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MDVII

Lettres confirmant et généralisant l’exemption de ban et arrière ban précédemment accordée aux maire, échevins et bourgeois de Poitiers, et déclarant qu’ils ne pourront être appelés qu’à concourir à la garde et défense de leur ville, sans en sortir.

  • B AN JJ. 197, n° 275, fol. 147 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 314-320
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de noz chers et bien amez les maire, bourgoys, eschevins et autres manans et habitans de nostre ville et cité de Poictiers, contenant que, comme par lettres et privilleiges par nous à eulx donnez, ayons voulu et octroyé que, quelque ban et arrière ban que feissions faire des nobles et autres tenans fiefz et arrière fiefz, ilz ne feussent tenuz eulx monstrer, aller ne envoyer en nostre service à nosdiz ban et arrière ban et armée, hors ladicte ville et cité de Poictiers, mais seroient tenuz la garder en nostre obeissance1 ; depuis lesquelles lettres octroyées, nous ayons fait faire certain ban et arrière ban des nobles du païs de Poictou et autres tenans fiefz et arrière fiefz nobles, previlleigiez et non previllegiez, exemps et non exemps, pour eulx rendre à Montagu, par devers nostre amé et feal [p. 315] conseiller et chambellan le sire de Bressuyre2, le quinziesme [p. 316] jour de septembre derrenier passé3, sur peine de confiscacion de corps et de biens et autres peines contenues ès lettres dudit ban. Par vertu desquelles, les commissaires par nous sur ce ordonnez ont voulu contraindre lesdiz [p. 317] supplians à y aller et obeyr, non obstant leurs dictes lettres et octroy et sans y avoir regard et consideracion, disans qu’elles n’estoient valables pour eulx exempter dudit ban. Par quoy lesdiz supplians nous aient fait supplier et requerir que nostre plaisir feust les exempter et afranchir dudit arrière ban et autres que nous et noz successeurs pourrions faire le temps avenir, et d’abondant leur octroyer que, quelques monstres, ban et arrière ban que ayons fais ou que nous ou nosdiz successeurs ferions faire pour l’avenir des gens nobles et autres tenans fiefz et arrière fiefz, previlleigiez et non previlleigiez, exemps et non exemps, des villes, citez, communitez et colèges, ilz ne soient tenuz y aler ne envoyer ne eulx monstrer hors nostredite ville, mais en soient tenus quictes, exempts et excusez. Pour ce est il que nous, eue consideracion aux choses dessus dictes et principalement que ladicte ville est l’une des principales et plus fortes villes et citez de nostre royaume, la ville cappital et le reffuge dudit païs, de grant garde et estandue, mal populée et habitée, et que si les nobles et autres de ladicte ville tenans fiefz et arrière fiefz estoient contraincts à partir de ladicte ville pour nous servir en noz guerres, icelle ville pourroit demourer sans garde et entre les mains des gens mecaniques et pouvre populaire de ladicte ville, èsquelz elle ne seroit en seureté, aussi pour la bonne loyaulté et obeissance que lesdiz supplians et leurs predecesseurs ont tousjours gardée et eue à nous et à noz predecesseurs, et pour plusieurs grans et louables services et aides de leurs biens qu’ilz nous ont faiz par cy devant à l’entretenement de noz guerres et autrement, et pour les bonnes nouvelles que presentement avons eues de la nativité de nostre segond filz Françoys4, et afin que icelle [p. 318] nostredicte ville soit plus amplement populée et habitée, et pour estre plus seurement gardée et entretenue en nostre obeissance, ce que desirons de tout nostre povoir, et pour plusieurs autres grans causes [et] consideracions à ce nous mouvans, nous, en confermant lesdiz previlleiges et exempcions et iceulx ampliant et donnant de nouvel, se mestier est, iceulx supplians et leurs successeurs, nobles et non nobles tenans fiefz et arrièrefiefz, soient du corps et colliège de ladicte ville ou non, de quelque estat ou condicion qu’ilz soient, qui à present demeurent ou qui pour l’avenir demourront en ladicte ville, avons exemptez, quictez et affranchiz, exemptons, quictons et affranchissons perpetuellement, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par cesdictes presentes, d’eulx monstrer, aller ne envoyer ou service de nous et de nosdiz successeurs, hors ladicte ville de Poictiers, pour quelques monstres, ban ou arrière ban que ayons fait ou faire, et que nous ou noz successeurs feront pour l’avenir, soit en general ou particulier, de gens nobles et autres tenans fiefz et arrièrefiefz, exemps et non exemps, previlleigiez et non previlleigiez, de villes, citez, colèges et communitez, pour quelque cause ou occasion que ce soit ou puisse estre. Et voulons, ordonnons et nous plaist qu’ilz en soient tenuz pour excusez et exemptez, sans que ce leur puisse tourner, ores ne pour l’avenir, à aucun reprouche, dommaige ou amende ; mais voulons qu’ilz demeurent et soient tenuz demourer en ladicte ville, pour la garde d’icelle et y faire guet et garde, quant mestier en sera. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tiendront nostre Parlement, au seneschal de Poictou, et à tous noz justiciers et officiers, cappitaines et commissaires par nous commis et à commettre sur le fait desdictes monstres, guerres, ban et arrière ban, ou à leurs lieuxtenans ou commis, et à chacun [p. 319] d’eulx sur ce requis, si comme à luy appartiendra, que de noz presens grace, previlleiges, exempcions, affranchissement, ampliacion et octroy ilz facent, souffrent et laissent tous lesdiz habitans de ladicte ville et leursdiz successeurs, qui sont et seront pour l’avenir demourans en icelle, de quelque estat ou condicion qu’ilz soient, joyr et user plainement et paisiblement, sans leur faire, mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire. Et se leurs corps, fiefz nobles ou autres leurs biens, ou d’aucuns d’eulx, avoient esté ou estoient pour l’avenir pour ce prins, saisiz, arrestez, mis en nostre main ou autrement empeschez, les leur mettent ou facent mettre incontinant et sans delay à plaine delivrance, et lesquelx dès à present nous y avons [mis] et mettons du tout par cesdictes presentes, en relevant lesdiz supplians et chacun d’eulx de tous deffaulx, obmissions, peines, amendes et confiscacions en quoy ilz pourroient estre pour ce encouruz. Car ainsi, etc., et ausdiz supplians l’avons octroyé et octroyons de nosdiz grace especial, plaine puissance et auctorité royal, non obstant quelxconques monstres, bans et arrière bans, faiz et à faire, desdiz nobles et autres tenans fiefz et arrière fiefz, exemps et non exemps, previlleigiez et non previlleigiez, de villes, citez, colèges et communitez, et autres quelxconques faiz et à faire, et quelxconques mandemens ou deffences, ordonnances et lettres impetrées ou à impetrer, à ce contraires. Et pour ce que de cesdictes presentes lesdiz supplians ou aucuns d’eulx pourront avoir à faire en plusieurs et divers lieux, nous voulons que au vidimus d’icelles, fait soubz seel royal, foy soit adjoustée comme à ce present original. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel et apposer à cesdictes presentes. Donné au Plesseys Baudoyn, ou moys d’octobre l’an de grace mil [p. 320] cccc. soixante douze, et de nostre règne le douziesme5.

