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MCCCCLXXXV

Lettres accordant à Jean d’Appelvoisin, chevalier, la permission de fortifier son lieu et seigneurie de Thiors, avec droit de moyenne et basse justice audit lieu et autres lui appartenant en la châtellenie de Thouars.

  • B AN JJ. 196, n° 255, fol. 155 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 232-235
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que pour consideracion des grans et recommandables services que nostre amé et feal conseiller et chambellan, Jehan d’Appellevoisin, chevalier, seigneur de Thiors et de la Jobetière1, et les siens ont [p. 233] de tous temps faiz à nous et à la couronne de France, tant ou fait des guerres à l’encontre de noz anciens ennemis et adverssayres les Angloys et autres, que autrement en plusieurs manières, et mesmement en faveur d’aucuns singuliers services et gratuitez par luy presentement à nous faiz, nous estans audit lieu de Thiors, et aussi pour ce que, entre les autres de ces marches, nous avons trouvé à nous très plaisant et agreable ledit lieu de Thiors, lequel à ceste cause avons retenu et ordonné pour nous demourer doresenavant, quant nous viendrons èsdictes marches, desirans par ce le bien, augmentacion et fortifficacion d’icelluy lieu, à icelluy nostre conseiller, qui sur ce nous a très humblement supplié et requis, avons, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, donné et octroié, donnons et octroions par ces presentes, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, congié et licence qu’il puisse et luy loise, quant bon luy semblera, fayre clourre et fortiffier ledit lieu de Thiors et icelluy mettre en estat de forteresse, tant de murs, tours, foussez, carneaux, barbecannes, pontz leveis, archières, canonnières que autres [p. 234] chouses quelxconques appartenans à clousture et fortifficacion de place. Et de nostre plus ample grace, luy avons donné et octroié, donnons et octroyons, par cesdictes presentes, sur tous ses hommes et subgiez qu’il a tant en sadicte seigneurie de Thiors tenue et mouvant de la ville et seigneurie de Thouars, que en la chastellenie dudit Thouars, moyenne et basse justice, avecq les droiz, prerogatives, preeminances et autres chouses appartenans à l’exercice d’icelle, et que, pour ce fayre, nostre dit conseiller puisse fayre et ordonner telx officiers et en tel nombre qu’il appartiendra, pour d’icelle justice moyenne et basse joyr et user doresenavant, tant par nostredit conseiller que par ses heritiers et successeurs, seigneurs dudit lieu de Thiors, tout ainsi et en la forme et manière que les autres ayans semblable moyenne et basse justice en ladicte viconté et seigneurie de Thouars ont acoustumé joyr et user. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans ou qui tiendront noz Parlemens, gens de noz comptes, tresoriers, au senneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieutenans, presens et advenir, et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que de nostre present don et octroy ilz facent, seuffrent et laissent nostre dit conseiller et sesdiz heritiers et successeurs, seigneurs dudit lieu de Thiors, joyr et user plainement et paisiblement, sans en ce leur mettre ou donner, ne souffrir estre fait ou donné, ores ne pour le temps avenir, aucun ennuy, destourbier ou empeschement au contrayre, ainçoys, se fait, mis ou donné leur estoit en aucune manière, si le repparent et remettent, ou facent repparer et remettre, chacun en droit soy, tantoust et sans delay, au premier estat et deu. Et affin que ce soit chouse ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à cesdictes presentes. Sauf nostre droit [en autres choses] et l’autruy en toutes. Donné ou moys d’avril l’an [p. 235] de grace mil iiiic soixante et neuf avant Pasques2, et de nostre règne le neufiesme.

Ainsi signé : Par le roy, le marquis du Pont3, le sire de Berssuyre4 et autres presens. J. Leclerc. — Visa. Contentor. Rolant.


