1 Beaucoup de membres de la famille Cuningham,
                                    maison d’ancienne noblesse du royaume d’Écosse, vinrent en
                                    France au xve siècle, pour servir dans les
                                    armées de Charles VII et de Louis XI, et s’y
                                    fixèrent. Ils formèrent trois branches distinctes : l’une en
                                    Poitou, celle des seigneurs de Cherveux ; l’autre en Touraine,
                                    celle des seigneurs de Cangé ; et la troisième en Bourgogne,
                                    celle des seigneurs d’Arcenay. Le plus ancien que nous ayons
                                    trouvé au service de la France est Patrice, qui était archer de
                                    la garde du duc d’Orléans, et dont on conserve trois quittances
                                    de gages en cette qualité, datées des 17 novembre 1403,
                                    9 février 1404 et 10 mai 1405. (Bibl. nat., ms. fr. 27322,
                                    Pièces orig., vol. 838.) Robert Cuningham (Coninghan, Conigan,
                                    etc. ; les formes défigurées de ce nom sont très nombreuses),
                                    ici nommé, qui se mit au service de Charles VII vers
                                    1440, est le chef de la branche poitevine. La seigneurie de
                                    Cherveux, dont il prit le titre, lui venait de son mariage avec
                                    Louise Chenin, mariage qu’il contracta très peu de temps après
                                    son arrivée en France. Il était aussi seigneur de Ribemont près
                                    Saint-Jean-d’Angély. Dans un acte du 5 décembre 1449, Robert
                                    Cuningham (Conighan) se qualifie écuyer d’écurie du roi, ayant
                                    la charge de quarante hommes d’armes et de quatre-vingts archers
                                    dans la haute Auvergne ; c’est une quittance de 1.240 livres,
                                    montant des gages de ladite compagnie. (Bibl. nat., ms.
                                    fr. 27322.)
Il se distingua, dans les guerres contre les
                                    Anglais, notamment au siège de Cherbourg et à la conquête de la
                                    Normandie, en 1450, et l’année suivante au siège de Bayonne. (J.
                                    Chartier, Chronique de Charles VII, édit. Vallet de
                                    Viriville, t. II, p. 154, 193, 205, 214, 225, 237, 315 ;
                                        Chronique du héraut Berry, édit. Godefroy, p. 449,
                                    455.) Il fut nommé vers cette époque capitaine de Dun-le-Roi,
                                    avec don du revenu de la terre. (Anc. mém. L de la Chambre des
                                    comptes, fol. 22.) Devenu ensuite capitaine des archers écossais
                                    de la garde du roi, il se laissa mêler à une conspiration ourdie
                                    contre Charles VII. Condamné au bannissement en 1455,
                                    il fut réintégré dans son emploi par Louis XI.
                                    (Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. VI, p. 27 et suiv.)
                                    Au milieu de l’année 1462, il fut adjoint avec ses archers à
                                    l’armée placée sous les ordres de Gaston IV, comte de
                                    Foix, et prit part à l’expédition de Catalogne et notamment au
                                    siège de Tarragone, qui dura du 17 octobre au 2 novembre 1462.
                                    (J. Calmette, Louis XI, Jean II et la révolution
                                        catalane, p. 118, 155.) Jean de Roye raconte que,
                                    pendant la guerre du Bien public, une nuit de la fin de
                                    septembre 1465, plusieurs Écossais de la compagnie de Robert
                                    Cuningham furent surpris à Sèvres par « aucuns Bretons et
                                    Bourguignons » qui leur coupèrent la gorge. Nous le revoyons
                                    l’an 1467 envoyé par Louis XI au secours des Liégeois révoltés.
                                        (Journal de J. de Roye, dit la Chronique
                                        scandaleuse, édit. B. de Mandrot, t. I, p. 113, 183.) A
                                    l’appui de cette assertion, on peut citer une lettre missive
                                    adressée au roi, signée « R. Conygham » et datée d’auprès
                                    Rethel, le 25 novembre 1467. Il accuse réception d’une lettre
                                    que lui écrivait Louis XI, et dit que le connétable,
                                    sous les ordres de qui il était alors placé, lui avait fait
                                    savoir que chacun pouvait retourner en son logis d’auparavant,
                                    son opinion étant qu’il n’y aurait point rupture des trêves.
                                    Mais il ajoute : « Toutesfois, sire, pour ce que nous voyons que
                                    l’armée de Bourgoigne est encores toute ensemble en Lyège et ne
                                    savons quelle volenté ilz ont, nous avons renvoyé devers mondit
                                        sr le connestable pour savoir sa volenté plus à plain
                                    de ce que nous devons faire, en attendant tousjours si survient
                                    aucune autre chose de nouveau. » (Bibl. nat., ms. fr. 20428,
                                    fol. 34, anc. 26.) M. Francisque Michel (Les Écossais en
                                        France, t. I, p. 232), et à sa suite la nouv. édit. du
                                        Dict. des familles du Poitou, prétendent qu’il fut
                                    tué l’année suivante, sous les yeux de Louis XI, au
                                    siège de Liége où le duc de Bourgogne l’avait entraîné. Je n’ai
                                    pas retrouvé la source de cette erreur. Le second de ces
                                    ouvrages, il est vrai, aussitôt après avoir annoncé la mort de
                                    Robert Cuningham en 1468, s’empresse de citer des actes de ce
                                    personnage de l’année 1476.
