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MCCCCXXIV

Lettres octroyant franchise et exemption de toutes tailles et aides aux habitants de l’île de Bouin, pour le présent et pour l’avenir, conformément aux conclusions d’une enquête faite quatorze ans auparavant, et sur la requête de Jean de Vendôme, vidame de Chartres, et de René de Rais, seigneur de la Suze, les deux coseigneurs de ladite île.

  • B AN JJ. 202, n° 107, fol. 63 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 61-66
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’humble [p. 62] supplicacion de noz chers et bien amez Jehan de Vendosme, chevalier, vidasme de Chartres, seigneur de Lessay et de Pousauges, et de Katherine de Thouars1, sa femme, à cause d’elle, Regné de Rays2, chevalier, seigneur de la Suze, et des manans et habitans de l’isle de Boign, consors en ceste partie, avons receue (sic), contenans que ladicte isle de Boign est située et assise en mer de toutes pars et ès marches de Poictou et de Bretaigne, de laquelle sont seigneurs, c’est assavoir lesdiz Jehan de Vandosme et sa femme, à cause d’elle, de la moictié par indivis du cousté de Poictou, et de l’autre moictié, du costé de Bretaigne, ledit Regné de Rays, sire de la Suze ; et laquelle isle fut ou temps passé recouvrée par industrie et puissance de chaussées, et pour icelle garder tant de inundacions de la mer que des perilz de noz anciens ennemis les Anglois, lesdiz habitans, supplians, ont fait et font chacun jour de très grans mises et despenses, peines et travaulx, tellement que à peine les pevent supporter. Et combien [p. 63] que de toute ancienneté et de tel temps qu’il n’est memoire du contraire, les ysles de la mer, et non pas seullement ladicte ysle de Boign qui, comme dit est, est scituée et assise èsdictes marches dudit pays de Poictou et de Bretaigne, mais aussi les ysles qui sont assises du tout ou pays de Poictou, comme est l’isle de Nermoustier et l’isle Dieux, sont et doivent estre, par les privilèges des ysles de mer et autrement, franches, quictes et exemptes de toutes tailles, subsides et autres subvencions ; par quoy et par plus forte raison, les habitans en la dicte ysle de Boign qui, comme dit est, est ysle de mer, soient et doivent estre frans, quictes et exemps desdictes tailles et subsides. Ce non obstant, ou moys de fevrier mil iiiicli. ou environ, Me Jehan Chevredent3, nostre procureur en Poictou, et ung nommé Me Loys Prevost4, eulx disans commissaires de par feu nostre très chier seigneur et père, que Dieu absoille, pour imposer certain aide ès marches communes de Poictou, se transportèrent ès dictes marches communes et illec baillèrent commission, comme commissaires dessus diz, pour imposer et lever illec certaine somme de deniers au prouffit de nostre dit feu seigneur et père, et mesmes sur ladicte ysle de Boign la somme de iiic livres tournois, comme marche dessus dicte ; lesquelles commissions baillées à ung nommé Jehan Robiou, soy portant sergent, et ung nommé Jehan Jonemère, soy disant receveur [p. 64] dudit aide, se sont transportez en ladicte ysle de Boign, pour sur icelle lever ladicte somme, ce que faire ne povoient parce que, comme dit est, ladicte ysle est et doibt estre franche, quicte et exempte desdictes tailles et autres subvencions quelzconques. Et à ceste cause, lesdiz supplians se tirèrent dès lors et ou mois de mars ensuivant iiiicli, par devers nostredit feu seigneur et père et obtindrent lettres adreçans aux esleuz sur le faict des aides en Poictou, et à nostre dit procureur, maistre Jehan Chievredent, pour eulx informer et faire informer bien et deuement de et sur lesdictes franchises et exempcions dudit ysle et desdiz supplians, et l’informacion que faicte en auroient, avec leurs advis sur ce, qu’ilz les renvoyassent par devers nostre dit feu seigneur et père ou les gens de son grant conseil, pour en estre fait, ordonné et pourveu ausdiz supplians telle provision que on verra estre à faire par raison. Lequel maistre Jehan Chievredent, adjoinct avec luy maistre Simon Blandin,5, commis [p. 65] à l’excercice de la justice des diz esleuz, par vertu des lettres de notre dit feu seigneur et père, se sont transportez sur les lieux et illec se sont informez bien et deuement de et sur l’intendit et articles à eulx baillez par lesdiz supplians, et ont examiné plusieurs tesmoings dignes de foy, et ladicte informacion par eulx faicte ont envoyée par devers nous, avec leur advis sur ce, en nous humblement requerans par les diz supplians que lesdictes informacions et advis voulsissions veoir et visiter, et sur ce leur pourveoir de remedde convenable, et, eu regart à ce que dit est, leur impartir nostre grace. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées et mesmement le contenu ès dictes informacions et advis, lesquelles nous avons fait veoir et visiter par aucuns de nostre conseil, et par l’advis et deliberation d’iceulx, avons les habitans en ladicte ysle de Boign, leurs hoirs, successeurs et aians cause, demourans en ladicte ysle, de nostre certaine science, pleine puissance et auctorité royal, par ces presentes, octroyé et octroyons qu’ilz soient et demeurent doresenavant et à tousjours frans, quictes et exemps de toutes tailles et aides qui sont et seront mises sus en nostre royaulme, soit pour le paiement de noz gens de guerre ou autrement, en quelque manière que ce soit, et de nostre plus ample grace, les en avons exemptez et afranchiz, exemptons et afranchissons, par ces mesmes presentes, et tout ainsi que ont esté et sont les autres habitans et demourans ès ysles de Nermoustier, de Dieux et autres de ladicte marche commune. Sy donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx les generaulx conseillers par nous ordonnez sur le fait et gouvernement de toutes noz finances, aux esleuz sur le fait de noz aides en Poictou [p. 66] et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, que de noz presens grace, affranchissement et octroy ilz facent, seuffrent, etc., joyr et user, etc., et tout ainsi et par la manière que font les autres habitans desdictes ysles de Nermoustier, de Dieux et autres de ladicte marche commune, sans pour ce leur mettre ou donner, ne souffrir estre mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, en corps ne en biens, aucun destourbier ou empeschement au contraire ; ainçoys, se fait, mis ou donné leur avoit esté en leurs corps ou aucuns de leurs biens, si l’ostent et facent oster et mettre sans delay à plaine delivrance et au premier estat et deu. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Orleans, ou moys de novembre l’an de grace mil iiiiclxvi, et de nostre règne le vie6.