Ainsi signé : par le roy, maistre Loys d’Amboise6 et autres presens. N. Tilhart.


1 Par lettres patentes données à Eu, au mois de décembre 1463, Louis XI avait exempté les vingt-cinq échevins nobles de Poitiers de tout service militaire en dehors de leur ville : le texte en est imprimé dans notre précédent volume (t. XXXV des Arch. hist., p. 432-434). Quatre ans plus tard, des lettres datées de Vendôme, le 15 novembre 1467, étendirent l’exemption de ban et arrière ban aux maire, échevins, bourgeois et à tous habitants de la ville, à la charge de mettre la place en état de défense, de la garder et d’y faire intérieurement, au point de vue militaire, tout le service nécessaire. Il existe aux Archives municipales de Poitiers deux expéditions originales de ces lettres, dont l’une est encore munie d’un fragment du grand sceau royal en cire jaune sur double queue de parchemin ; l’attache du sénéchal de Poitou, du 20 du même mois, y est jointe (A 27). Elles n’ont été ni enregistrées en Parlement ni transcrites sur les registres de la Chancellerie ; les éditeurs des Ordonnances des rois de France les ont ignorées, et elles ne paraissent pas avoir été publiées dans un autre recueil.

2 Jacques de Beaumont, chevalier, seigneur de Bressuire (cf. ci-dessus, p. 235, note 3). Les maire et échevins de Poitiers lui ayant remontré que par privilège spécial les bourgeois et habitants de leur ville étaient dispensés de servir au ban et à l’arrière-ban, il leur répondit des Sables-d’Olonne, le 13 juillet précédent : « Vous savez la cause pourquoy l’arrière ban a esté fait, et est bien besoing de obvier à la descente des Anglois qui ont entrepris venir descendre ès parties de pardeçà, et croy bien qu’il faudra que, quelque privilège que vous ne autres avez, que chacun secoure et aide à ce besoing, et que vous fournissez de quelque nombre de gens, pour venir à la couste, et de deux ou trois pièces d’artillerie, le plus que pourrez vous supporter ; et au surplus vous feray sçavoir ce que devez fournir … » (B. Ledain, Hist. de la ville de Bressuire, p. 319.) On voit que le sire de Bressuire se trompait et que les habitants de Poitiers firent reconnaître et confirmer définitivement leur dispense par Louis XI. Nous ne referons pas ici la biographie de Jacques de Beaumont. M. Ledain s’en est acquitté consciencieusement ; il eut d’ailleurs à sa disposition le chartrier de Saint-Loup, alors propriété particulière, qui lui fournit nombre de documents intéressants, dont il sut tirer le meilleur parti. (Op. cit., p. 298-332.) Il n’y aurait que peu de chose à y ajouter. Nous nous contenterons d’énumérer quelques actes qui lui ont échappé et de rectifier la date qu’il donne de sa nomination comme sénéchal de Poitou. Le sire de Bressuire a encore commandé le ban et l’arrière-ban huit ans plus tard, comme en témoignent des lettres patentes de Louis XI, le nommant et établissant « chief et principal conducteur des nobles et non nobles du ban et arrière-ban de Poictou, Anjou, Mayne, Vendosmois, Xantonge, Aulnis, ville et gouvernement de la Rochelle, Angoumois, Perigort, Lymosin haut et bas, la haulte et basse Marche, Touraine et Berry », et lui mandant de les réunir, d’en passer les montres et de les faire partir pour la Bourgogne, datées de Bonne-Aventure-lès-Chinon, le 13 janvier 1480 n. s. A la suite se trouve la convocation du ban et arrière-ban de Touraine pour le 10 mars suivant, afin de se rendre en Bourgogne, datée du même lieu, le 18 janvier 1480, et signée « Jacques de Beaumont », (Copies, Bibl. nat., ms. fr. 20428, fol. 43.) Parmi les bienfaits que le sire de Bressuire reçut du roi, il convient de ne pas omettre le revenu de la terre et seigneurie de Thouars, dont il lui fit don par lettres de Paris, le 26 mai 1473, et la capitainerie et gouvernement des château, châtellenie et baronnie de Chizé, qui lui furent attribués le 29 novembre 1482. (Anc. mémoriaux de la Chambre des comptes O, fol. 80, et R, fol. 180 ; Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 77 et 226.) Dans des lettres de rémission pour Bernard Grandjean, de Saint-Jean-d’Angély, datées de Tours, octobre 1481, le sire de Bressuire, chambellan du roi, est dit lieutenant général au pays de Saintonge. (JJ. 207, n° 114, fol. 56 v°.)

