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MCCCCLXXI

Rémission en faveur d’Antoine de Mosnart, écuyer, et de ses trois fils, qui, attaqués par une troupe d’archers mis en embuscade par Janicot de Quéroy, se défendirent et frappèrent mortellement ledit Janicot, avec lequel ils étaient en contestation au sujet de la dîme du Puy de Mouterre, en la châtellenie de l’Isle-Jourdain.

  • B AN JJ. 196, n° 299, fol. 183 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 197-201
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Anthoine de Mosnart1, escuier, seigneur du Plas ou pays et conté de la Marche, et Jehan, Piarre et Françoys, frères, ses enffans, contenant que, tant à cause de la succession de ses feuz père et mère et autres ses parens, que aussi par acquisicions par luy faictes, il est seigneur dudit lieu du Plas et pluseurs autres hostelz, à cause desquelx il a pluseurs cens et rentes, et soit ainsi que, entre autres ses acquisicions, ilz eussent acquis luy et [p. 198] Maurice de La Lande2, oncle desdiz Jehan, Piarre et Françoys, ung hostel et villaige nommé le Puy de Moster, assis en la parroisse de Mouster oudit pays de la Marche, en la chastellenie de l’Ysle Jourdain, et autres cens, rentes, dixmes ; et pour ce que entre les autres choses de la dicte acquisicion estoit la disme dudit Puy, en laquelle le curé de la dicte parroisse voulut mettre et de fait mist debat et contradicion aux tenanciers dudit villaige pour ladicte dixme, et les voult contraindre à la payer ; lesquelx de ce faire furent reffusans, tellement que ledit curé les mist en procès par devant l’auditeur de Chauvigny pour nostre amé et feal conseiller l’evesque de Poictiers3, où lesdiz habitans appellèrent ledit Anthoine et ledit Maurice, lesquelx en prindrent le garentaige, et par certain renvoy en pend procès par devant nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, au moyen duquel procès lesdiz supplians et Maurice demourèrent possesseurs et en eurent la possession et entière joyssance, au veu et sceu desdiz Jehan, Françoys et Jehanne de La Lande, dudit Janicot4, et de [p. 199] tous autres qui l’ont voulu veoir et savoir. Pour ce que depuis aucun temps, lesdiz Jehan et Francoys de La Lande, à l’instigacion, comme on veult dire, dudit Janicot leur perastre et de Margarite, leur mère, ont de nouvel voulu pretendre droit en ladicte disme et autres choses, et ou moys de jung, jour saint Hilaire5, les diz Anthoine de Mosnar, suppliant, Janicot de Queroy et ledit Jehan de La Lande se trouvèrent au lieu de Lupchat, dont ledit suppliant est de parroisse, qui convia les dessus diz venir en sa maison disner, pour ce que c’estoit le jour de la sollempnité de la dicte parroisse, mais ilz ne voulurent accepter le convy et eurent parolles ensemble de trouver quelque appoinctement dudit debat. Et après lesdiz Janicot et de La Lande dirent audit Anthoine suppliant que ce soir viendroient soupper avec luy, au lieu du Plas, et prendroient aucun bon appoinctement ensemble, dont ledit Anthoine fut très content ; et cuidant que ainsi le feissent, fist très bien aprester à soupper, et y appella ledit Morice, affin d’estre à ung et acord. Mais au lieu de venir soupper, allèrent armez et embastonnez en certain champ estant des appartenances de ladicte mestaierie et illec fauchèrent et cuillirent le blé, non obstant qu’il ne fust encores meur. Laquelle chose venue à la congnoissance dudit suppliant, monta sur ung cheval, acompagné de Pierre, son filz, et quant ilz eurent ung pou chevauché, rancontrèrent ledit Jehan de La Lande, ung nommé Janot, archier de la compaignie [p. 200] dudit (sic) Sallezart6 et ung nepveu dudit Genicot, embuschez ; lesquelx incontinent et très malicieusement vindrent courir sus audit Anthoine, suppliant, et audit Pierre, son filz, et leur dirent plusieurs injures ; et après ledit Janot, archer, tira son espée sur ledit Pierre et l’eust tué, n’eust esté la resistence qu’il y fist. Et eulx estans en ce debat, survindrent lesdiz Jehan et Françoys du Mosnars, frères, enffans dudit Anthoine, et eulx arrivez audit lieu, audit chemin virent leurs diz père et frère à terre et commencèrent à chevaucher fort contre lesdiz Jehan de La Lande, Janot archer et ledit nepveu dudit Queroy, lesquelx se mirent en fuite. Lesquelx, en les poursuyvant, trouvèrent lesdiz Jehan, Pierre et Françoys du Mosnar, frères, assiz près du champ où estoit la question, où estoient v. ou vi. archers de la compagnie dudit Sallezart, pour les murtrir ou endomager ; lesquelx frères les mirent en fuyte. Et alors ledit Anthoine, leur père, vint et leur dist telz motz ou semblables : « Enffans, je ne puis plus ycy demourer, car je suis las et le cueur me fault, et à Dieu vous commans ». Et s’en retournoit vers son hostel. Et alors tous lesdiz malfaicteurs se ralièrent et vindrent sur lesdiz frères, et à la fin, ledit Jehan de La Lande, qui estoit à cheval, ce pendent que lesdiz frères se deffendoient des autres, vint par derrière les voullant tuer et les hurta si fort de son cheval qu’ilz tumbèrent à terre et les blessèrent ; et quant ilz furent relevez ledit Jehan du Mosnar donna de son espée d’estoc audit Janicot au dessus de la memelle jusques à l’espaulle ; et après s’en fouyrent les compagnons dudit Janicot. Lequel Janicot demoura illec et après alla de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, les diz supplians se sont absentez, etc. Au seneschal de Poictou, à son sieige de Montmorillon et à tous, etc. Donné [p. 201]à Tours, ou moys d’aoust l’an de grace mil iiiic lxix, et de nostre règne le ixe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Roland. — Visa. Contentor. Rolant.


