et declairées par lesdiz traicté et appoinctement, et lesquelles nous y avons, de nosdictes puissance et auctorité, de nouvel, en tant que mestier seroit, joinctes, incorporées et unyes, joignons et unyssons à tousjours maiz, sans ce que, ores ne pour le temps avenir, elles en puissent estre separées ne desjoinctes, soit à cause du ressort et souveraineté deu à chastel et chastellenie ancien, de toute justice et juridicion haulte, moyenne et basse, et aussi de guet et de garde et autres droiz qui en deppendent et pevent deppendre ou autrement, en quelque manière que ce soit ; et lesquelz droiz nous lui avons, en tant que mestier est ou seroit, de nouvel donnez et octroyez au dit lieu de Chaveignes, donnons et octroyons, de nosdictes grace et auctorité, par ces presentes. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostre court de Parlement et de noz comptes à Paris, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, [p. 428] ou à leurs lieuxtenans ou commis, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartiendra et qui requis en sera, que le contenu en ces dictes presentes ilz publient et signiffient ou facent publier et signiffier en nos dictes cours et aillieurs où mestier sera, et dudit contenu facent, seuffrent et laissent icelle nostre cousine èsdiz noms et ses successeurs et ayans cause joir et user plainement et paisiblement, sans pour ce leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné ès choses dessus dictes, ne en aucunes d’icelles, aucun destourbier, arrest ou empeschement, ores ne pour le temps avenir, ne pour ce les molester ou travailler, ne souffrir estre molestez ou travaillez en corps ne en biens, en aucune manière, ains se fait, mis ou donné leur avoit esté ou estoit, aux causes dessus dictes ou d’aucunes d’icelles, en quelque manière que ce soit, si l’ostent et mettent, ou facent oster et mettre sans delay à plaine delivrance et au premier estat et deu, et à ce faire et souffrir contraingnent ou facent contraindre tous lesdiz hommes et subgectz, tenanciers et autres qu’il appartiendra, par toutes voyes deues et en tel cas requises, non obstant opposicions ou appellacions quelxconques, pour lesquelles ne voulons en ce aucunement estre differé ne retardé, car ainsi le voulons et nous plaist estre fait, nonobstant comme dessus et quelxconques ordonnances, mandemens, restrinctions ou deffenses à ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces dictes presentes. Sauf toutesvoyes en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Senlis, ou moys de may l’an de grace mil cccc. soixante quatorze, et de nostre règne le treziesme3.

Ainsi signé : Par le roy. G. Avrillot. — Visa.


1 Cf. ci-dessus, p. 397, note. Le texte de ce traité, daté de Sablé, le 4 août 1473, est conservé dans un vidimus du 11 juin 1474. Voici le texte de l’article de ce traité relatif aux réserves rappelées ici : « Et par ces presentes pactions et convenances, du consentement du roy, nostre dit sire, lad. dame (Marguerite de Culant) a reservé expressément pour ledit seigneur son mary (Louis de Belleville) de ladicte seigneurie de Montagu les parroisses de Brousilz, avecques la forest de Gralac, Chavaignes, la Couppe Chenière, la Boissière o les enclaves de Saint Denis et de Saint Fulgent, o tous les drois, prouffis, rentes et devoirs deubz ès d. parroisses à la dicte seigneurie de Montagu ; et en oultre les hommages de Beaurepaire, que doit le seigneur de Tiffauges, les hommages de la Barretière, de Basoges, de Saint Fulgent, que doit le seigneur de la Jarrie, l’ommage du fief des Essars que souloient faire les conte et contesse de Penthièvre, les hommages de la Tavernerie et de la Martelière que doit le seigneur de Passavant, l’ommage de Rochecervière, les hommages de Painfault et du Planteys, que doit le seigneur de la Guionnière, l’ommage de la Secherie, que doit François Louer, l’omage du Noirlieu, o le guet dudit lieu, avecques les drois, prerogatives et noblesses deppendant desdiz hommages, for et réservé au roy nostre dit sire ceulx qui sont en la ville de Montagu et au dedans des fossez dudit lieu … ; pour recompense desquelz hommages, le roy nostre dit seigneur en aura autant et à estimacion et valeur égale en la seigneurie de Montmorillon qu’il a donnée et donne à la dicte dame de Belleville … » Il était stipulé, en outre, que les hommages ainsi réservés à Louis de Belleville et à ses successeurs lui seraient rendus désormais au château de Belleville, substitué pour cet effet à celui de Montaigu. (Arch. nat., J. 183, n° 159.)

2 Les noms des enfants de Louis de Belleville et de Marguerite de Culant sont bien présentés de cette façon sur le registre du Trésor des Chartes, ainsi que sur celui du Parlement, où le même acte est transcrit. (Arch. nat., X1a 8607, fol. 17.) Mais dans les lettres patentes données à Senlis, le 3 mai 1474, pour régler les conditions dans lesquelles Marguerite de Culant exercerait la tutelle de ses enfants mineurs, on les trouve désignés ainsi : Louis, Catherine, Regnée et Marguerite. (Id., fol. 245.) La même, agissant au nom de sa fille aînée Catherine, femme de Philippe de Cousdun, écuyer, sr des Ouches et de Migré, vendit à Jean Mérichon, sr du Breuil-Bertin et Lagord en Aunis, et d’Auzance près Poitiers, chambellan du roi, gouverneur de la Rochelle, son cousin, la tierce partie de la seigneurie d’Andilly, moyennant cinq cents écus d’or. Dans l’acte de vente passé à Migré, le 16 juin 1478, les trois mineurs sont nommés Louis, Renée et Marguerite. (Bibl. nat., ms. 26763, Pièces orig., vol. 279, n° 18.) Le troisième des enfants de Louis de Belleville était donc bien une fille et non un fils.

3 Les mêmes lettres furent enregistrées, sauf réserve, au Parlement de Paris, par arrêt du 11 mai 1475, ainsi conçu : « Lecta, publicata et registrata, absque prejudicio processus pendentis in curia inter Anthonium, Jacobum et Egidium de Belleville, fratres, Bertrandum Larcevesque (sr de Soubise) et Mariam de Belleville, ejus uxorem, opponentes, et procuratorem generalem regis, tanquam Margarete de Culant garandum. Actum in Parlamento, undecima die maii anno m°ccccmo sexagesimo quinto. Sic signatum : Brunat ». (Arch. nat., X1a 8607, fol. 17.)