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MCCCCXLVI

Lettres d’abolition octroyées à Joachim de Velort, écuyer, seigneur de la Chapelle-Bellouin, Pierre Budet, Guy Scolin, Jean Delage, Gilles de Chezelles, Jean du Plessis-Saint-Martin et Jean Meneguy, pour leur participation à la Ligue du Bien public.

  • B AN JJ. 194, n° 305, fol. 173
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 121-125
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Joachim de Velourt1, escuier, seigneur de [p. 122] la Chapelle Bellouyn, Pierre Budet2, Guion Scolin3, Jehan Delaige4, Gilles de Chezelles5, Jehan du Plaisis Saint Martin et Jehan Meneguy6, contenant que ilz ont adheré avecques ceulx qui ont esmeu et suscité les divisions puis quatre ans survenues en nostre royaume, tenu la main et eulx emploié à icelles conduire et entretenir, et mesmement ledit de Velourt a esté ung de ceulx qui aida à induire nostre frère Charles de soy despartir d’avecques nous et de nostre obeissance, et qui le accompaigna et conduisy avecques autres, quant il s’en ala, et [p. 123] pour aider ausdites divisions, s’est trouvé à traicter, machiner et conspirer plusieurs choses contre nostre personne, en a dit plusieurs parolles mal sonnans, aussi s’est mis en armes et en guerre publicque contre nous, aidé à prindre places par force, tenu la main à en faire rendre d’autres par moiens illicites et fait plusieurs autres choses contre nous et la chose publicque de nostre roiaume, en commettant crime de leze magesté et plusieurs autres grans crimes et delitz, dont à present ilz sont fort desplaisans et ont bon vouloir et affection d’eulx maintenir et gouverner doresenavant comme bons et loyaulx subgietz doivent faire, et nous servir bien et loyaulment, sans varier, si nostre plaisir est leur pardonner, remettre et abolir lesdiz cas, crimes et delitz, et les reprendre en nostre bonne grace et leur impartir nostre misericorde sur ce ; laquelle ilz nous ont sur ce requise. Pour quoy nous, ces choses considerées, non voulans sur ce proceder par rigueur, ainsi que bonnement faire le pourrions, desirans de tout nostre cuer retraire à nous tous noz vassaulx et subgetz qui à l’occasion des dictes divisions se sont absentez de nostre dit royaume, ausdiz supplians, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, avons abouly, quicté, remis et pardonné, abolissons, quictons, remettons et pardonnons tous lesdiz cas, crimes et delitz dessus diz et autres quelxconques qu’ilz pourroient avoir commis, tant de leze magesté contre nostre personne, nostre royaume ou autrement, en quelque manière que ce soit, avecques toutes peines, amendes et offences corporelles, criminelles et civilles, en quoy ilz pourroient estre encouruz envers nous et justice, jasoit ce que lesdiz cas ne soient cy autrement declairez, et lesquelz ne voulons qu’ilz soient tenuz de autrement les specifier et declairer. Et les avons restituez et restituons à leurs bonnes fames et renommées, au pays et à leurs bien non confisquez. Et sur ce imposons silence perpetuel à nostre procureur, present et avenir, et à tous autres. Si [p. 124] donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostre grant conseil, gens qui tiendront nostre Parlement, et à tous nos bailliz, seneschaulx, justiciers, officiers et subgietz ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que de nostre presente grace, abolicion, quictance, remission et pardon ilz facent, seuffrent et laissent lesdiz supplians joir et user plainement et paisiblement, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire, ains, se leurs corps ou aucuns de leurs biens meubles et heritaiges sont ou estoient pour ce prins, saisiz, arrestez ou autrement empeschez, les leur mettent ou facent mettre incontinant et sans delay à plaine delivrance. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces dictes presentes. Sauf nostre droit [en autres choses] et l’ottruy en toutes. Donné à Meaulx, ou moys de juillet l’an de grace mil cccc. soixante huit, et de nostre règne le huitiesme.

Ainsi signé : Par le roy, monseigneur le duc de Bourbon7, le viconte de la Bellière8, maitre Pierre [p. 125]Doriole9 et autres presens. B. Meurin. — Visa. Contentor. J. Duban.


