MCCCCLXXXIV
Rémission accordée à Jean Du Moulin, écuyer, de Rom, près Couhé, qui s’était rendu coupable d’un homicide, alors qu’il était archer de la compagnie de Baud de Saint-Gelais en Catalogne.
- B AN JJ. 196, n° 173, fol. 108
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 230-232
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Du Molin, escuier, demourant en la parroisse de Ron prés Coué, contenant que en l’an mil cccc. soixante troys ou environ, ledit suppliant estoit lors archer soubz la charge et compaignie de Baud de Saint Gelaiz1, en laquelle compagnie ledit suppliant ala ou pays de Cathelongne, pour nous servir. Et aprés ce que la compaignie fut arrivée illec, icellui suppliant et autres compaignons de ladicte compaignie furent ordonnez, jusques au nombre de cinquante à soixante, par le commandement de leurdit capitaine, pour aller courre en [p. 231] ung lieu nommé Belluer, distant de deux lieues de Puisarden pour avoir du bestial et autres vivres, ainsi qu’on a acoustumé faire en guerre. Et après ce qu’ilz eurent fait la prinse du bestial et qu’ilz furent prez dudit lieu de Puisardan, pour ce qu’il estoit souleil couché, advisèrent entre eulx quel cry ilz auroient pour celle nuyt, et fut appoincté tout d’un commun acord qu’ilz auroient pour ladicte nuyt « Nostre Dame, saincte Katerine » et ce acordé entre eulx, les deux capitaines d’iceulx compaignons ordonnèrent que ledit suppliant auroit la charge du gros bestial de ladicte prinse, et pour la conduite et garde d’icellui furent baillez troys autres hommes de ladicte compagnie. Et ainsi qu’ilz furent arrivez près du siège qui se tenoit à Age et illec environ, à l’eure d’entour mynuyt, ilz rencontrèrent certains compaignons et ne scet pas ledit suppliant s’ilz estoient gens de guerre ou brigans, pour ce qu’ilz ne disoient mot ; et lors ledit suppliant leur demanda qui vive ? lesquelz ne respondirent mot. Et adonc icellui suppliant oyt bruit de gens qui venoient après lui, et lors se retourna et aperceust deux hommes qui ne congnoissoit, ausquelz il demanda par troys foiz : Qui vive ? Lesquelz ne lui vouldrent respondre, mais marchoient tousjours rudement contre luy. Et adonc icellui suppliant, pensant qu’il fut mort, leur va dire par deux ou troys foiz : « Ne vous aprouchez point de moy, se vous ne parlez, ou autrement je vous feray marrys. » Lesquelz ne cessèrent point de tousjours marcher sur lui, et voyant icelui suppliant, qui avoit une arbaleste toute bandée, qu’ilz ne vouloient parler ne dire qui ilz estoient, doubtant qu’ilz ne le tuassent, desserra sadicte arbaleste et du traict qui estoit sur icelle actaingnit et frapa l’un d’iceulx, nommé Pierre Payelescot, demourant à Ruffect, comme ledit suppliant a sceu. Lequel Pierre Payelescot, à l’occasion dudit cop, troys ou quatre jours après, ala de vie à trespas, et avant sondit trespas pardonna audit suppliant ledit [p. 232] cas, en la presence de son capitaine et de plusieurs autres, en disant qu’il estoit plus coulpable de sa mort que n’estoit ledit suppliant, par ce qu’il ne parla point, quant il arriva ainsi devers lui. A l’occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, n’oseroit jamaiz seurement demourer, etc. Au seneschal de Poictou et à tous, etc. Donné à Selles en Poictou, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. soixante neuf avant Pasques, et de nostre règne le neufiesme.
Ainsi signé : Par le Roy en ses requestes. L. Toustain. — Visa. Contentor. Duban.