1 Jean d’Appelvoisin, chevalier, sr de Thiors et de la Jobtière, chambellan de Louis XI et fort avant dans ses bonnes grâces, comme on le voit par le passage des présentes lettres où le roi déclare que Thiors lui a paru un lieu si plaisant qu’il se propose d’y faire sa demeure, quand il viendra dans le pays, était le fils aîné de Mathurin d’Appelvoisin, chef de cette branche de Thiors par son mariage avec Jeanne de Meulles, dame de Pompoy, fille de Jean de Meulles, sr de Thiors. Ils étaient mariés dès avant le 30 avril 1420 ; car à cette date Mathurin d’Appelvoisin rendit un aveu, au nom de sa femme, au vicomte de Thouars, pour le fief de Grandchamp près Pompoy. Jeanne de Meulles le renouvela le 16 décembre 1445, peu de temps après qu’elle fut devenue veuve, et le même jour, elle fit aveu au même de sa seigneurie de Thiors-Vollebinne. (Les fiefs de la vicomté de Thouars, par MM. le duc de La Trémoïlle et H. Clouzot, in-4°, p. 60 et 136.) Mathurin d’Appelvoisin était donc décédé à la fin de l’année 1445. Sur un registre des grandes assises de Bressuire, postérieur de dix ans, on lit qu’une amende de deux écus fut prononcée contre Jean d’Appelvoisin, chevalier, pour n’avoir point dressé l’inventaire des biens de son feu père. (Chartrier de Saint-Loup, aux Arch. des Deux-Sèvres, E 1747, fol. 51.) L’écart entre les deux dates pourrait faire supposer qu’il ne s’agit pas du sr de Thiors ; cependant nous ne voyons pas à quel autre membre de la famille d’Appelvoisin cette mention pourrait s’appliquer. Le même fonds contient un aveu de l’hôtel et maison noble de la Jobtière rendu au sr de Bressuire par Mathurin d’Appelvoisin en 1444, et un second de l’année 1447, rendu par Jean, son fils. (Id., E 1529.) Le 21 janvier 1455, le même Jean d’Appelvoisin reçut de Guillaume de Puyguyon, écuyer, seigneur dudit lieu, l’hommage du fief dit le Petit-Pelvezin, et le 3 août 1467, il fit aveu de son hôtel de Tourtenay au vicomte de Thouars. Son nom est inscrit sur le rôle des hommes d’armes de la compagnie du sr de Laigle, au ban et arrière-ban de Poitou convoqué le 5 octobre 1467. Au ban réuni l’an 1488, sa veuve et son fils aîné fournirent deux brigandiniers. Jean d’Appelvoisin avait épousé : 1° en 1439, Marie Dobé, fille d’Amaury et de Catherine Du Bouchet ; 2° Renée Boux du Teil, qui était veuve dès l’an 1486 et dont il eut deux fils, Hardy, sr de Thiors, et Guillaume, chef de la branche de la Bodinatière, et une fille Marie, mariée en 1490 à Jean de La Roche. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 84.)

2 C’est-à-dire avant le 22 avril. On remarquera que la date de ces lettres ne porte pas d’indication de lieu ; il ne serait pas surprenant qu’elles aient été données à Thiors même, le roi y ayant séjourné, comme il est déclaré ci-dessus dans ce texte même. D’ailleurs il était dans la région au mois d’avril 1470 : on a des lettres missives de lui, datées de Thouars, le 3 avril, de la Ferrière-en-Parthenay, le 6, de Notre-Dame-de-Celles, le 24.

3 Nicolas d’Anjou, marquis du Pont, depuis duc de Lorraine et de Calabre. (Cf. ci-dessous, p. 250, note.)

4 Jacques de Beaumont, chevalier, seigneur de Bressuire, Lezay, la Mothe-Saint-Héraye, etc., fils d’André de Beaumont, décapité à Poitiers le 8 mai 1431, et de Jeanne de Torsay, avait succédé (1440), âgé d’environ dix ans, comme seigneur de Bressuire, à son aïeul, Guy de Beaumont, sous la tutelle duquel il avait été placé. Ami et confident de Louis XI, alors qu’il était encore dauphin, il fut nommé son chambellan par lettres patentes de décembre 1461, et depuis reçut du roi, qu’il servit sans scrupule dans ses affaires secrètes, comme l’on sait, honneurs, dignités et profits. Le sire de Bressuire, à la date des présentes, venait d’être pourvu de la charge de lieutenant général en Poitou, Saintonge et Aunis. Nous rencontrerons encore ce personnage en d’autres endroits de ce volume. (Cf. B. Ledain, Hist. de Bressuire.)