1 Joachim de Velort était fils de Renaud de Velort ou Velors, seigneur aussi de la Chapelle-Bellouin et de Meulles, et de Simone Tison. (Cf. notre t. VIII, Arch. hist. du Poitou, t. XXIX, p. 61, 62, 138.) Nous avons rencontré au cours de notre publication plusieurs autres membres de cette famille notable du Loudunais. Le Catalogue des Archives du baron de Joursanvault mentionne des lettres originales de Charles VII faisant remise à Joachim de Velort du droit de rachat de la seigneurie de Meulles, sans doute après la mort de son père ; il n’en indique pas la date, mais elles sont analysées dans un groupe d’actes compris entre les années 1452 à 1459. (In 8°, 1838, t. II, p. 78, n° 2551.) Après la rupture des conférences de Honfleur (octobre 1465) qui avaient pour but apparent de négocier la compensation qui pourrait être attribuée à Charles de France, frère du roi, en échange du duché de Normandie, celui-ci s’étant réconcilié avec François II, duc de Bretagne, passa avec ses conseillers et les officiers de sa maison dans les états de ce prince et s’établit à Vannes au château de l’Hermine (mars 1466). Olivier de la Marche nomme Joachim de Velort, sr de la Chapelle-Bellouin, parmi les principaux familiers de Charles, qui le suivirent en Bretagne ; les autres étaient Pierre de Beaujeu. Gilles de Chabannes, Guillaume de Haraucourt, évêque de Verdun. Pierre Doriole, Aubin sr de Malicorne. (Mémoires, édit. H. Beaune et J. d’Arbaumont, pour la Société de l’hist. de France, t. III, p. 34.) La date des lettres d’abolition publiées ici (juillet 1468) prouve que le sr de la Chapelle-Bellouin et les autres serviteurs de Charles qui y sont nommés, rentrèrent en grâce quelque temps avant leur maître ; car ce ne fut qu’après la ratification du traité d’Ancenis, qui eut lieu le 18 septembre 1468, que Louis XI se réconcilia avec son frère. (Dupuy, Hist. de la réunion de la Bretagne à la France, t. I, p. 214 et suiv.) Dans un acte du 18 juin 1470, imprimé ci-dessous (n° MCCCCLXXXIX), on voit que Joachim de Velort avait épousé Catherine de Lévis, veuve d’Antoine de Clermont, sr de Surgères. Elle était fille d’Antoine de Lévis, comte de Villers, vicomte de Lautrec, baron de la Roche et d’Annonay, et d’Isabelle de Chartres, sa première femme. Le sr de Surgères lui avait légué la terre et seigneurie de Demptézieu en Dauphiné, pour laquelle Joachim de Velort rendit hommage au roi, au nom de son épouse, le 17 février 1470 n. s. (Lettres enreg. à la Chambre des comptes de Grenoble, le 20 mars suivant.) On cite un autre acte d’hommage de cette terre en date du 18 juillet 1483, rendu par Geoffroy de Velort, l’un des fils de Joachim et de Catherine, en son nom et au nom de ses frères. La terre de Demptézieu fut ensuite vendue, suivant acte du 26 mai 1484, par Artus de Velort, sr de la Chapelle-Bellouin, et ses frères cadets, à Barachin Alleman, sr de Rochechinard, pour le prix de 3.500 écus d’or. (Pilot de Thorey, Catalogue des actes du dauphin Louis II. Grenoble, 1899, 2 vol. in-8°, t. II, p. 154.) Un second Regnault ou Renaud de Velort, dont nous aurons à nous occuper ailleurs, qui vivait à cette époque, fut condamné à mort pour conspiration et exécuté à Paris le 20 novembre 1475, était apparemment un frère cadet de Joachim, seigneur de la Chapelle-Bellouin et de Meulles. Quant à ce dernier, il était décédé avant 1478, car, dans un acte de cette année, Catherine de Lévis est dite veuve.

2 Peut-être pour Boudet ; toujours est-il que l’on trouve un Pierre Boudet, de la Roche-sur-Yon, qui remplaça aux bans de 1491 et 1492, Jean Jay, empêché par maladie. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 661.)