Ainsi signé : Par le roy, l’evesque d’Evreux, le sire de la Forest7 et autres presens. G. Meurin. — Visa. Contentor. Duban.


1 Veuve du fameux Gilles de Rais, Catherine de Thouars, fille et héritière de Miles de Thouars, seigneur de Pouzauges, Chabanais et Confolens, dont il a été question à plusieurs reprises dans nos précédents volumes, s’était remariée en 1441 avec Jean de Vendôme, vidame de Chartres, chambellan du roi. (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VIII, p. 730.) Voy. aussi deux actes, l’un du 26 mai 1447, l’autre du 21 octobre 1452, relatifs à une transaction passée avec l’abbaye de la Grenetière, par le vidame de Chartres à cause de Catherine, sa femme. (Coll. dom Fonteneau, t. IX, p. 301, 303.)

2 René de Laval, dit de Rais, seigneur de la Suze par la mort de Jean de Craon, son aïeul, décédé en 1432, et de Rais, moitié de l’île de Bouin, etc., par la succession de Marie de Laval, sa nièce. Il était frère cadet de Gilles de Laval, seigneur de Rais, la Benaste, Bourgneuf, Ingrande et Chantocé, maréchal de France, condamné au feu pour ses crimes atroces (déc. 1440). Leur mère était Marie de Craon. Gilles avait laissé une fille unique, Marie de Laval, dame de Rais, qui fut mariée : 1° à Prégent de Coëtivy, sr de Taillebourg, amiral ; 2° à André de Laval, sr de Lohéac, maréchal de France ; elle mourut sans enfants le 1er novembre 1458. Son oncle et héritier René de Rais vécut jusqu’en 1474. Le 4 juin 1459 et le 30 mai 1460, il était en procès au Parlement au sujet de l’hommage et du ressort de la baronnie de Rais. (Arch. nat., X2a 29, fol. 62 v° et 213.) Un arrêt du 7 juillet 1464 lui accorda une partie des réparations qu’il demandait pour violences commises à son préjudice, à Saint-Étienne-de-Mermorte (anc. Malmort), terre et seigneurie provenant, avec Souché et les Jamonnières, de l’héritage de sa nièce. (X2a 30, fol. 331.)