1 Ou du Mosnard. D’Hozier a donné un fragment de la généalogie de cette famille, possessionnée en Poitou, Limousin et dans le comté de la Marche, mais il ne remonte pas au delà de Jacques écuyer, seigneur de Villefavard, marié en 1549. (Armorial général, in-fol., 1er registre, p. 394-395.)

2 Maurice de La Lande, écuyer, seigneur des Vaux et possesseur de quelques biens à Chaveigne en 1465, était le fils cadet de Guyot de La Lande, seigneur de Busserolles et de Chaveigne, et de Marguerite du Plessis. Il mourut avant 1487, laissant un fils, Jean, et deux filles, Perrette et Suzanne, nommés dans un acte de cette année. (Le baron G. d’Huart, Persac et la châtellenie de Calais. Mém. des Antiquaires de l’Ouest, in-8°, 1887, p. 323, 324.)

3 L’évêque de Poitiers était alors Jean Du Bellay. Successeur de Léonet Guérinet, il administra ce diocèse de l’an 1461 au 3 septembre 1479, date de sa mort. (Gallia christiana, t. II, col. 1201.) On sait que les évêques de Poitiers étaient possesseurs du château seigneurial de Chauvigny depuis le xie siècle et de deux autres châteaux situés dans la ville, celui de Montléon, qui leur avait été cédé le 18 janvier 1295, et celui d’Harcourt, acquis le 21 mai 1447. Leur juridiction, s’étendait, en dehors de Chauvigny, sur plusieurs paroisses et parties de paroisses voisines.

4 Sic. Il n’a pas encore été nommé, mais on voit, quelques lignes plus loin, qu’il s’agit de J. de Quéroy, beau-père (pérâtre) de Jean, François et Jeanne de La Lande. Or ces derniers étaient les enfants de Jacques de La Lande (frère aîné de Maurice), écuyer, sr de Busserolles et de Chaveigne en 1451, décédé avant l’année 1457, et qui avait épousé, le 18 septembre 1439, Marguerite de Rochedragon. Janicot de Queroy était par conséquent le second mari de celle-ci, et le renseignement contenu dans les présentes lettres complète sur ce point le tableau généalogique des seigneurs de Chaveigne, de la famille de La Lande, donné par le baron d’Huart. (Op. cit.). Jean de La Lande est qualifié, dans un acte de 1465, écuyer, seigneur de Busserolles, Bussière-Poitevine et Chaveigne ; marié en 1478 à Isabeau de Moussy, il était mort antérieurement à l’année 1490. Quant à François de La Lande, qui est dit aussi seigneur en partie de Busserolles et Chaveigne, il entra dans les ordres et vivait encore en 1501.

5 Il s’agit de la fête de saint Hilaire, évêque de Carcassonne, qui se célébrait le 3 juin. L’église de Luchapt était sous le vocable de S. Hilaire.

6 Il n’en a pas été question encore dans le présent acte. Il s’agit de Jean de Salazar, gentilhomme originaire de Biscaye, entré au service de la France sous Charles VII. (Cf. ci-dessus, p. 61, note.)