3 Guy Scolin appartenait, comme les Velors, à une famille du Loudunais, dont la noblesse avait été reconnue par sentence des commissaires du roi sur le fait des francs-fiefs, le 20 octobre 1395. (Arch. hist. du Poitou, t. XXIV, p. 265 et suiv. ; cf. aussi, t. XXXII, p. 380.) Outre les personnages de ce nom mentionnés dans nos précédents volumes, on peut citer Artus Scolin, écuyer, sr de Launay, qui fut maréchal des logis de Louise de Savoie, maître d’hôtel du roi, capitaine de Melle, etc. (Voir Catalogue des actes de François Ier, in-4°, 1907, t. X, table.)

4 Ce personnage semble pouvoir être identifié avec Jean de l’Age, écuyer, seigneur de l’Age, de la Bretollière ou de la Berthollière, Vaucourt, etc., fils de Philippon de l’Age et de Jeanne de Coué, décédé un peu avant le 16 mars 1472, laissant deux enfants en bas âge, et dont la veuve Antoinette de Gondauville, se remaria à Jean de Rechignevoisin, écuyer, sr de Maisonneuve. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 17.)

5 La famille de Chezelles habitait les confins de la Touraine et du Poitou. Gilles, écuyer, seigneur de la Valinière (cne de Champigny-sur-Veude), était sans doute le fils cadet de Méry de Chezelles, sr de Nueil-sous-Faye, de la Noblaye, etc., et de Perrine de Chargé, dont le mariage avait eu lieu vers 1430. (Id., t. II, p. 460, 461.)

6 Par lettres de mai 1473, Jean Meneguy, le même très vraisemblablement, obtint rémission des peines encourues pour la part qu’il avait prise au meurtre de Jean de Peyré. (Ci-dessous, n° MDXXIV.)

7 Jean II le Bon, duc de Bourbon et d’Auvergne. (Cf. ci-dessus, p. 55, note 1.)

8 Tanguy ou Tanneguy Du Chastel, vicomte de la Bellière, seigneur du Bois-Raoul, quatrième fils d’Olivier, seigneur du Chastel, et de Jeanne de Ploeuc, succéda à la faveur de son oncle, Tanneguy Du Chastel, grand maître de la maison du roi, prévôt de Paris, auprès du roi Charles VII, qui le créa son premier écuyer du corps et grand maître de son écurie. Après la mort de ce prince, il se retira en Bretagne, son pays, à la cour du duc François II, puis il rentra au service de Louis XI, le P. Anselme dit en 1472. On voit ici que c’est une erreur de date, puisqu’il siégeait au conseil du roi en juillet 1468. On sait d’ailleurs que dès cette même année il était gouverneur de Roussillon et de Cerdagne. On peut citer des lettres missives intéressantes que Louis XI lui adressa, du 30 avril au 15 mai 1472, relativement aux préparatifs militaires qu’il était alors chargé de faire en Poitou contre Charles duc de Guyenne, et que la mort de celui-ci, survenue quelques jours plus tard, rendirent inutiles. (J. Vaësen, Lettres de Louis XI, t. IV, p. 316-320, 322, 323.) Le roi lui fit don, par lettres patentes de février 1473 n. s., de la terre et seigneurie de Châtillon-sur-Indre. (Arch. nat., Xta 8606, fol. 269.) Tanneguy fut blessé mortellement au siège de Bouchain, le 29 mai 1477.

9 Pierre Doriole, sr de Loire en Aunis, originaire de la Rochelle, dont il fut maire, était général des finances et conseiller maître de la Chambre des comptes, quand il fut nommé chancelier de France, par lettres du 26 juin 1472. Destitué en mai 1483, mais élevé peu de temps après à la charge de premier président de la Chambre des comptes, il mourut le 14 septembre 1485. On peut s’étonner de voir son nom parmi les membres du Conseil royal présents à la séance où fut décidée l’abolition de Joachim de Velort et autres, puisque lui-même avait accompagné le frère de Louis XI en Bretagne. (Cf. ci-dessus, p. 121, note.) Si Olivier de la Marche ne s’est point trompé, il faut supposer que Pierre Doriole avait fait sa soumission au roi antérieurement et abandonné le service de Charles duc de Berry, plusieurs mois avant la réconciliation de ce prince avec le roi.