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MDVIII

Lettres patentes plaçant l’abbaye de Notre-Dame de Celles et ses sujets sous la sauvegarde royale, l’exemptant de toute imposition, amortissant ses possessions, acquises et à acquérir, commettant ses causes au juge royal le plus voisin, la maintenant dans son droit de haute, moyenne et basse justice, avec grandes assises, prévôté, sceau aux contrats et fourches patibulaires, et lui donnant en toute propriété le Pré-du-Roi près Niort, les pêcheries de Comporté et les dîmes et terrages de Tauché et de Marigny, pour la fondation de deux messes solennelles qui devront y être célébrées chaque semaine à perpétuité.

  • B AN JJ. 197, n° 233, fol. 129
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 320-326
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., comme par noz predecesseurs roys de France ayent esté autresfois donnez plusieurs previlleiges, franchises et libertez à l’abbaye et religieux de Nostre Dame de Selles en Poictou, leurs hommes et subgetz demourans en et au dedans des croix, limites et franchises d’icelle, tant pour la fondacion, augmentacion d’icelle abbaye que autrement, èsquelz plusieurs noz officiers et autres leur ont donné et mis, mettent et donnent de jour en jour plusieurs destourbiers et empeschemens, ainsi qu’ilz nous ont fait remonstrer ; et pour ce que desirons garder et [p. 321]observer iceulx religieux, leursdiz hommes et subgetz en leursdiz droiz, previlleiges, franchises et libertez, et iceulx acroistre et augmenter tant pour la singulière devocion que avons au monastère d’icelle abbaye et à la glorieuse Vierge Marie, mère de Dieu, en l’onneur de laquelle ladicte abbaye est fondée, que afin que jour et nuyt lesdiz religieux soient de plus en plus tenuz pour1 ladicte glorieuse Vierge Marie, pour la prosperité de nous, nostre royaume et de nostre très cher et très amé filz Charles, daulphin de Viennoys, et de noz autres enfans2, nous pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, donné et octroyé, donnons et octroyons par ces presentes, ausdiz religieux, abbé et convent, leurs hommes et subgetz à cause de ladite abbaye, manans et demourans au dedans les limites de leursdictes croix et franchises d’icelle, et voulons et ordonnons qu’ilz soient doresenavant perpetuellement en nostre protection et sauvegarde, et lesquelz dès à present nous y avons prins et mis, prenons et mettons par cesdictes presentes avec leursdiz hommes et subgetz, biens, possessions et choses quelzconques, et que les demourans ou bourg de la ville et dessusdicte abbaye de Nostre Dame de Selles soient quictes et exemps doresenavant à tousjours perpetuellement de tous quatriesmes et impositions quelxconques, qui pour le temps avenir pourroient avoir cours en nostredit [p. 322] royaume3. Et avecques ce avons donné et octroyé ausdiz religieux, abbé et convent de ladicte abbaye, et prieurs des prieurez et menbres deppendans d’icelle, faculté et puissance de acquerir dommaines, terres et possessions en nostredit royaume, et icelles possessions, par eulx ou aucun d’eulx acquises ou à acquérir, tenir, possider, exploicter et en joyr comme admorties et à Dieu dediées, et lesquelles dès maintenant pour lors nous leur avons admorties et admortissons, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par cesdictes presentes, sans ce qu’ilz soient tenuz de les mettre ne vuider hors de leurs mains, ne paier aucun droit de finance. Et pour ce que, comme avons esté advertiz, à cause des droiz et possessions de ladicte abbaye, prieurez et membres deppendans d’icelle, sont à present et pourront encores estre cy après plusieurs procès en divers lieux, sièges et juridicions, qui est et pourroit estre cause de divertir lesdiz religieux de vacquer continuellement au divin service de ladicte abbaye, selon les ordonnances, desir et affection de nous et de noz predecesseurs, et qui mieulx et à maindres fraiz se pevent poursuir devant ung seul juge à ce compettant que par devant divers juges et en diverses juridictions, voulons et ordonnons que lesdiz religieux de [p. 323] ladicte abbaye et prieurs des prieurez et membres deppendans d’icelle, ne soient tenuz, s’il ne leur plaist, plaider, soit en demandant ou en deffendant, par devant quelque juge que ce soit, si non par devant nostre plus prouchain juge royal et au plus prouchain siège de ladicte abbaye, en interdisant et deffendant à tous autres juges quelzconcques toute court, juridicion et congnoissance desdiz procès. Et en oultre pour ce que, comme avons entendu, nosdiz predecesseurs ont donné et octroyé à ladicte abbaye de Nostre Dame de Selles toute justice et juridicion, haulte, moyenne et basse, et à cause d’icelle aient tout droit de