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MDXVI

Rémission accordée à Pierre Lucas, couturier, de Benet1, qui avait causé involontairement la mort d’un laboureur nommé Jean Moyron, l’ayant frappé en une jambe, en jouant avec ses ciseaux.

  • B AN JJ. 197, n° 237, fol. 132
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 347-349
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Lucas2 cousturier, demourant à Bennetz en l’eveschié de Maillezays, contenant que, le jour de la feste de la Thiphaine derrenière passée, après vespres, lui estant ou villaige de l’Ourberye sur Vendée, ainsi qu’il parloit à Estienne Marteau et à Jehan Lucas, son nepveu, en ung carrefour dudit lieu, devant l’ostel Guillaume Beraut3, survint ung nommé Jehan Moyron, laboureur dudit lieu, ayant une pièce de pain en l’une de ses mains et en l’autre ung petit cousteau dont il tranchoit son pain ; lequel demanda audit suppliant où il alloit, et il lui respondit doulcement qu’il alloit cheux lui querir de l’argent qu’il lui devoit de son mestier de cousturier. Et lors icellui Moyron lui dist qu’il n’en auroit jà, et en s’approuchant de lui par manière de raillerie, fist semblant de lui bailler de sondit cousteau qu’il tenoit en l’une de ses dictes mains par l’estomac. Et ce voyant, ledit suppliant, sans penser nul mal, dist audit Moyron que il [p. 348] avoit bien de quoy se deffendre et tira ungs sizeaulx qu’il avoit en son sain destre, et incontinant que ledit suppliant eust lesdiz sizeaulx en sa main destre, ledit Moyron leva le pié, en faisant signe ou faignant d’en frapper ledit suppliant. Et en ce faisant icellui suppliant, cuidant se railler avec ledit Moyron, frappa icellui Moyron en l’une de ses jambes, par le dedens de ladicte jambe, au dessoubz du genoil. Et ce voyant, icellui suppliant, qui estoit desplaisant dudit coup, dist audit Moyron qu’il l’avoit affolé, et ledit Moyron lui respondit qu’il n’avoit point de mal. Et incontinant s’en allèrent ensemblement en l’ostel de Jehan Lucas, demourant audit lieu, et misdrent à icellui Moyron par dessus la playe de l’uille chault ; et après s’en alla ledit Moyron en son hostel. Et au moyen de ladicte plaie, par deffault de bon gouvernement ou autrement, sept jours après, alla de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, ne se oseroit jamais seurement trouver au païs, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que ledit cas est advenu d’avanture et qu’il n’y a eu riens paravant precogité, et aussi que à la fin des jours dudit deffunct, il pardonna audit suppliant ledit cas, en disant et recongnoissant qu’il ne l’avoit pas fait à son essiant, et que il ne vouloit pas qu’il en eust à faire pour lui ne pour les siens, mais que en sa conscience il aidast à ses enffans, et que en autres cas ledit suppliant est bien famé et renommé, il nous plaise sur ce lui impartir icelles noz grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde prefferer à rigueur de justice, audit Pierre Lucas, suppliant, avons quicté, remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons le fait et cas dessus dit, avec toute la peine, amande et offence corporelle, criminelle et civille, en quoy, pour occasion dudit cas, il pourroit estre encouru envers nous et justice ; et l’avons [p. 349] restitué et restituons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisquez, satisfaction faicte à partie civillement tant seullement, se faicte n’est. Et sur ce imposons scillence perpetuel à nostre procureur, present et avenir. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartiendra, que ledit suppliant facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement de noz presens grace, quictance, remission et pardon, et, se son corps ou aucuns de ses biens avoient esté ou estoient pour ce prins, arrestez ou empeschez, si les mettent ou facent mettre sans delay à plaine delivrance. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Thouars, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. soixante douze, et de nostre regne le douzeiesme.

Ainsi signé : Par le conseil. J. de La Loère, scriptor. — Visa. Contentor. J. Duban.


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2 Sur le livre des cens dus à Benet au seigneur du lieu (alors Hardouin de Maillé), pour les années 1471 et suiv., on trouve cette mention : « Collas Lucas pour Pierre Lucas, cousturier, sur son vergier, tenant d’une part à la voye des prés, et d’autre part au verger de Jehan Durand, l’ayné, x deniers » (Arch. nat., P 1037, fol. 41.) Le même registre mentionne différents membres de la famille Marteau de Benet, nommée quelques lignes plus bas.

3 Un Guillaume Beraut possédait dans la même région, à cause de sa femme, la grande dîme ou dîmerie de Béceleuf et ses appartenances et la moitié de la dîme du Bourg-Pallié, pour lesquelles il devait hommage plein aux seigneurs de Parthenay. (Arch. nat., R1* 190, fol. 251.)