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MDXLVI

Rémission octroyée à Simone Chausson, veuve de François Bonnemin, et à François Charron, son gendre, détenus dans les prisons de l’abbé de Saint-Maixent pour le meurtre dudit Bonnemin, qui lui-même voulait tuer sa femme.

  • B AN JJ. 195, n° 1239, fol. 274 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 459-462
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, [p. 460]etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Symonne Chaussonne, vefve de feu Jehan Bonnemyn, aagée de xl. ans ou environ, et de François Charron, barbier, gendre dudit defunct et de ladicte suppliante, aagé de xx. ans ou environ, demourans à Saint Maixent, prisonniers detenus ès prisons de nostre bien amé l’abbé dudit lieu de Saint Maixent1, contenant que, trente (sic) ans a ou environ, ladicte Symonne, suppliante, fut conjoincte par mariage audit feu Jehan Bonnemyn, avecques lequel elle s’est conduite et gouvernée bien et honnestement à son povoir, sans commettre chose pour laquelle ledit defunct la deust mal tracter ; mais neanmoins, depuis six sepmaines ença ou environ, ledit Jehan Bonnemyn s’est gouverné rudement et mal gracieusement envers ladicte suppliante, en la tractant très mal, quant elle estoit couchée en sa compaignie, en luy voulant desnyer le boire et le menger, et tellement l’a tractée qu’il a convenu à ladicte suppliante de delaisser de coucher avec ledit feu Jehan, son mary, fors par demy nuit seulement. Or est advenu que, le dimenche ixe jour de ce moys d’octobre, après ce que ladicte Symonne et ledit Françoys Charron, son gendre, furent retournez de la Frapinière, icelle Symonne fist cuyre leur soupper, et pour ce que ledit Jehan Bonnemyn, son mary, estoit alé soupper à l’ostel de Jaques Alart, icelle Symonne print leurdit soupper et une pinte de vin, en entencion d’aler en une chambre haulte de l’ostel où ils estoient demourans, en laquelle chambre ledit François Charron et sa femme estoient demourans, pour soupper avecques eulx. Mais comme elle vouloit monter en ladicte chambre, survint ledit Jehan Bonnemyn ayant une fourche de fer, lequel meu de mauvaiz couraige et en demonstrant sa mauvaise voulenté de faire desplaisir à ladicte Symonne, sa [p. 461] femme, vint à l’encontre d’elle atout ladicte fourche et tendit le fer d’icelle pour l’en fraper et estoquer afin de la mettre à mort. Laquelle Symonne, qui ne luy faisoit ne disoit aucun desplaisir, fut bien esbaye et commença à cryer « au meurtre », tant qu’elle peut, en disant audit François, son gendre : « Au meurtre, François, il me veut tuer ! » Lequel François qui savoit assez les mauvaiz termes que ledit feu Jehan tenoit à sadicte femme, et pour empescher qu’il ne la voulsist occire et meurtrir, mesmement que chacun jour il disoit qui la tueroit, y courut hastivement, en demandant audit Bonnemyn qui le mouvoit et que c’estoit mal fait à luy de continuer en telle voulenté, en luy requerant qu’il se voulsist cesser. Dont il ne tint compte, ains s’efforça plus que devant de fraper ladicte Symonne, sa femme, d’icelle forche de fer. Laquelle Symonne, ce voyant, pour obvier que sondit mary ne la frapast de ladicte fourche, d’un petit baston qu’elle trouva d’aventure auprès d’elle, frapa sur les mains dudit feu Jehan, son mary, tellement qu’il laissa cheoir ladicte fourche. Lequel feu Jehan, non content de ce, mais obstiné en son mauvaiz couraige, ala audit Françoys et le print si rudement à la chevessaille et ailleurs qu’il luy arracha comme tout le visaige et le gecta soubz luy. Pour laquelle cause, ladicte Symonne, doubtant qu’il voulsist illecques occire ou mutiler ledit François, son gendre, se mist à tirer icelluy François et à le delivrer de dessoubz ledit Bonnemyn, son mary, et pour ce faire, frapa deux ou troys cops dudit baston par les jambes d’icelluy son mary. Et quant ledit Françoys fut levé de dessoubz ledit Bonnemyn, qui estoit encores à terre, ladicte Symonne et aussi ledit François, qui estoient fort esmeuz et eschauffez, de chaulde colle, sans avoir quelque voulenté de navrer ne mettre à mort ledit Bonnemyn, mais pour l’empescher en sa mauvaise voulenté, le frappèrent, c’est assavoir ladicte Symonne dudit petit baston qu’elle tenoit, et ledit François d’un autre [p. 462] baston qu’il tenoit, aucuns cops parmy les jambes seulement. Et lequel Jehan commença à cryer et atant le laissèrent, et s’en ala ledit Jehan Bonnemyn, ouvrit la porte de leur maison, en laquelle survindrent aucunes personnes demourans auprès d’illec. Et depuis ledit François a aidé à habiller ledit feu Jehan au mieulx qu’il a peu, non cuidant qu’il fust en dangier de mort ; mais neanmoins à l’occasion de ladicte bateure ou autrement, aucun temps après, il est alé de vie à trespas. A l’occasion duquel cas, lesdiz supplians ont esté prins et constituez prisonniers, etc., en nous humblement requerant, etc. Pour quoy, etc., ausdiz supplians avons quicté les fait et cas dessus diz, avec toute peine, etc. Donné à Paris, ou moys de novembre l’an de grace mil cccc. soixante quatorze, et de nostre règne le xiiiime.

Ainsi signé : Par le Conseil. Triboulé. — Visa. Contentor. De Bidaut.


1 L’abbé de Saint-Maixent était alors Jacques Chevalier, neveu et successeur, depuis l’année 1461, de Jean Chevalier.