chastellenie, c’est assavoir grant assise, prevosté, sceaulx aux contratz et fourches patibulaires, desquelz, mesmement de l’excercice desdiz sceaulx aux contratz ilz n’ont pas longtemps usé, à l’occasion des guerres, hostilitez et divisions qui ont esté en nostre royaume et autrement, nous voulons et nous plaist que lesdiz religieux, abbé et convent de ladicte abbaye ayent, usent et joyssent desdiz seaulx aux contractz et puissent faire ediffier et drecier fourches patibulaires à quatre pilliers et chevalet par dessus, et qu’ilz puissent user de tous autres droiz de chastellenie, [comme] s’ilz avoient eu continuelle possession et joyssance d’iceulx. Et oultre plus avons, de nostre certaine science, propre mouvement, plaine puissance et auctorité royal, ordonné et fondé, ordonnons et fondons en ladicte abbaye de Selles estre dictes et celebrées perpetuellement en icelle eglise, par l’un des religieux de ladicte abbaye, pour la prosperité de nous et de nostre très cher et très amé filz, Charles, daulphin de Viennoys, et autres noz enffans, et pour le salut et remède des ames de nous et de nostre dit filz, et de noz predecesseurs et successeurs roys de France, deux messes solennelles par chacune sepmaine, l’une de Nostre Dame et l’autre de saint Giles, pour laquelle fondacion nous avons donné, cedé, quicté, transporté et delaissé, [p. 324] donnons, cedons, quictons, transportons et delaissons à tousjours perpetuellement, par cesdictes presentes, ausdiz religieux, abbé et convent de ladicte abbaye, qui sont et seront pour le temps avenir, en vray dommaine, fons et seigneurie, ung pré à nous appartenant, nommé le Pré le Roy, assis près nostre ville de Nyort, et certaines eaues ou pescheries, nommées les pescheries de Comporté, aussi les dismes et terrages de Tausché et Marigné ès parroisses de Saincte Blandine et dudit Marigné. Et afin que ladicte fondation soit entretenue et gardée et que nous ne soions en ce deffraudez de nostre entencion, nous avons, de nostre plus ample grace et auctorité royal, aussi admorty et dedyé, admortissons et dedyons à Dieu et à ladicte eglise et abbaye de Selles lesdictes choses cy dessus declairées, sans ce que iceulx religieux, abbé et convent et ledit religieux qui dira et celebrera lesdictes deux messes par chacune sepmaine, comme dit est, ne leurs successeurs, puissent estre empeschez, ores ne pour le temps avenir, par noz gens et officiers ne autres quelzconques, en la percepcion et joyssance desdictes choses, ne contrains à en vuider leurs mains en aucune manière, ne aussi pour l’indampnité d’icelle payer à nous ne à nosdiz successeurs aucune finance ; et laquelle finance qui nous pourroit estre deue pour toutes les choses dessus dictes, ainsi par nous admorties, nous avons donnée et quictée, donnons et quictons ausdiz religieux, abbé et convent, de nostre dicte grace especial, par cesdictes presentes signées de nostre main. Par lesquelles rapportant, ou le vidimus d’icelles fait soubz scel royal, pour une foiz seullement, nous voulons nostre receveur ordinaire [de Poictou] où lesdiz heritaiges sont assis et situez et qui en doit tenir compte, en estre tenu quicte et deschargé par tout où il appartiendra par noz amez et feaulx gens de noz comptes, ausquelz nous mandons ainsi le faire sans aucune difficulté. Si donnons en mandement, [p. 325] par ces mesmes presentes, à nosdiz gens des comptes et tresoriers, aux generaulx conseillers par nous ordonnez sur le fait et gouvernement de noz finances, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartiendra, que de noz presens grace, concession, octroy, fondation, don, quictance, cession, transport, admortissement et choses dessus dictes ilz facent, seuffrent et laissent lesdiz religieux et leurs successeurs, leursdiz hommes et subgetz joyr et user plainement et paisiblement doresnavant perpetuellement, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, aucun destourbier ou empeschement au contraire, en aucune manière ; ainçois, se fait, mis ou donné leur avoit esté ou estoit, le reparent ou facent reparer et remettre, tantost et sans delay, au premier estat et deu. Car ainsi nous plaist il et voulons estre fait. Et ausdiz religieux, abbé et convent et prieurs des prieurez et menbres deppendans d’icelle abbaye, leurs hommes et subgetz, en tant que à eulx et ung chacun d’eulx touche et peut toucher, l’avons donné et octroyé, donnons et octroyons, de nostre grace especial, par cesdictes presentes, non obstant quelzconcques statuz, ordonnances et editz par nous autresfoiz faiz, à ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné audit lieu de Nostre Dame de Selles, ou moys d’octobre l’an de grace mil cccc. soixante douze, et de nostre règne le douziesme4.

