MCCCCLXXXI
Rémission en faveur de Jean Taillebeuf, le jeune, marchand mercier de Melle, prisonnier à Fontaines, pour le meurtre d’un homme dans une rixe.
- B AN JJ. 196, n° 185, fol. 116 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 225-227
Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Taillebeuf, le jeune, marchant, demourant à Melle, contenant que, le lundi xxixe jour de janvier dernier passé, ledit suppliant qui est ung jeune marchant, en l’age de xxv. ans et se mesle du fait et estat de mercerie, vint du lieu de Nesré, où il avoit ledit jour desplayé sa marchandise, au lieu de Romasières en l’ostel de Lucas Rateau, ouquel hostel il avoit acoustumé de soy loger, et en sa compaignie quatre autres marchans. Ouquel hostel ledit suppliant et lesdiz quatre autres marchans souppèrent et après soupper allèrent pensser leurs chevaulx, et après s’en tournèrent en la chambre où ilz avoient souppé, pour ce que en icelle ilz devoient coucher. En laquelle chambre ilz furent par aucun temps, en eulx chauffant et esbatant, attendans l’eure de coucher. Pendant lequel temps [p. 226] survindrent illec ledit Lucas Rateau, Jehan Beamont et Helyot Barraut, et eulx arrivez, firent lesdiz compaignons venir une pinte de vin, pour leur donner à boire. En buvant lequel vin, survint Guillaume David, demourant à Fontaines, lequel et aussi lesdiz Barraut et Beaumont estoient de nopces audit lieu de Romazières ; et lors dit ledit Rasteau qu’ilz coucheroient quatre en ung lict et troys en l’autre, pour loger lesdiz Beaumont et Barraut ; à qui fut par lesdiz marchans ou l’un d’eux respondu qu’ilz estoient logez leans et avoient bien payé leur escot et logiz, et qu’ilz coucheroient à leur aise. Et atant s’en ala ledit suppliant coucher en ung petit lit estant à l’urée devers la porte de ladicte chambre ; et ce voyant ledit Barraut se vint coucher audit lit, vestu, sans chausses, jouste ledit suppliant. Dont icellui suppliant ne fut content et le gecta en la venelle du lit et print son cousteau qui estoit au chevet du lit et d’icellui avec le fourreau lui donna sur l’eschine. Et ce voyant, ledit Barraut se leva et osta ledit cousteau audit suppliant et le mist sur ledit lict, disant que pour lui ne pour son coucher n’y auroit nulle noise. Et atant se recoucha ledit suppliant et, lui recouché, vint à lui ledit Guillaume David, enbastonné d’un grant pal de houlmeau vert, duquel il frappa ledit suppliant sur la teste, lui estant dedans ledit lit, dont ledit suppliant fut fort esmeu et se leva et print sondit cousteau, le tira de la gaine, en donna ung cop de revers au travers de la teste dudit David, au dessus de l’oreille, et si s’efforça lui en donner d’autres, et mesmement lui donna sur le colet de son pourpoint. Pour lesquelz coups le dit David, par mauvaiz gouvernement ou autrement, est allé de vie à trespassement. Et combien que depuis lesdiz coups donnez et avant le trespas dudit David, icellui David ait pardonné sa mort audit suppliant et declairé qu’il avoit esté agresseur et qu’il avoit fort oultragé ledit suppliant, et [que ledit suppliant ait] satisfait [p. 227] à partie, neantmoins icellui suppliant, à l’occasion dudit cas, a esté prins au corps et mis ès prisons de Fontaines1, et ses biens prins par les officiers dudit lieu ; èsquelles prisons il est encores detenu prisonnier, à grant povreté et misère, en danger de miserablement finer ses jours, se noz grace, etc. Au seneschal de Poictou, à son siège de Nyort, et à tous, etc. Donné à Tours, ou moys de fevrier l’an mil cccclxix, et de nostre règne le neufiesme.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Triboulé. — Visa. Contentor. Duban.