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MCCCCLVI

Rémission accordée à André Declusseau, laboureur, demeurant avec son père au village de Fougeré, en la paroisse de Champagné-Saint Hilaire, qui, attaqué par trois jeunes gens et blessé grièvement, avait en se défendant frappé l’un d’eux d’un coup mortel.

  • B AN JJ. 197, n° 68, fol. 43
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 149-152
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de André Decluceau, pouvre jeune homme de labour, aagé de xxxv. à xl. ans ou environ, chargé de femme et de troys petiz enfans, demourant avec Jehan Declusseau, son père, ou [p. 150] village de Faugieré en la parroisse de Champaigné Saint Hillaire en la chastellenie de Poictiers, contenant que, le prouchain lundi d’emprès Pasques derrenièrement passées, lui estant au lieu appellé le Soillac1 en ladite parroisse de Champaigné, auprès des boys dudit lieu, où il gardoit les bestes de sondit père, ou quel lieu estoient troys ou quatre jeunes enffans bergiers gardans des bestes, chacun aagé de x. à xii. ans ou environ, lesquelz il trouva avoir debat ensemble et qu’ilz se besoient de leurs cousteaulx, les despartit et appaisa le mieulx qu’il peut. Et ce fait, s’en alla ledit suppliant en certains prez où il trouva des bestes qui y estoient entrées, et d’ilec s’en entra oudit boys de Champagné où il demoura bien demie heure, gardant lesdites bestes de sondit père ; pendant lequel temps ou tost après survindrent Jehan, André et Huguet Perons, lesquelz sont aagez, c’est assavoir ledit Jehan de xxv. ans, ledit André de xxiiii. et ledit Huget de xx. ans ou environ, ledit Jehan frère de l’un desdiz quatre enfans et lesdiz André et Huguet, ses cousins germains, tous demourans ensemble en une maison, compaignons en communauté, lesquelz estoient garniz de gros paux et de pierres et d’une serpe, et s’en vindrent esmeuz contre ledit suppliant, en luy voulant courir sus ; et ledit suppliant, qui estoit seul et n’estoit pour resister à eulx, leur dist qu’il ne leur en demendoit riens, mès pourtant ilz ne voulurent cesser à luy courrir sus. Par quoy il se mist en fuite à travers les boys, et les dessus diz le suivirent à cource ; et fouit ledit suppliant devant eulx ung demy quart de lieue ou environ et jusques au lieu appellé le Marchay du Letier ; auquel lieu voiant qu’il ne povoit plus fouir et que les dessus diz l’ateignoient, et qu’il trouva ilec des pierres de mines de fer qui autres foiz y avoient esté, en prinst pour soy deffendre, se arresta et print desdites pierres que on [p. 151] appelle bouldures2 et leur en gecta pour empescher qu’ilz ne approuchassent de luy ; et semblablement ilz lui gectoient des pierres et se approchèrent avec leurs bastons jusques à luy. Et ce voiant, ledit suppliant tira ung cousteau qu’il avoit à la sainture, de la longueur d’un pié de alumelle3 ou environ, et s’en mist en deffence, en leur disant que le premier qui se approcheroit de luy qu’il le frapperoit et qu’ilz se tirassent arrière, et mist la pointe de sondit cousteau au devant desdiz paux qu’ilz avoient en leurs mains, dont ilz lui donnèrent tel coup sur la teste que ilz le tumbèrent à terre et se gectèrent sur luy et le frappèrent et blecèrent en plusieurs lieux desdiz paux et pierres et d’une serpe, et s’efforcèrent de le vouloir tuer, et luy firent neuf playes en la teste dont yssit grant effusion de sang. Et avoit, ce neantmoins, ledit suppliant sondit cousteau en la main et s’en deffendoit le mieulx qu’il povoit tant d’estoc que de taille, et passa sondit cousteau, à l’un desdiz estocs, à travers du corps dudit André, au dessoubz de l’esseelle ; aussi le bleça en la penillière, au dessoubz de la cuisse et en la poictrine ; et lui ostèrent les dessus diz sondit cousteau et lui en percèrent la jambe à travers jusques en terre ; et neantmoins se leva ledit suppliant et s’en fouyt jusques à ung gect de pierre ou environ, et ilec tumba et perdit son sang, et y demoura depuis vespres jusques à la nuyt et perdit la parrolle ; et à la nuit vindrent sa femme et l’un de ses frères le querir et l’en menèrent en une charrette en l’ostel dudit son père, où il demoura deux ou troys jours, èsquelz on esperoit plus la mort que la [p. 152] vie. Et le voulurent prendre en icelui estat les gens de la justice dudit Champaigné ; mès pource que on n’y accordoit, le père dudit suppliant le plegea. Et depuis est venu à convalessance, et après a sceu que ledit André estoit decedé des playes que ledit supliant avoit faictes en son corps deffendant, comme dit est. Pour occasion duquel cas, il s’est absenté du pays, ouquel, doubtant rigueur de justice, il n’est depuis osé retourner et ne s’i oseroit tenir seurement, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant icelles. Pour ce est il que nous, voullans tousjours prefferer misericorde à rigueur de justice, audit supliant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant, et à tous autres justiciers qu’il appartiendra, ou à leurs lieuxtenans, que de nostre presente grace, remission et pardon seuffrent et lessent ledit supliant joir et user plainement et paisiblement, etc. Et affin, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. soixante huit avant Pasques, et de nostre règne le huitiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. J. Le Roy. — Visa. Contentor. J. d’Orchère.


1 Mauvaise lecture. Il faudrait corriger « le Pouyaud ».

2 Espèce de marcassite ou pyrite ferrugineuse. Le mot bouldure, pris dans ce sens, est sans doute particulier au Poitou. Fr. Godefroy n’en cite qu’un exemple, et c’est précisément celui du présent texte. Dans le Berry, on appelait bouldure la fosse placée sous les roues et bâtiments des moulins. (Dict. de l’anc. langue française, in-4°, t. Ier, p. 701.) — Deux lieux-dits voisins sont appelés la Forge et les Forges, autre souvenir de l’ancienne exploitation de mines de fer, rappelée ici.

3 C’est-à-dire un couteau dont la lame était longue d’un pied, le mot alumelle ou alemelle ayant le sens de lame.