3 Sur Jean Chévredent, procureur du roi en la sénéchaussée de Poitou, maire de Poitiers en 1453-1454, cf. notre précédent volume, p. 218, 221, 225, 275, note, 276.

4 Ce personnage appartenait sans doute à la famille, dont plusieurs membres furent maires et échevins de Poitiers. Un Louis Prévost était en procès au Parlement de Poitiers, le 22 novembre 1470, contre Me René Regnault, appelant du sénéchal de Poitou, on ne voit point à quelle occasion ; le registre dit simplement que le procès est à cette date en état d’être jugé. (X1a 4812, fol. 6.) Quinze ans plus tard, Louis Prévost, licencié en lois, de Poitiers (est-ce le même ?) était poursuivi par François de La Guérinière, pour falsification de contrats. Après que l’affaire eut été instruite par le lieutenant du sénéchal, Prévost fut ajourné à Paris, devant la cour, le 3 janvier 1485 n. s. (X2a 45 et 48, à la date.)

5 Simon Blandin, fils très vraisemblablement de Henri, aussi élu, ancien receveur des aides en Poitou, fut échevin de Poitiers l’an 1463 ; il avait épousé Perrette de Janoilhac. Nous signalerons un procès jugé par la Cour des Aides, où son nom figure en tête des demandeurs, et dans lequel se trouvent des renseignements intéressants touchant la répartition des impôts et les abus auxquels elle donnait lieu. Simon Blandin, élu en Poitou, Guillaume Rogier, procureur du roi, Michel Dauron, receveur des aides, Jacques Chambret, commis des élus, Jacques Martinet, substitut du procureur, André Gendrot, commis du receveur au siège de Thouars, Louis François, Pierre Guillaume, Janin Dubreuil, Mathurin Bruneteau et autres réclamaient à Jean Guerry, procureur du roi sur le fait des aides en la ville et élection de Loudun, Etienne et Jean Malescot, Guillaume Mistre, André Rouleau et Denis Cailleau, collecteurs, les rôles des tailles de Tourtenay et autres localités, de l’année 1466. L’affaire fut plaidée les 14, 15 et 22 octobre 1468, et 18 janvier 1469, et le 18 mars suivant, après avoir pris connaissance du procès-verbal d’Hervé Prévost, enquêteur pour le roi en Poitou, la Cour des Aides rendit un arrêt ordonnant que « les deffendeurs et chacun d’eulx [seraient] contrainctz, par toutes voies deues et raisonnables à mettre par devers la court de ceans les vraiz roolles et commission dont oudit procès-verbal est faicte mencion. Et ordonne icelle court que ce pendant, le procès principal pendant en icelle entre les dictes parties surcerra jusques à ce que par ladite court sera discuté de la rature dont aussi oudit procès verbal est faicte mencion. » (Arch. nat., Z1a 27, fol. 240, 247, 282, 315 ; Z1a 68, à la date du 18 mars 1469 n. s.) Simon Blandin mourut avant le 9 janvier 1486 n. s. A cette date, Perrette de Janoilhac, sa veuve, était appelante au Parlement d’une sentence du conservateur des privilèges royaux de l’Université de Poitiers, donnée contre elle, au profit de Raoul du Fou, évêque d’Évreux, abbé de Nouaillé, de Valence et de Noyers. (X1a 4827, fol. 60.)

6 Le texte de ces lettres patentes est imprimé, d’après la même source, dans le Recueil des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XVI, p. 524.

7 L’évêque d’Évreux, Jean Balue, depuis cardinal évêque d’Angers (cf. ci-dessus, p. 25, note) ; Louis de Beaumont, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre, etc., ancien sénéchal de Poitou. (Id., p. 54, note.)