[p. 326] Ainsi signé : Loys. Par le roy, l’evesque d’Avranches5, confesseur, et autres presens. Flameng. — Visa.


1 Sic : ce mot doit être remplacé par « prier ».

2 Le fils aîné de Louis XI s’était appelé Joachim. Né à Namur le 27 juillet 1459, il était mort en bas âge et avait été enterré au couvent des Cordeliers d’Amboise. Charles dauphin, ici nommé, depuis Charles VIII, avait vu le jour au château d’Amboise, le samedi 30 juin 1470. Quant aux autres enfants du roi, vivants à la date de ces lettres, ils étaient au nombre de trois : 1° Anne, née en 1461, mariée en 1473 à Pierre sire de Beaujeu ; 2° Jeanne, duchesse de Berry, née en 1464, qui épousa par contrat passé à Jargeau, le 28 octobre 1473, accompli en 1476, Louis duc d’Orléans, depuis le roi Louis XII ; 3° François de France, duc de Berry, alors âgé d’un mois à peine, étant né à Amboise à la fin de septembre 1472 ; il mourut au mois de juillet 1473.

3 On a retrouvé dans les papiers de Jean Bourré une courte requête de l’abbaye et des habitants de Notre-Dame de Celles à Louis XI, non datée, mais qui doit être de cette époque ou de peu de temps auparavant, dans laquelle profitant des bonnes dispositions du roi pour le monastère et son abbé, Louis de Lezignac, et de son culte particulier pour la Vierge Marie, « en l’onneur de laquelle lad. abbaye est fondée », ils lui soumettaient leurs désirs et revendications, auxquels les présentes lettres donnent toute satisfaction. En voici le texte : « Plaise au Roy, de sa benigne grace, donner aux manans et habitans du lieu de Nostre Dame de Celles en Poytou, dedans lez Croix seulement, la franchise dudit lieu, actendu que anciennement estoient francz de tous subcides, et l’abbé et convant de Celles seront tenus à faire une prière pour icellui seigneur à la première messe qui se dist tous lez jours à la chapelle de Nostre Dame, durant le temps de sa vie, pour la prosperité de sa personne, et amprès sa mort pour le salut de son ame, et les diz habitans prieront Dieu pour luy et sa très belle lignée. » (Bibl. nat., ms. fr. 20428, fol. 102, anc. 85.)

4 Ces lettres ont été reproduites, d’après le registre du Trésor des chartes, dans le recueil des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XVII, p. 543. Charles VIII les confirma par lettres données à Tours, au mois de février 1484. (Arch. nat., JJ. 212, n° 30, fol. 20.)

5 Jean Bochard ou Bouchard, né auprès de Saint-Lo, d’abord aumônier de Charles VII et archidiacre d’Avranches, occupa ce siège épiscopal du 28 avril 1453 au 28 novembre 1484, date de sa mort. Louis XI le fit entrer en ses conseils et le chargea, en 1473, de la réforme des études à l’Université de Paris ; puis il lui donna en commende l’abbaye du Bec-Hellouin. La Gallia christiana (t. XI, col. 493, 494) cite une correspondance entre ce prélat et le célèbre Thomas Basin, évêque de Lisieux, qui le priait d’intervenir auprès du roi et de lui obtenir sa grâce.