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MCCCCLXXV

Rémission octroyée à Jean Bouquet, pâtissier de Notre-Dame de Celles, prisonnier à Poitiers pour avoir essayé de fabriquer de la fausse monnaie.

  • B AN JJ. 196, n° 66, fol. 43
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 213-215
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Bouquet, paticier, povre homme, demourant à Nostre Dame de Scelles, contenant que, environ la feste de l’Adnunciacion Nostre Dame derrenière passée, ung homme que lors ledit Bouquet ne congnoissoit, qui se faisoit nommer maistre Gabriel, lequel s’entremettoit de faire petiz ymages en papier et fleurs de fougière en estain, s’en vint loger en l’ostel dudit Bouquet audit lieu de Selles, où il fut par aucun temps ; pendant lequel et entre les festes de Pasques et Penthecouste ledit maistre Gabriel, à deux jours de lundi et mardi, en la presence dudit Bouquet, et eulx estans en une chambre haulte en la maison d’icellui Bouquet, sur son ouvrouer, fondit certain metail, estaing, arguan, bourre et sublimé tout ensemble et le fist bouillir, et après chauffer certains moulles de fer qu’il avoit, et moiennant certaines mistions qu’il fist de cendres passées au bulleteau et destrempées de sel fondu et d’eaue, mola et fist dedans lesdiz moules certain nombre de faulse monnoye de grans blans et petiz blans, et aussi de grandes [p. 214] et petites targes, jusques à la valeur de xxx. livres tournois ou environ. Et pour ce que icellui Bouquet se complaignoit audit maistre Gabriel, en le conduisant dudit lieu de Selles à Nyort, disant qu’il estoit povre homme et fort endebté, ledit Gabriel lui dist que, s’il lui vouloit promettre et jurer par son serement de non jamaiz l’encuser et fut il ores emprisonné, qui lui aprendroit à faire ladicte faulse monnoye ; dont ledit Bouquet fut content et de fait fist ledit serement. Et après icellui Gabriel lui bailla la longueur et largeur desdiz moles de fer, disant qu’il en fist faire de semblables molles de boys ; pour lesquelles faire faire ledit suppliant se transporta en la ville de Mesle, et illec par ung menuisier, nommé Jaquet, fist faire certains moles de boys, selon ce que lui avoit monstré et enseigné ledit maistre Gabriel, et dist audit Jaquet, menuysier, qu’il faisoit faire lesdiz moles pour tympaniser livres. Et après que lesdiz molles furent faiz, ledit Bouquet s’en retourna en son hostel et depuis a essayé, par troys ou quatre foys, à faire et moller de ladicte fausse monnoye, ainsi que lui avoit monstré ledit maistre Gabriel, et aussi au patron de sept targes que ledit maistre Gabriel lui avoit laissées au partir, enveloppées en ung pou de papier. Maiz la pluspart de tout ce que ledit Bouquet molloit de ladicte faulse monnoye devenoit1 noire, et en a fait seulement icellui Bosquet (sic) pour vingt ou xxv. solz tournois ou environ, du nombre de laquelle il a esté trouvé saisi d’une targe et deux grans blans, et aussi desdiz moles de boys. A l’occasion duquel cas ledit suppliant a esté prins et constitué prisonnier en noz prisons de Poictiers, èsquelles il est detenu et en voye de miserablement finer ses jours, se nostre grace, etc. Au seneschal de Poictou et à tous, etc. Donné à Amboyse, ou moys d’octobre l’an de grace mil cccc. soixante neuf, et de nostre règne le neufiesme.

[p. 215] Ainsi signé : Par le roy, l’abbé de Selles2 et autres presens, de Cerisay. — Visa. Contentor. Duban.


1 Le texte du registre porte « devoit ».

2 L’abbé de Notre-Dame de Celles, nommé ici parmi les membres du Conseil, était Louis de Lézignac, qui est mentionné en cette qualité dans des actes des années 1460, 1462, 1465, 1466, 1472 et 1477. Il avait succédé à son parent, Guy de Lézignac ; celui-ci était encore abbé en 1456. Un Guyot de Lézignac avait été écuyer d’écurie de Jean, duc de Berry, nommé à cette charge à Chauvigny le 7 août 1372. (Arch. nat., J. 187a, n° 4.) Marguerite de Lézignac, vivant au milieu du xve siècle, avait épousé Jean de Besdon, seigneur d’Oiré. Un acte du 27 juillet 1477 intitulé : Ludovicus de Lesigniaco, abbas, et conventus Beate Marie de Cella, etc., en souvenir des bienfaits dont Louis XI avait comblé ce monastère et de sa dévotion à la Vierge Marie, prescrit des prières pour la santé du roi, qui devront être récitées par les religieux à genoux, chaque jour, à l’issue de la messe et des vêpres. Il est encore question dans dom Martène de cet abbé de Celles, sous les années 1480 et 1483. (Gallia christ., t. II, col. 1338.)