Après la mort de Louis XI, le désir de se venger de ceux qui s’étaient faits l’instrument de ses haines n’alla pas jusqu’à mettre directement en cause son serviteur zélé et confident, son second Tristan L’Hermite, comme Brantôme qualifia Jacques de Beaumont, après avoir lu sa correspondance. L’information faite à la requête des La Trémoïlle pour être remis en possession de la vicomté de Thouars (janvier-février 1484) révéla la part qu’il avait prise à la spoliation. (Mlle Dupont, Mémoires de Commines, t. III, p. 80-128.) Dans d’autres procès, on l’accuse indirectement des plus graves abus de pouvoir. Nous en avons vu un exemple ci-dessus (p. 119 note) dans les poursuites exercées par Bertrand Boueron, curé de Noireterre, contre l’évêque de Luçon et François de La Musse (9-12 décembre 1483 ; Arch. nat., X2a 49). Nous en citerons un second. Un sergent royal au bailliage de Saint-Maixent, Thibaut Girard, ayant eu à signifier, l’an 1481, à l’abbé de Saint-Maixent et à Philippe Chevalier, son frère, un mandement obtenu de la cour par François Desclez, religieux de cette abbaye, encourut leur haine et leur vengeance. Profitant des relations familières qu’ils entretenaient avec le sire de Bressuire, ils entreprirent contre leur victime toute une série de violences, de mauvais traitements et de tortures. Jacques de Beaumont, qui était alors lieutenant général et gouverneur de Poitou, fit d’abord, sans aucune enquête, information ni forme de procès, enfermer Thibaut dans les prisons du château de Niort, les jambes et les bras entravés dans de gros fers ; il y resta trois semaines, au bout desquelles il le transféra dans son château de la Mothe-Saint-Héraye, le fit jeter, toujours enchaîné, dans une basse fosse et l’y retint trois mois. A plusieurs reprises, le malheureux sergent voulut interjeter appel au Parlement, mais toutes ses requêtes furent interceptées par le sire de Bressuire, qui finalement (il nous faut abréger) le fit transporter successivement dans les principales villes du pays, Poitiers, Châtellerault, Niort, Lusignan, Fontenay, Saint-Maixent, Montmorillon, et partout on le promenait dans les principales rues en le fustigeant de verges. (Lettres du 4 mars 1484 n. s., plaçant Thibaut Girard sous la sauvegarde de la cour, X2a 45.) Néanmoins, s’il fut tenu quelque peu à l’écart des affaires politiques dans les premiers temps de la régence d’Anne de Beaujeu, le sire de Bressuire ne tomba pas en disgrâce. Charles VIII le chargea, par lettres du 7 avril 1487, de la garde des places de la Gâtine saisies sur le comte de Dunois ; il prit part à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, l’année suivante, et fut nommé conservateur de la trêve conclue à la suite avec le duc de Bretagne. Peu de jours après la mort d’Yvon Du Fou (2 août 1488) et non en 1491, comme le dit M. Ledain, Jacques de Beaumont fut pourvu de la charge de sénéchal de Poitou et en cette qualité il commanda le ban et l’arrière-ban des années 1489 et 1491. Il mourut le 15 avril 1492, au château de la Mothe-Saint-Héraye que Charles VIII, en récompense de ses services, avait érigé en baronnie. On peut voir dans le chartrier de Saint-Loup le curieux détail des dépenses faites pour ses obsèques. (Arch. départ. des Deux-Sèvres, E 1958.)

3 L’arrière-ban de Poitou, réuni le 15 septembre 1472, à Montaigu, sous le commandement du sire de Bressuire, ne tarda pas à entrer en campagne sur les marches de Bretagne, d’où il rejoignit l’armée royale en Anjou. « Il prit une part active aux sièges d’Ancenis et de Chantocé, puis, après l’ouverture des négociations pacifiques, repassa la Loire, pour revenir prendre position dans les Marches. Une trêve du 15 octobre au 30 novembre 1472, prolongée bientôt pour une année, ayant été conclue à Poitiers entre Louis XI et le duc de Bretagne, l’arrière-ban fut dissous ». (Mémoire du temps, cité par Ledain, Hist. de Bressuire, p. 319.)

4 François de France, duc de Berry, était né à Amboise à la fin de septembre 1472 ; il mourut au mois de juillet 1473 et fut enterré dans l’église des Cordeliers d’Amboise.

5 Ces lettres ont été publiées, d’après le registre du Trésor des chartes, dans le recueil des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XVII, p. 541. L’original en est conservé, avec une copie collationnée du 24 août 1503, dans les Archives municipales de Poitiers.

6 Louis d’Amboise, comme son parent, Jean d’Amboise, fut conseiller du roi et contresigna un grand nombre de lettres patentes à partir de l’année 1471. Le 24 janvier 1474, il fut promu au siège épiscopal d’Albi et en cette qualité fut président des États de Languedoc. Il n’en continua pas moins à siéger au conseil et occupa l’évêché d’Albi jusqu’au mois de mai 1497.