Une autre lettre écrite à
                                        Louis XI, de Villefranche de Rouergue, le
                                    11 novembre 1469, par le capitaine de la garde écossaise, mérite
                                    d’être citée. Le roi lui avait prescrit d’obéir à M. le Grand
                                    maître (Antoine de Chabannes, comté de Dammartin), comme à sa
                                    propre personne ; il proteste qu’il s’est conformé à cet ordre
                                    et poursuit ainsi : « Item, sire, m’avez escript que je feisse
                                    marcher ma compaignie et que je ne feusse pas le dernier et que
                                    par ma négligence riens ne feust retardé. Sire, Dieu mercy,
                                    depuis que je suis en vostre service, il n’est riens demouré ne
                                    perdu par moy, ne ne sera ; et Dieu me doint la mort avant.
                                    Mais, sire, il est bien vray que mondit sr le Grant
                                    maistre m’a escript unes lettres que je ne bougasse jusques à ce
                                    que j’eusse nouvelles de luy, et qu’il ne failloit conduire
                                    l’artillerie, et que si je faisoys autrement, que vous n’en
                                    seriez pas content. Et aussi, sire, je suis tousjours attendant
                                    le Grant maistre et l’artillerie, et ne sçay où il est. Et ne
                                    sçay pas encores s’il me veult mener en Armignac ou laisser ici.
                                    Et pour ce, sire, pensez que ce n’est pas ma faulte que je ne
                                    suis pieça en Armignac ou sur les marches, car je ne suis que à
                                    deux journées de Toulouse … » Et en post-scriptum :
                                    « Sire, je vous suply qu’il vous plaise avoir vostre povre clerc
                                    de Poictiers, pour lequel vous a pleu escripre au chapitre, pour
                                    recommandé. » (Bibl. nat., ms. fr. 20428, fol. 39,
                                        anc. 29 bis.) Un autre recueil contient une
                                    quittance, signée et scellée du même personnage, à la date du
                                    19 septembre 1470, d’une somme de 286 livres 10 s. pour un
                                    trimestre de son état de « cappitaine des quatre-vingt quinze
                                    lances et demi fournies, Ecossais, de l’ordonnance du roi » ;
                                    Robert Cuningham est dit, dans cette pièce, seigneur de Cherveux
                                    et de Villeneuve, chambellan du roi. (Bibl. nat., ms.
                                    fr. 27322.) En avril 1477, il faisait campagne à la tête de ses
                                    archers sous M. le Grand-maître, dans le comté de Champagne, et
                                    au mois d’octobre suivant, avec le capitaine Salazar, dans le
                                    comté de Bourgogne, aux environs de Gray, où ils éprouvèrent
                                    tous deux de graves échecs. (Journal de J. de Roye,
                                    t. II, p. 62, 209.) On ne sait point la date du décès de Robert
                                    Cuningham. Au mois de mars 1477 n.s., il rendit, au nom de sa
                                    femme, aveu de la terre et seigneurie de Cherveux, et vivait
                                    encore le 21 novembre 1478. Ce jour-là il assista, ainsi que
                                    Louise Chenin, sa femme, au contrat de mariage, passé à la fois
                                    en la cour du sceau aux contrats de Niort et en la cour du sceau
                                    aux contrats de Cherveux, entre Joachim Cuningham, leur fils, et
                                    Catherine de Montbron, fille d’Eustache de Montbron, vicomte
                                    d’Aunay, en présence de Jean, seigneur de Saint-Gelais et de
                                    Saint-Jean-d’Angles, et de Jean de Saint-Gelais, seigneur de
                                    Séligné, témoins ; il y est qualifié « Robert de Conigam,
                                    escuier, seigneur du dit lieu de Cherveux, de Ribemont et de
                                    Pontchevron ». (Arch. nat., P. 14071, cote
                                        vic
                                    lv.) Joachim, qui dès l’année 1475 était capitaine de
                                    96 hommes d’armes et de 19 archers écossais et servit aux bans
                                    de Poitou de 1488 et de 1491, ne laissa pas d’enfants. De son
                                    mariage avec Louise Chenin, Robert eut deux autres fils :
                                    François, seigneur de Ribemont, aussi décédé sans hoirs, et
                                    Jacques, chevalier, seigneur de Cherveux après la mort de
                                    Joachim, capitaine du château de Niort, marié à Catherine de
                                    Vivonne, vivant encore en 1516, qui ne laissa que deux filles.
                                    (Cf. Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. II,
                                    p. 379 et 590.) Quant à Job Cuningham, au profit duquel sont
                                    données les rémissions analysées ici, nous ne l’avons trouvé
                                    mentionné nulle part ailleurs.